Lundi dernier, la première
audience du procès opposant le portail Bourse
des Vols/Bourse des Voyages à Google France s'est
tenue au tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Au coeur de la polémique : le programme le liens
promotionnels AdWords du moteur de recherche, accusé
de violer la législation sur les marques. "Bourse
des Vols et Bourse des Voyages, deux marques déposées
auprès de l'INPI, ont été placées
aux enchères sur le programme AdWords de Google,
explique Fabrice Dariot, PDG de Bourse des Vols. Nul
ne peut vendre ces marques, a fortiori aux enchères
et à nos concurrents."
Faute
d'avoir été entendu par Google, le voyagiste
a donc choisi la voie de la justice pour régler
ce conflit. Trois accusations sont portées à
l'encontre du moteur de recherche : "contrefaçons",
"publicité mensongère" et "détournement de marque".
Après des audiences préliminaires qui
se sont déroulées en début d'année,
le procès a véritablement débuté
cette semaine avec les plaidoiries des avocats des deux
parties. Le voyagiste exige que la commercialisation
de ces marques cesse sur le service AdWords de Google
et demande des dommages et intérêts d'un
montant de 500 000 euros. Le jugement en première
instance du TGI de Nanterre est attendu mi-septembre.
Ce
procès, instructif à bien des égards,
est l'un des premiers contentieux à propos du
positionnement publicitaire en France. Courant 2002,
Overture, Google et Espotting ont pris position dans
l'Hexagone en important le système d'enchères
sur les mots-clés que les annonceurs souhaitent
réserver. Il en résulte un classement
commercial de liens hypertextes qui s'affiche dans des
encarts distincts sur les pages de résultats
d'un outil de recherche ou d'un portail. Un dispositif
qui permet à des sites annonceurs de se distinguer.
Dans le cas spécifique de Bourse des Vols, la
marque est composée de deux noms communs ("bourse"
et "vols"). Or, à la surprise du détenteur
des droits légaux de cette marque, des concurrents
n'ont pas hésité à exploiter cette
faille en achetant ces mots-clés pour apparaître
en premier dans le classement AdWords de Google. Ainsi,
en tapant "bourse des vols" sur Google.fr,
le service Bourse des Vols apparaît en très
bonne position dans le classement de la page des résultats
"naturels" de Google mais se voit distancé
par deux concurrents sur le classement AdWords (Evasion-Online.com,
Airportail.com). Sur l'URL raccoucie (BDV.fr), le service
Adwords propose cette fois un lien vers Hotelclubexpress.com.
Constatant le problème, Bourse des Vols signale
les faits au printemps 2002. Le voyagiste demande aux
trois acteurs du positionnement publicitaire de retirer
les enchères liées à ses marques
"Bourse des vols" et "Bourse des voyages".
Un exercice auquel se plie volontiers Overture France
et Espotting France, mais pas Google France qui a transmis
la requête de Bourse des Vols à la direction
de sa maison-mère.
Dans le contrat d'utilisation
générale du service Adwords de Google,
il est en effet stipulé que toute réclamation
est à adresser au siège de la société
en Californie. "Peu importe, il appartient à Google
France de mettre en place les moyens nécessaires pour
distinguer les expressions 'vols' et 'bourse des vols'
au sein des résultats Adwords. Espotting et Overture
y arrivent très bien. Pourquoi pas Google ?", s'interroge
Fabrice Dariot. Le moteur de recherche n'apportant pas
de réponse, le PDG de Bourse des Vols a décidé
d'attaquer Google en justice.
Au cours de la première audience au tribunal
de grande instance de Nanterre, l'avocat de Google France
a souligné que cette plainte ne concernait pas
directement son client mais sa maison-mère, Google
US, qui prend en charge le dossier. L'avocat a également
remis en question le fait que les marques "Bourse des
vols" et "Bourse des voyages" soient présentées
comme des marques distinctives. Pour l'heure donc, les
débats se sont davantage penchés sur le
droit des marques que sur le dispositif technique spécifique
d'AdWords (cf encadré en
bas).
Contacté par le JDN,
Google (France et US) n'a pas souhaité apporter
de commentaires sur ce dossier, en cours d'instruction.
Car le sujet est sensible et prendrait même de
l'ampleur. Les cas de dénomination sociale de
groupes ou de marques commerciales, qui reposent sur
des noms communs et qui sont exploitées par des
concurrents sur le service AdWords de Google, seraient
de plus en plus fréquents.
Ainsi, en tapant "nouvelles
frontières" sur Google.fr, c'est le service
Internet concurrent Oovols.com qui se hisse en tête
du palmarès AdWords. Encore plus troublant :
en effectuant une recherche sur le singulier "nouvelle
frontière", c'est cette fois... Bourse des
Vols qui apparaît en premier lieu sur le dit-programme.
Les marques qui reposent sur des noms communs ne sont
pas les seules victimes de cette dérive. Fin
2002, Rentabiliweb, une société lyonnaise
spécialisée dans les solutions de publicité
en ligne et de micro-paiement Audiotel, a assigné
Google et son "concurrent indélicat"
(dont le nom n'est pas communiqué) qui avait
acheté "rentabiliweb" en mot-clé
sur le service AdWords. L'affaire a été
portée devant le tribunal de grande instance
de Lyon. La première audience devrait intervenir
à la rentrée.
Parallèlement à ces actions en justice,
des réclamations plus officieuses se multiplient.
En mai dernier, le voyagiste Anyway.fr, qui s'estime
lui-aussi lésé par le service AdWords,
a envoyé une lettre d'avertissement à
Google France. Avec - en épée de Damoclès
- une menace d'assignation si le moteur de recherche
ne prête pas une attention particulière
à sa requête.
En arrière-plan, des marques de renommée
internationale suivent ces premières actions
avec attention. Parmi elles le groupe LVMH, dont la
marque phare Louis Vuitton est exploitée pour
la promotion d'obscurs distributeurs de produits de
luxe. En tapant Louis Vuitton dans Google.fr, le service
AdWords propose effectivement une liste de services
Internet qui ne correspondent pas tout à fait
à l'image traditionnelle du prestigieux malletier
du groupe de luxe.
Contacté par le JDN,
un représentant juridique du groupe LVMH indique
porter une attention "toute particulière"
au déroulement du procès Bourse des Voyages-Google
France. Le représentant assure qu'aucune procédure
juridique émanant directement du groupe de Bernard
Arnault n'a été pour l'instant lancée,
mais que "des lettres de mise en demeure ont été
envoyées".
"Potentiellement, Google
peut se retrouver face à de multiples contentieux juridiques,
estime Arnaud Dimeglio, avocat spécialisé
dans les NTIC et notamment dans le domaine du positionnement
publicitaire. Mais les réponses apportées
seront différentes en fonction de la nature des
marques. L'avocat estime que l'essentiel des débats
portera sur la différence entre positionnement
manuel et positionnement automatique. "Pour sa
défense, Google a tout intérêt à
se présenter comme un simple intermédiaire
technique. Dans ce cas, sa responsabilité sera
limitée à celle d'un hébergeur.
Mais il devra prouver qu'il est intervenu rapidement
pour faire cesser un abus qui a été constaté",
estime Arnaud Dimeglio. Ce qui, pour l'instant, n'a
visiblement pas été le cas.
Quel mode de contrôle pour l'achat des mots-clés
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Dans le domaine
du positionnement publicitaire, on distingue deux
grandes approches pour contrôler le dépôt
des offres qui résultent des enchères
sur les mots-clés :
- Le contrôle manuel et en amont des offres
effectuées sur les mot-clés, avant
diffusion sur Internet. Cette solution a été
adoptée par Overture et Espotting.
- L'automatisation des dépôts et de
la publication des offres sur Internet suivi d'un
contrôle manuel, a posteriori, effectué
dans un délai de 24 à 48 heures. Ce
schéma, retenu par Google, est aujourd'hui
au coeur des contestations.
En mars dernier, Olivier Andrieu, spécialiste
du référencement en France, a publié
une enquête instructive sur le fonctionnement
du programme AdWords de Google dans sa lettre professionnelle
Recherche
& Référencement.
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