Le Net
5. Alidoo : autopsie d'une start-down
Cinq mois : c'est le temps qu'il a fallu à Alidoo pour passer du statut de start-up à celui de start down. Retour sur cette courte carrière.--> (Lundi 18 septembre 2000)
         
Ce qui a changé depuis l'e-krach
Financement, stratégie, perspectives...
La correction boursière du printemps a déstabilisé les "jeunes pousses" du Web. Enquête en cinq volets sur les nouvelles règles du jeu de l'Internet business.

Le 24 juillet dernier, cinq mois seulement après avoir ouvert ses portes, Alidoo, le site spécialisé sur le créneau des animaux de compagnie, déposait son bilan. Ouvert en mars 2000, alors que l'Internet connaissait ses premières heures sombres à la Bourse, Alidoo aura été une étoile filante du Net. A ce jour, le seul véritable cas avéré de "start-down" française.

Dans l'euphorie de la fin 1999, le site animalier se construisait de jolis espoirs. Imaginez donc : 8 millions de chiens, 8,5 millions de chats et 20 millions de poissons rouges peuplent l'Hexagone... Quand on portait le regard outre-Atlantique, tout s'annonçait sous les meilleurs auspices. En février dernier, alors qu'Alidoo lançait sa version teasing en ligne, son équivalent américain, Pets.com, s'introduisait haut la main en Bourse et atteignait une valorisation de 600 millions de dollars. De quoi être gonflé à bloc.

5 à 10 millions de francs à l'amorçage

Pour démarrer ses activités, Alidoo va bénéficier d'un "fonds d'amorçage", levé en décembre 1999, d'un montant situé entre 5 et 10 millions de francs. Aucune précision supplémentaire sur ce financement ne sera apportée à l'époque. Mais, selon un ancien salarié de la start-up, "le fonds d'amorçage se situait plutôt vers les 5 millions de francs et avait été directement injecté par les associés". Les associés d'Alidoo sont au nombre de trois : Jean-Sébastien Cruz, le PDG, ancien responsable du commerce électronique de la web agency Pictoris, Fabrice Grinda, directeur général d'Aucland, et Chahram Riahi, un business angel londonien. Un quatrième homme aura un rôle actif dans la destinée d'Alidoo, Gaël Duval, directeur général de B2L. La web-agency est en effet l'incubateur du site animalier.

En février 2000, la start-up compte douze personnes. Parmi elles se trouvent Jean-Gabriel Davy, ancien directeur artistique de Pictoris, Guillaume Gauthereau, ancien directeur marketing de Ralston Purina, une société spécialisée dans l'alimentation animale. A l'ouverture du site, qui sacrifie à la mode irritante des noms en "oo", ce sont 2.000 produits qui sont proposés en ligne. Alidoo joue du concept en vogue de "l'information transactionnelle", qui a fait le succès d'AlloCiné, un mélange de contenu éditorial et de commerce électronique. Le site espère alors atteindre les 17.000 produits disponibles pour la fin 2000, en même temps que l'ouverture de ses versions italienne et espagnole.

La start-up, sûre que la prime au premier entrant est un avantage décisif sur le Web, consomme vite ses fonds. D'emblée, 5 millions de francs vont être investis dans une stratégie de partenariats avec des sites comme Wanadoo, Yahoo, AOL ou encore Lycos. Soit la quasi-totalité du fonds d'amorçage. Dans le même temps, Alidoo va lancer deux campagnes de publicité online prises en charge par B2L. Seize bannières tourneront sur vingt-trois sites différents pendant cinq mois sur le Net. Pour continuer à ce rythme, le premier tour de table devient donc une urgence.

Entre 20.000 et 30.000 francs de chiffre d'affaires mensuel

Au moment de son ouverture, Alidoo espère une levée de fonds en avril. Mais l'e-krach produit ses premiers effets destructeurs : l'action du modèle américain, Pets.com, s'écroule et passe de 11 dollars, à l'introduction, à 1,5 dollar… "C'était inscrit dans le business plan depuis le début : nous devions lever des fonds au printemps pour survivre", souligne Jean-Sébastien Cruz. Mais pour vivre, ou survivre, une start-up doit grossir et imposer sa marque, même si la levée de fonds se fait attendre. Avec son audience (6.000 visiteurs uniques par jour revendiqués) et ses effectifs (qui atteignent désormais quatorze personnes), Alidoo doit faire beaucoup mieux que ses 20.000 à 30.000 francs de chiffres d'affaires mensuel. Malgré tout, fin avril, la start-up lance un appel d'offres pour sa campagne publicitaire offline. Une campagne presse et télévision de plusieurs millions de francs sur laquelle se retrouvent en compétition BDDP, CLM-BBDO, Euro RSCG betc et McCann.

Seulement voilà : à la fin du printemps, l'investisseur qui devait injecter 15 à 20 millions de francs, décide de se rétracter, refoirdi par les secousses financières qui ébranlent la Net économie. Et l'éventuel rachat par Aniwa (un site détenu à 80 % par Royal Canin) tombe aux oubliettes début juillet. Alidoo est désormais dans le rouge, ses fonds ayant été consommés à grande vitesse dans le marketing et la publicité. Selon un salarié, les investisseurs de départ auraient alors réinjecté "en catastrophe une somme comprise entre 400.000 et 800.000 francs". Peine perdue. "Nous avons rencontré vingt-cinq investisseurs... Ils nous ont tous dit non, explique Jean-Sébastien Cruz. La conclusion, c'est que personne ne voulait plus injecter d'argent dans ce projet. Nous avons souffert du désintérêt des investisseurs pour le BtoC. En avril dernier, quand les temps devenaient difficiles pour les start-up BtoC, j'aurais du lancer une section BtoB."

"Les jeunes entrepreneurs perdent facilement les pédales..."

Ce manque d'opportunisme serait-il la seule erreur ? Pas sûr. Alidoo a été avalé dans la spirale de l'Internet business, un monde sur lequel, début 2000, les lois élémentaires du marché ne semblaient plus avoir d'impact. "Il ne faut pas brûler toute sa trésorerie, surtout quand on sait qu'on dépend d'une levée de fonds pour survivre", explique un ex-salarié. Godefroy Jordan, le PDG de B2L, assure, quant à lui, que les conseils prodigués par son agence sur tout ce qui concernait le e-commerce "n'étaient que peu suivis par l'équipe d'Alidoo". Hasard du calendrier? La fermeture du site a coïncidé avec le départ de Gaël Duval de chez B2L. Le poulain et l'entraîneur auraient-ils été victimes du même aveuglement ? Chez B2L, on préfère souligner l'inexpérience de l'équipe Alidoo. "Les jeunes entrepreneurs qui manquent d'expérience perdent facilement les pédales quand ils sont confrontés à de grosses responsabilités financières, en particulier dans des situations de crise", commente Godefroy Jordan. Jean-Sébastien Cruz ne nie pas en bloc ces reproches : "Au lancement d'Alidoo, l'époque était différente. Avant avril, tout le monde misait sur le Time to Market. Il fallait être les plus rapides, les meilleurs, les plus gros, les premiers. Nous étions sur un timing différent. Aujourd'hui, on valide d'abord la rentabilité du projet avant de construire un site important."

A sa manière, cet échec révèle les excès de l'Internet business de "l'avant e-krach" : une soif d'aller vite, très vite, calquée sur les succès américains de la nouvelle économie. A la grande époque, cette vitesse grisait même les plus expérimentés de chez Aucland ou de chez B2L… Mais pour construire en quelques mois une marque, les besoins en fonds sont colossaux. D'autres sites animaliers français (Aniwa, Petspyjamas ou Zooplus) ont passé le cap de l'e-krach avec une gestion plus raisonnable de ce sablier capitalistique. Un sablier qui ne fonctionne que si les injections par le haut de bilan sont au rendez-vous. Donc si la start-up est à même de convaincre les investisseurs. Ce qui ne fût jamais le cas d'Alidoo, qui a démarré sur des fonds propres et qui a bénéficié d'un incubateur plus logisticien qu'accompagnateur. Et il y a fort à parier que la présence d'un véritable investisseur aurait changé bon nombre de choses dans la courte histoire d'Alidoo…

"J'ai trouvé porte close en arrivant au travail..."

Epilogue de cette courte carrière le 24 août dernier, date à laquelle un liquidateur judiciaire a été nommé par le Tribunal de Commerce de Paris. Celui-ci est chargé de recouvrer les dettes de la société (salaires et rémunérations des différents prestataires, soit plusieurs millions de francs selon nos sources), mais c'est l'Etat qui passera d'abord pour les déclarations sociales et fiscales. Les salariés, qui viennent de recevoir leurs lettres de licenciement et une avance sur le chèque de licenciement, sont, quant à eux, à la recherche d'un nouvel emploi. Les rancœurs se dévoilent. Certains affirment avoir trouvé porte close, sans avoir été préalablement prévenus, le 24 juillet au matin. Et ne seraient pas parvenus à contacter Jean-Sébastien Cruz depuis cette date. D'autres font contre mauvaise fortune, bon cœur : "J'ai énormément appris en quelques mois, conclut un ex-salarié. Tant d'un point de vue relationnel que quant à la gestion d'une entreprise. Je suis prêt à "replonger" dans une start-up. Mais cette fois elle devra avoir les reins solides".

Hier, le cours de Pets.com était tombé à 43 cents.

Précision : Lire la correction apportée le 18/09/00 par Gaël Duval, ancien directeur général de B2L.

[Catherine Pinet et Laurence Matuchet, JDNet]

 
 
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