Le Net
Laurent Mauriac : "Le but n'était pas de développer une société viable mais une société vendable"
Dans "Les Flingueurs du Net", le journaliste revient sur les grandes étapes de la bulle Internet. Les flingueurs ? Ceux qui ont joué la spéculation pure.  (Vendredi 15 novembre 2002)
         
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"Les Flingueurs du Net",
par Laurent Mauriac, Calmann-Lévy, 228 pages, 16 euros.
Bonnes feuilles (1/3) Vodka-pamplemousse chez Boo.com

(article corrigé le 15/11/2002 à 14h30) La bulle financière suit un scénario immuable : spéculation, éclatement puis remous. Internet n'aura pas échappé à ce schéma type. La Nouvelle Economie, par son intensité, sa rapidité et son universalité, a pourtant révélé une dimension inhabituelle de cette mécanique. Des levées de fonds stroboscopiques aux vertiges e-industriels des grands patrons, en passant par la fièvre Enron, la bulle Internet a partout fait figure de convoi financier exceptionnel. Dans "Les Flingueurs du Net", Laurent Mauriac, journaliste et chef adjoint du service Ecomomie de Libération, décortique la partition de cette fameuse bulle. A la clef, une galerie d'histoires et d'analyses, où l'argent rapide, l'immaturité puis les illusions perdues s'enchevêtrent.

Dans votre ouvrage, vous parlez des "friconautes", ceux qui ont transformé la révolution technologique Internet en Nouvelle Economie. Qui sont ces "friconautes" ?
Laurent Mauriac. Le terme provient du webzine l'Ornitho. Il avait été forgé pour décrire une situation inédite : une spéculation qui n'était pas classiquement boursière, sur des actions d'entreprises, mais sur les entreprises elles-mêmes. Les "friconautes" étaient d'abord les créateurs de ces entreprises spéculatives. Leur but n'était pas de développer une société viable mais une société vendable, soit sur les marchés financiers, soit auprès d'un repreneur. Comme l'admet aujourd'hui un financier, "on n'introduisait pas en Bourse des entreprises mais des concepts". Les friconautes étaient aussi tous les acteurs qui ont alimenté cet engrenage financier, en particulier les banques d'affaires, qui suscitaient les introductions en Bourse, et les investisseurs en capital-risque, qui amorçaient la spirale spéculative. Sans oublier tous les investisseurs individuels, pour qui les actions de start-up constituaient une source d'enrichissement facile. Ou même certains salariés qui envisageaient de rejoindre une entreprise de l'Internet dans l'espoir de faire fructifier les stock-options reçues à leur arrivée.

Quels auraient dû être les gardes-fous pour endiguer l'aveuglement financier collectif face à la bulle Internet ?
Il est très difficile d'imaginer les gardes-fous : ce n'est que lorsque la bulle a éclaté qu'on peut la définir comme telle. Il est possible, en revanche, de corriger un certain nombre de mécanismes qui ont favorisé la spirale financière, notamment le fonctionnement des banques d'affaires. Le montant des commissions qu'elles touchaient à chaque opération les incitait à redoubler d'activité pour introduire des start-up en Bourse. La bulle Internet a montré en outre que la fameuse "muraille de Chine" censée séparer les activités de conseil aux entreprises et aux investisseurs au sein des banques d'affaires ne fonctionne pas. D'une manière générale, c'est la question de la dépendance croissante de l'économie vis-à-vis des marchés qui est posée. La Bourse n'est pas cette machine rationnelle, capable de compiler les données disponibles pour déduire la vraie valeur des entreprises. Elle est par nature une machine irrationnelle, essentiellement fondée sur des ressorts psychologiques, qui s'emballe, dans un sens ou dans l'autre. C'est ce que la bulle Internet a montré. C'est aussi, en sens inverse, ce que le marasme actuel démontre.

Au fond, la spéculation intensive n'est-elle pas le pendant naturel des grandes révolutions technologiques ?
C'est en effet ce que nous montre l'histoire. L'exemple le plus célèbre est celui du chemin de fer qui a également donné lieu à une spéculation effrénée. Mais jamais, avant l'Internet, on avait vu une spéculation d'une telle ampleur, à la fois dans les secteurs concernés et dans sa géographie. Les start-up se développaient comme une traînée de poudre, autour des mêmes idées, dupliquées de l'Amérique à la Chine, en passant par l'Inde, l'Europe ou le Brésil. En outre, l'Internet avait ceci de particulier qu'il était non seulement l'objet mais le moyen de la spéculation : nombre d'investisseurs alimentaient d'autant plus volontiers la bulle qu'ils vendaient ou achetaient des actions sur le Web en quelques clics. Faut-il voir dans ces périodes de spéculation un mal nécessaire ? On peut en douter. Dans le cas de l'Internet, elle a certes contribué à développer l'usage du réseau, mais le dégonflement de la bulle est à l'origine d'un coup d'arrêt brutal dans les projets et les investissements. Ce type de soubresaut n'est jamais favorable à l'adoption d'une nouvelle technologie qui exige au contraire une diffusion régulière, en réponse à des besoins. En outre, dans les entreprises, l'Internet est devenu synonyme de gâchis financier.

[Rédaction, JDNet]
 
 
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