Après
deux années d'élaboration, l'avant-projet de
la Loi sur la Société de l'information (LSI)
du gouvernement Jospin vient de voir le jour et d'être
envoyé, pour consultation, à diverses autorités
(CSA, CNIL, ART...). Une première étape d'un
marathon constitutionnel qui devrait amener la LSI devant
le Parlement au mieux courant 2002. Mais ce premier texte,
dont l'objectif numéro un est d'offrir un cadre juridique
à la Toile hexagonale, fait déjà couler
beaucoup d'encre parmi les professionnels de l'Internet français
: "A côté de la plaque", "un accommodement
complexe", "en retard sur son temps"...
Premier
grief : la responsabilité que le texte donne aux
hébergeurs, qui doivent signaler "promptement
aux autorités publiques compétentes des activités
ou des informations illicites". Le cas échéant,
l'avant-projet stipule que le président du Tribunal
de grande instance peut "prescrire en référé
toutes mesures propres (...) telles que celles visant à
cesser de donner accès à ce contenu". Une
orientation qui n'est pas s'en rappeler la décision
du juge Gomez dans l'affaire des objets nazis sur les enchères
de Yahoo. "Nous nous retrouvons dans une situation où
l'Internet est plus pénalisé que le monde réel,
explique Jean-Christophe Le Toquin, délégué
permanent de l'Afa (Association des fournisseurs d'accès).
Les hébergeurs ont une responsabilité énorme
et le texte laisse plein d'interprétations possibles
: où commence le caractère illicite ? Les
e-mails sont-ils concernés ? Le champ de surveillance
est donc tout à fait ingérable."
Dans le
cadre de ce contrôle des "activités et informations
illicites", l'avant-projet de la LSI jalonne également
le stockage des informations sur les échanges d'information
afin d'offrir une traçabilité technique pour
les autorités publiques. "Le hic, poursuit Jean-Christophe
Le Toquin, c'est que nous passons d'une période de
stockage de trois mois à un an. Or c'est une usine
à gaz très coûteuse pour les FAI afin
de conserver ces informations. En plus, il faut savoir jusqu'où
doit aller la démarche : les FAI doivent-ils garder
les e-mails envoyés, les adresses des expéditeurs,
l'heure des envois ?" En l'état, l'avant-projet
semble donc poser plus de questions qu'il n'apporte de réponses
aux hébergeurs et fournisseurs d'accès. D'autant
que d'autres points de la LSI, comme le dépôt
légal qui, selon le texte, s'adresse à tous
les éditeurs, et les mesures anti-spam (avec la création
d'une "liste rouge" des adresses e-mails) sont aussi
montrés du doigt par les professionnels de l'Internet.
"Une mesure obsolète, selon Jean-Christophe Le
Toquin, qui est uniquement dans une logique opt-out."
Les différentes
instances qui viennent de recevoir cet avant-projet ont un
mois pour adresser leurs remarques sur cette première
mouture de la LSI. Les prochaines étapes devraient
être ensuite le Conseil d'Etat puis le Conseil des ministres,
normalement d'ici la fin du printemps. Mais face à
la levée de boucliers qu'a provoqué le texte
au sein de l'Internet français, il est désormais
fort probable que les différents ministères
impliqués dans le dossier (Justice, Intérieur
et Bercy) revoient leur première copie afin d'éviter
un parcours qui s'annonce déjà semé d'embûches.
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