Depuis la création du
Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI
(Organisation mondiale de la propriété intellectuelle)
en décembre 1999, les demandes de règlement
des litiges relatifs aux noms de domaine devant cette institution
affluent. Elles entrent dans le cadre des principes directeurs
régissant le règlement uniforme de ce type de
litiges en coordination avec l'Internet Corporation for Assigned
Names and Numbers (Icann,
en charge de la gestion des DNS). Il s'agit d'une médiation
administrative qui fait autorité en la matière.
Une fois la décision rendue, la partie perdante peut
contester cette décision auprès d'un tribunal
compétent mais il faut faire vite : après un
délai d'attente de dix jour, l'unité d'enregistrement
de l'Icann est chargée d'exécuter la décision
et de transmettre au cas échéant le nom de domaine
au plaignant.
Les demandes émanent de
divers horizons : les grandes sociétés, les
particuliers, les célébrités ou les organisateurs
d'évènements sportifs. Le Centre pointe le doigt
sur le problème du "cybersquattage", pratique
qui consiste à déposer de manière abusive
des noms de domaines suffisamment attractifs pour espérer
des profits en cas d'une possible revente finale. A fin juin
2000, l'OMPI indique avoir recueilli 716. 272 décisions ont
été rendues et 47 plaintes ont été
rejetées.
Un coup d'oeil sur le site de l'institution permet de voir
quels noms de domaine font l'objet actuellement de litiges
déclarés. Des sociétés et des
marques françaises s'y trouvent impliquées :
outre la multitude de noms de domaine déposés
depuis juin autour de la fusion entre Vivendi et Seagram,
on y voit d'autres acteurs français qui ont acquis
une renommée mondiale : il semblerait par exemple que
le groupe de grande distribution Carrefour veuille récupérer
carrefour-group.com ou carrefourgroup.com. Contacté
par le JDNet, David Martinez Martin, le propriétaire
de ces noms de domaine, localisé à Tenerife
dans les îles Canaries, indique qu'il est prêt
à les céder... si on y met le prix. Pour quatre
noms de domaine autour du nom "Carrefour", le prix
serait de 170.000 dollars. Visiblement, la tendance est à
la baisse car, en effectuant une recherche sur le site américain
de ventes de noms de domaine GreatDomains.com,
on remarque que le prix pour acquérir uniquement carrefourgroup.com
est de 500.000 dollars. Un brin provocateur, le détenteur
du nom de domaine n'hésite pas à déclarer
qu'il est prêt à mettre en ligne un site pornographique
à destination de la communauté homosexuelle
avec cet URL dans les semaines qui viennent.
Les marques rattachés à de grands groupes français
font souvent l'objet de litiges. Parmi les cas en instance,
on trouve Pagesjaunes.com,
nom de domaine à partir duquel son détenteur
Jean-Noël Frydman, installé à New York,
a monté "Les Pages Jaunes Francophones des Etats-Unis",
sans la bénédiction de France Télécom.
"Aujourd'hui, les services de pages jaunes existent dans
tous les pays du monde, commente Jean-Noël Frydman, et
une myriade de sociétés peuvent se prétendre,
au meme titre que France Télécom, utilisatrices
de ce 'trademark' -qui est, par ailleurs, passé dans
le language courant aux Etats-Unis." Jean-Noël Frydman
entend bien défendre ses intérêts devant
l'OMPI (le cas devrait être tranché vers le 20
août).
Autre dossier : le spécialiste
de la literie, Slumberland France semble connaître
quelques difficultés avec deux noms de domaines rattachés
à ses marques réputées : pour Epeda.com,
l'OMPI a finalement tranché pour son rapatriement.
Mais pour Merinos.com, l'examen formel est en cours. On comprend
un peu mieux pourquoi le groupe préfère se concentrer
actuellement sur le développement d'un site thématique
avec MonSommeil.com.
Dans le domaine du livre et des médias, les conflits
d'intérêts semblent également de mise.
Ainsi, l'éditeur français Flammarion
a également lancé une action auprès de
l'OMPI pour récupérer son .com, détenu
à ce jour par un Coréen qui voulait développer
un site autour du "tourisme". La maison d'édition
française a obtenu gain de cause le 31 juillet. L'OMPI
a également été contacté pour
trancher sur des litiges de noms de domaine qui ressemblent
étrangement à deux grands médias français
: TF1.com ou le-monde.com.
En feuilletant quelques compte-rendus du Centre d'arbitrage
et de médiation, on se rend compte que les commissions qui
planchent sur les dossiers litigieux prennent en compte des
éléments comme la notoriété des
sociétés, la crédibilité des projet
Internet derrière les noms de domaine, la réelle
appartenance des marques et à qui revient de droit
son exploitation, etc. Toutefois, la direction du Centre reconnaît
qu'il faudrait davantage cerner la notion de "cybersquattage"
au regard du champ d'application des principes actuels.
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