"Enlève les couleurs du camembert,
mieux vaut la jouer low profile sur le slide"...
Ils sont une centaine de dirigeants et de directeurs financiers
de start-up, les regards rivés sur les écrans d'ordinateur
portable. Répartis dans un long couloir, où trônent de
hautes tables rondes semblables aux espaces café des stations-service,
ils attendent leur oral : dix minutes pour convaincre
plus d'une centaine d'investisseurs d'injecter plusieurs
millions d'euros dans leur entreprise. Dix minutes de
présentation où l'euphorie, si primée il y a encore deux
ans, a laissé place à une ambiance férocement studieuse.
Depuis
lundi matin, s'est ouverte à Sophia-Antipolis la sixième
édition de l'IVCS (International Venture Capital Summit)
organisée sous l'égide de la CCI Nice-Côte dAzur. Pendant
deux jours, l'événement regroupe une quarantaine de
start-ups, en quête de financement, face à un parterre
d'investisseurs européens. L'occasion pour tout ce petit
monde de se rencontrer et de tirer un premier bilan
de l'année écoulée.
Malgré le soleil méditerranéen,
l'édition 2002 de l'IVCS n'échappe pas au marasme actuel
du capital-risque, même si les participants estiment,
presque à l'unisson, que le pire est aujourd'hui passé.
"Cette année nous avons touché le fond en terme
d'activité, analyse Anne Glover, co-fondatrice et directeur
général du fonds britannique Amadeus Capital Partners.
Je ne pense pas que 2003 sera une année de reprise mais,
au moins, nous ne descendrons pas plus bas. C'est déjà
une rupture importante que de voir les indicateurs se
stabiliser plutôt que de les voir s'enfoncer."
Outre-Manche, le coup de frein
annuel sur le capital-risque s'annonce tout aussi important
qu'en France ou qu'aux Etats-Unis. Après avoir atteint
1,66 milliard de livres sterling en 2001, le total des
levées de fonds au Royaume-Uni devrait plafonner cette
année à 800 millions de livres. Les sociétés IT seraient
les plus exposées face à ce retournement.
En Allemagne, le constat est
le même. Le ralentissement des investissements en capital-risque
devrait avoisiner les 50 % en variation annuelle. "Mais
depuis quelques mois nous percevons des signaux à nouveau
positifs", souligne Sebastian Wossagk, responsable
des participations de Smac, le Siemens Mobile Acceleration.
Smac est la structure d'accompagnement de Siemens dédiée
aux start-up spécialisées dans les applications sans
fil.
Dotée de 1 milliard d'euros,
Smac est placée, il est vrai, sur un secteur porteur :
l'univers du mobile. La sélection 2002 des start-up
retenues pour l'IVCS démontre que le secteur du sans-fil
est (re)devenu l'un des principaux points d'intérêt
des capitaux-risqueurs. S'y côtoient, par exemple, APG
Concept (solutions sans fil), Atlantic Radio System
(envoi en mode broadcast de messages mobiles multimédias),
Convergence Online (plate-forme de services mobiles)
ou encore FableFlow (édition automatisé de contenu MMS).
"Le secteur du mobile
a atteint sa maturité, poursuit Sebastian Wossagk. L'échec
des premiers services mobiles à valeur ajoutée a permis
aux opérateurs de comprendre que devait s'installer
toute une chaîne de valeurs et d'acteurs pour que le
marché décolle. C'est un appel d'air pour les start-ups."
Reste que chez Smac cet appel d'air s'avère hautement
sélectif. En un an, la structure a reçu plus de 1 500
dossiers de financement pour n'opérer, au final, que
sept opérations d'accompagnement.
"Il va bien falloir que
l'on se trouve avec les financiers, rigole un dirigeant
de start-up, accoudé sur sa haute table ronde. C'est
un peu le jeu du chat et de la souris : les investisseurs
se disent que chaque semaine qui passe, c'est autant
de projets non viables qui ferment donc davantage de
sécurité dans leur choix de financement. Mais, pour
nous, chaque semaine passée à chercher des fonds, c'est
une semaine de paralysie avec aucune visibilité supplémentaire
à la fin."
Pas étonnant dans ces circonstances
qu'en rencontrant plus d'une centaine d'investisseurs
en deux jours, la quarantaine de start-up sélectionnées
pour l'IVCS a surtout le sentiment de gagner du temps.
"En 48 heures, on fait autant de rendez-vous qu'en
trois mois !" Reste à savoir si ce "speed
dating" de la finance portera ses fruits. L'année
dernière, 40 % des start-ups retenues pour l'IVCS avaient
réussi à lever des fonds.
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