Télécoms
ADSL : France Télécom se prépare à dégrouper 10 000 lignes par mois 
La brèche ouverte par 9 Online et Free sur l'ADSL dégroupé s'annonce déjà comme une déferlante. France Télécom s'y prépare avec, de l'avis des FAI, plus ou moins de réussite.  (Mardi 17 décembre 2002)
         
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Le dégroupage n'est pas un long fleuve tranquille. Derrière une certaine lenteur, que les opérateurs alternatifs devinent comme une forme de résistance, l'ouverture de la boucle locale est étroitement suivie depuis plusieurs années chez France Télécom. Face à la volonté affichée par Bruxelles d'ouvrir le secteur des télécoms à la concurrence, l'opérateur historique français, comme ses homologues européens, s'est préparé bon an, mal an à l'inévitable : le scénario du dégroupage.

Un échauffement sur la durée, effectué parfois dans la douleur. "Ce n'est pas une mince rupture idéologique pour France Télécom, murmure un opérateur alternatif aujourd'hui engagé dans la partie. Il faut expliquer à des équipes techniques, qui travaillent depuis des dizaines d'années sur des équipements maison, que désormais il va falloir débrancher certaines lignes pour les basculer chez un concurrent."

Pour lisser cette "rupture idéologique", les équipes techniques de France Télécom en charge des interventions sur les réseaux ont été formées et préparées à la mise en place du dégroupage depuis 1998. "Tout n'est pas simple, c'est pour cela que nous nous y sommes lancés en amont, reconnaît-on, à mots couverts, chez l'opérateur historique. Pour certaines équipes, le sujet déclenche évidemment de l'amertume." Signe que le dossier est resté sensible, les équipes de France Télécom qui interviennent sur les équipements pour opérer un dégroupage ne savent jamais pour quel opérateur elles agissent.

Avant d'en arriver à cette intervention physique sur le réseau, où un opérateur passe la main à un autre, tout repose sur un extranet. L'outil est né de la saisine déposée par Club Internet devant le Conseil de la concurrence en novembre 2001 à l'encontre de France Télécom. Club Internet, pourtant filiale d'un autre opérateur historique (Deutsche Telekom, aujourd'hui dans la ligne de mire de la Commission européenne pour ne pas avoir ouvert les vannes à la concurrence sur la boucle locale allemande), estimait que Wanadoo bénéficiait d'un traitement particulier de la part de France Télécom pour l'ouverture des nouvelles lignes ADSL.

L'extranet ADSL de tous les désirs

A l'époque, grâce à un extranet opéré par France Télécom, Wanadoo activait ses nouveaux abonnés ADSL en quatre jours. Les autres FAI, écartés du système de commande, devaient patienter une dizaine de jours. Le Conseil de la concurrence donnera raison à Club Internet sur ce dossier. Au début de l'été dernier, l'extranet ADSL de France Télécom a finalement été ouvert à l'ensemble des FAI présents en France.

Au travers de cet extranet, les fournisseurs d'accès installés dans le dégroupage (à ce jour 9 Telecom, Colt, Easynet et Free) dialoguent avec France Télécom. Lorsqu'un client final demande un abonnement ADSL, le FAI y vérifie dans un premier temps si la ligne est éligible, c'est-à-dire si l'abonné réside dans une zone où le haut débit est déployé. Si la demande est qualifiée, la prise de commande de dégroupage est lancée.

"Tout le traitement des opérations de dégroupage est centralisé au plan national sur Toulon, explique un porte-parole de France Télécom. Dès qu'une demande est éligible, et si le dossier est complet, nous indiquons sous 24 heures au FAI si nous donnons un feu vert définitif à l'opération. Une fois le feu vert donné, nous réalisons l'intervention physique sur le réseau sous sept jours." Des techniciens de France Télécom interviennent alors dans le répartiteur qui couvre l'abonné final pour basculer la ligne.

A ce jour, 132 répartiteurs sont dégroupables

A ce jour, 132 répartiteurs sont prévus pour accueillir les connexions des opérateurs alternatifs. Ces 132 répartiteurs (installés en Ile-de-France, à Strasbourg, Lyon, Nice, Marseille, Toulouse et Bordeaux) représentent un potentiel de 5 millions de lignes dégroupables. Sous dix-huit mois, devrait s'y ajouter, selon France Télécom, 150 autres répartiteurs disséminés dans les cinquante plus grandes villes de France. Chaque salle requiert un chantier d'environ huit semaines pour être opérationnelle.

Tout est ici histoire de potentiel : sur les 5 millions de lignes sur lesquelles les opérateurs alternatifs peuvent prétendre prendre la main, à peine plus de 1 200 sont aujourd'hui dégroupées, la majorité d'entre elles revenant aux offres professionnelles de Colt (environ 750 lignes). Mais conscient que sous l'impulsion des offres ADSL grand public la machine du dégroupage devrait s'emballer, France Télécom se prépare à des interventions massives dès l'année prochaine. "Pour 2003, notre capacité de dégroupage sera de 10 000 lignes par mois, admet-on chez l'opérateur historique. Ce chiffre sera ajustable en fonction des prévisions des opérateurs alternatifs."

Le rythme potentiel de 10 000 lignes par mois souligne que la vague du dégroupage est en train de se former en France. Suivant cette prévision, en un seul mois, le nombre de lignes dégroupées sera multiplié par dix en France. Difficile de savoir en l'état qui de 9 Telecom ou de Free sera la locomotive de ce nouveau marché. Les deux FAI, lancés dans l'ADSL grand public dégroupé, restent très discrets sur les flux d'abonnements enregistrés ces dernières semaines. Mais plusieurs observateurs du secteur s'attendent à une grosse surprise de la part de Free. La cadence de dégroupage du FAI détenu par le groupe Iliad pourrait atteindre plusieurs milliers de lignes par mois.

10 % de problèmes techniques sur les lignes

Techniquement, l'opération de dégroupage nécessite pour l'équipe d'intervention cinq opérations de point de câblage. "C'est une manipulation qui n'est pas aussi simple que certains le laissent croire, indique-t-on chez France Télécom. Dans 10 % des cas, l'opération abouti sur un problème technique : erreur de câblage, équipement de l'opérateur alternatif inopérant ou compte ADSL inactif."

L'aspect chirurgical de l'intervention ne serait pourtant pas la seule cause des problèmes techniques rencontrés par les opérateurs alternatifs dégroupeurs. "Les équipements ADSL déployés par France Télécom, majoritairement fournis par Alcatel, sont configurés par défaut pour l'offre Wanadoo, explique Fleur Thesmar, responsable du collectif Ensemble, libérons l'ADSL. Pour les autres opérateurs, certains problèmes de compatibilité peuvent donc se poser."

"Faux, rétorque-t-on chez l'opérateur historique. Nous sommes encore tous dans une phase d'apprentissage sur le dégroupage. Il faut juste plusieurs semaines pour que ce processus s'industrialise et devienne une mécanique bien huilée." En filigrane, le message transmis se veut davantage incisif. France Télécom ne veut pas être le bouc émissaire d'opérateurs alternatifs surpris et dépassés par le succès commercial des offres ADSL dégroupées. "Tout le monde est dans la même barque."

La bataille
du local

"En haut lieu chez France Télécom, le fait de travailler en intelligence avec les autres opérateurs est une valeur qui a fait son chemin", estime Pierre Roy-Contancin, directeur des affaires juridiques et réglementaires chez UPC France. Ce câblo-opérateur, installé dans plusieurs régions françaises, propose depuis 1999 une forme alternative de dégroupage. En s'appuyant sur ses infrastructures câble, UPC propose non seulement un bouquet TV et de l'accès Internet, mais aussi une offre téléphonique interconnectée en final avec France Télécom.

"En revanche, poursuit Pierre Roy-Contancin, dès qu'il s'agit des relations commerciales ou locales, les rapports que l'on peut avoir avec France Télécom sont biaisées. Nous sommes encore loin du paysage concurrentiel idéal." Difficile d'en savoir plus : parmi les opérateurs alternatifs une loi du silence règne de peur de voir ses relations avec France Télécom se dégrader.

"L'attitude de certains FAI, très consensuelle avec FT depuis qu'ils se frottent à la réalité du dégroupage ADSL, démontre en creux cette nouvelle forme de crainte, analyse un opérateur. Car sur le terrain, les coups tordus se poursuivent. Certaines agences de France Télécom discréditent auprès des clients les offres alternatives en leur expliquant qu'ils risquent d'avoir une ligne téléphonique bancale. Et en cas de problème technique, le client dégroupé risque de se faire balader par le centre d'appels de France Télécom."

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La plupart des opérateurs alternatifs estiment que cette guerre de terrain est avant tout à l'initiative des agences locales de France Télécom qui, tout comme les équipes techniques en charge du dégroupage, vivent parfois avec âpreté cette nouvelle concurrence. "Pour que le marché s'épanouisse, estime Pierre Roy-Contancin, il faut que la muraille de Chine au sein de France Télécom entre les activités d'opérateur et les activités commerciales soit la plus hermétique possible." En somme, une sorte de dégroupage interne.

[Ludovic Desautez, JDNet]
 
 
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