"Il
y a urgence". En publiant hier son premier livre
noir intitulé "Petit rapport impertinent
sur l'état de l'Internet en France à l'usage de ceux
qui veulent qu'elle rattrape son retard", le collectif
Libre ADSL a voulu tirer la sonnette d'alarme concernant
le déploiement du Net en France. Ce collectif,
créé en juillet dernier et qui regroupe
plusieurs opérateurs alternatifs (Tele2, Kaptech,
LDCom, Worldcom...), compte dénoncer la situation
de "non-concurrence" qui persiste en France
sur le marché des télécoms. Une
situation qui, selon Libre ADSL, empêche la généralisation
des accès haut débit dans l'Hexagone faute
de tarifs compétitifs. Fleur Thesmar, responsable
régulation-hauts débits chez Tele2 et auteur de ce rapport,
revient sur les motivations de ce collectif et sur les
grandes lignes du livre noir.
JDNet.
Quel est votre principal objectif en publiant ce rapport
plutôt sombre sur la situation de l'Internet en
France ?
Fleur Thesmar. Notre but est de montrer aux décideurs,
aux régulateurs et aux politiques, que l'Internet
en France est en danger. Cette situation se traduit
par un risque très lourd : les NTIC représentent
le premier secteur industriel en terme de chiffre d'affaires
en France, 800.000 emplois et 20% de la croissance sur
les trois dernières années. Or, malgré
ces enjeux, la pénétration de l'Internet
à domicile continue de patiner. Aujourd'hui,
au plan européen, la France se situe en quinzième
position, entre la Grèce et la Pologne. Sur le
haut débit, la situation est encore pire :
alors que structurellement 80% des lignes téléphoniques
en France pourraient accueillir l'ADSL, nous comptons
moins de 500.000 abonnés. Ces constats sont à
lier directement avec une concurrence sclérosée et faussée
sur le marché des télécoms. Et
si cette situation n'évolue pas dans les mois
qui viennent, de nombreuses sociétés implantées
sur les télécoms et l'Internet seront
en péril.
Vous
soulignez justement dans le livre noir que les conditions
de marché offertes aujourd'hui aux opérateurs
et aux FAI ne leur permettent pas d'affronter France
Télécom sur l'ADSL. Quelles sont vos doléances ?
Il y a un élément très important
pour comprendre la situation actuelle des opérateurs
alternatifs et des FAI en France. Avec les tarifs imposés
par France Télécom sur les lignes, au
mieux, nous pouvons proposer un abonnement résidentiel
ADSL d'environ 370 francs par mois alors que l'offre
de Wanadoo est à 295 francs... A moins de vendre
à perte, il est donc impossible de se lancer
sur ce marché. Pour que la concurrence soit réelle,
il faudrait que les tarifs pratiqués par France
Télécom auprès des opérateurs
alternatifs soient divisés par deux et que les
abonnements ADSL tombent ainsi en-dessous de 200 francs
par mois. La situation actuelle est intolérable
et, qui plus est, court-termiste pour France Télécom.
On l'a déjà vu dans la téléphonie
fixe ou mobile : l'ouverture à la concurrence
sur ces deux secteurs n'a pas remis en cause le leadership
de France Télécom mais a permis, au contraire,
de multiplier le trafic et les abonnés. L'Internet
n'échappera pas à cette règle.
Vous
dénoncez cette situation avec ce premier rapport.
Comptez-vous porter le débat ailleurs ?
Les politiques, les élus et les régulateurs
doivent comprendre à quel point la France passe
à côté d'une opportunité
en n'ouvrant pas les vannes sur le marché de
l'Internet. Si nécessaire, nous comptons porter
l'affaire sur le terrain juridique au niveau européen.
Mais les mécanismes juridiques risquent d'être
trop longs pour répondre à l'urgence de
la situation.
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