Il
aura fallu attendre deux ans. Deux ans de débats
et d'esclandres juridiques qui ont vu la fermeture de
Napster ou la mise au pilori de MP3.com, pour que le
dossier du piratage musical sur Internet change de refrain.
Point de départ de cette transformation :
la décision, mardi dernier, d'un juge de Washington.
Dans son ordonnance, le juge John D. Bates a estimé
que le FAI Verizon devait fournir à l'industrie
du disque l'identité de l'un de ses abonnés, utilisateur
forcené du site d'échange de fichiers
musicaux KaZaA.
Sur
la forme, cette décision est une première.
En choisissant de s'attaquer à l'utilisateur
final, et surtout de le faire savoir, la RIAA (Recording
Industry Association of America, le syndicat américain
du disque) compte sur la peur du gendarme. Les passeurs
de MP3, symbolisés par KaZaA, ne sont plus les
seuls dans la ligne de mire. L'internaute mélomane,
au téléchargement facile, risque désormais
d'être traversé par un soupçon d'anxiété
au moment de se connecter sur une plate-forme peer-to-peer.
Sur
le fond, la décision du juge John D. Bates n'est
pas une nouveauté. Des deux côtés
de l'Atlantique, au rythme des fraudes bancaires, des
affaires de moeurs, puis des menaces cyberterroristes,
les FAI coopérent depuis longtemps avec les instances
judiciaires pour fournir des informations liées
à leurs abonnés. Mais
dans ce conglomérat de procédures (700
demandes d'identification d'abonné par mois auprès
des FAI français), les dossiers de contrefaçon
et de piraterie étaient jusqu'alors des oiseaux
rares.
Depuis
septembre dernier, le vent a tourné. Le cas Verizon
est même loin d'être isolé. En France,
selon nos informations, plusieurs dossiers liés
à des affaires de propriété intellectuelle
seraient aujourd'hui en cours d'instruction. Certains
de ces dossiers concerneraient des internautes "simples
téléchargeurs", des monsieurs et
madames tout-le-monde à la gâchette MP3
un peu trop facile.
Ces
affaires d'un nouveau type placent les FAI dans une
position acrobatique. Après avoir vanté
la vitesse du téléchargement en haut débit,
les fournisseurs d'accès se voient aujourd'hui
dans l'obligation de transmettre l'identité d'un
abonné pirate.
"C'est
une rupture mais aussi, in fine, une couverture, note
un spécialiste du secteur. En transmettant l'information,
les FAI ne sont plus tenus pour responsables."
Entre l'attrait des ventes ADSL et la déresponsabilisation
en cas de procès à la chaîne, les
FAI devront tôt ou tard choisir leur camp. Tant
que la menace juridique est lointaine, autant ne pas
bouger. Verizon l'a compris en faisant appel.
Le
15 janvier dernier, lors d'un JDNet Chat, Pascal Nègre,
président d'Universal Music France et de la SCPP (Société
civile des producteurs phonographiques), indiquait
que les poursuites en justice des utilisateurs de KaZaA
"n'etaient pas, pour l'instant, dans les plans
sur la France". Il y a fort à parier que
cet "instant" ne passe pas l'été.
Mais après cette nouvelle étape juridique,
restera une dernière question, toujours en suspens.
Les maisons de disques sont-elles prêtes à
déployer une plate-forme de distribution légale
et unique ?
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