La Cour Suprême des Etats-Unis
a statué. Les filtres empêchant de se connecter aux sites
Internet pornographiques dans les bibliothèques publiques
ne sont pas anticonstitutionnels. La Loi de protection
des enfants sur Internet adoptée en 2000, qui prévoyait
l'installation de ces filtres, sera donc appliquée. Cette
décision est âprement contestée par plusieurs lobbys,
dont l'Association des bibliothèques et l'American Civil
Liberties Union, qui voient dans cette obligation une
violation du premier amendement sur la liberté d'expression.
L'enjeu
n'est pas anecdotique, car aux Etats-Unis 10 %
des internautes se connectent depuis les bibliothèques
publiques, qui proposent quasiment toutes l'accès à
Internet. En cas de refus des établissements
de mettre en place les dits filtres, l'Etat dispose
d'un moyen de pression massue puisqu'il subventionne
les investissements des bibliothèques en matière de
nouvelles technologies. La somme totale allouée à ces
aides atteint près d'un milliard de dollars.
Pour l'instant, les opposants
à la loi ne désarment pas. Ils estiment que la mise
en place de filtres est une forme de censure et se plaignent
qu'elle empêchera le public d'effectuer des recherches
sur des sujets licites liées à la sexualité (homosexualité,
cancer du sein
).
Par ailleurs, ils invoquent
le principe d'égalité face à l'accès à l'information
et affirment que cette loi est discriminante pour les
internautes qui ne possèdent pas de connexion à domicile.
L'autre versant du débat
se situe du côté des logiciels de filtrage proprement
dit. Leur efficacité est contestée ; ils sont accusés
d'une part de ne pas réussir à bloquer tous les contenus
pornographiques, et d'autre part de bloquer des contenus
qui n'ont rien à voir avec les sujets qu'ils sont censés
filtrer.
L'année dernière, une cour
d'appel fédérale avait déclaré la loi anticonstitutionnelle
justement pour ce motif. Une étude menée par le Online
Policy Group, une association de défense des libertés
et des droits de l'homme sur Internet, évalue à 50 %
la proportion de sites bloqués sans raison. Ce n'est
pas la seule critique adressée aux logiciels de filtrage
; les éditeurs aussi sont visés, pour le manque de transparence
dont ils font preuve concernant leurs méthodes de filtrage.
Les arguments avancés par
les défenseurs de la loi tentent de désamorcer ces craintes
en faisant appel à la logique et à l'adaptation au cas
par cas. Tout d'abord, ils s'étonnent que les bibliothèques
traitent différemment leurs services offline et online.
En effet, leurs fonds
offline ne comprennent pas de contenu pornographique
donc il ne voient pas la raison de l'autoriser online.
Concernant l'accès à des
contenus filtrés par erreur, ils précisent que la loi
est bien destinée à protéger les mineurs, et que de
ce fait les adultes (au-dessus de 17 ans) peuvent demander
à ce qu'un filtre soit levé temporairement. La difficulté,
c'est de désactiver un filtre sur un seul ordinateur
alors que les bibliothèques fonctionnent pour la plupart
en réseau.
Enfin, les éditeurs de
solutions de filtrage comme N2H2, Websense ou SurfControl,
promettent à qui veut les entendre que leurs technologies
ont fait d'énormes progrès ces derniers temps... Même
s'ils admettent qu 'un filtre efficace à 100%
n'existe pas.
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