L'Afrique s'ouvre au monde de
l'Internet mais par la petite porte. A ce jour, le continent
abrite environ 2 % de la population d'internaute
dans le monde. Tel est le constat dressé par Abdoul
Ba, docteur en sciences de l'information et de la communication
et auteur de Internet, Cyberespace et Usages en Afrique*.
Dans cet ouvrage, Abdoul Ba décrit un état
des lieux complet du Net sur le continent africain. Pour
lui, cinq grands obstacles freinent le développement
du Net en Afrique : de faibles taux d'équipement
en ordinateurs et en téléphonie mobile,
un réseau téléphonique sous-développé,
des coûts télécoms trop élevés
et un manque d'information et de formation sur les NTIC.
JDN.
Quellle est aujourd'hui la situation du Net en Afrique ?
Abdoul Ba. Internet a émergé en Afrique
au travers de projets initiés par des organisations
internationales comme les Nations-Unies mais aussi grâce
à l'aide apportée par des pays comme les
Etats-Unis, le Canada et la France. Mais Internet reste
encore au stade des balbutiements en Afrique car il est
lié au niveau de développement économique
des pays. La taille du parc téléphonique
et de la population internautes reste faible, la principale
cause étant le manque d'infrastructures de télécommunication
nécessaires au développement du Web. En
synthétisant, les pays les plus avancés
dans le domaine du Net sont l'Afrique du Sud et les pays
du Maghreb qui bénéficient de l'effet de
proximité géographique avec l'Europe du
Sud. En Afrique subsaharienne, le Sénégal
et le Kenya se distinguent. Singulièrement, Internet
parvient à s'installer dans des pays très
pauvres comme le Burkina Faso ou le Burundi. En pénétrant
dans ces pays, on se rend compte qu'Internet prend véritablement
une dimension mondiale. Ce qui n'était pas le cas
à la fin des années 90, période jusqu'à
laquelle l'Afrique n'était pas concernée
par le développement du Net.
Quels
types de services Internet se développent en Afrique
?
Il y a deux populations distinctes d'utlisateurs. Il y
a tout d'avord les internautes liés au pouvoir
économique, au service public et aux marchés
formels, qui utilisent Internet pour le commerce électronique.
Par exemple, l'Internet marchand connaît un fort
développement à l'Ile Maurice. L'Afrique
du Sud a dépensé de son côté
plus de 300 millions de dollars pour développer
le commerce électronique. Ce marché représente
un demi-milliard de dollars maintenant. Dans la seconde
catégorie des catégories, on trouve des
internautes friands d'e-mails étant donné
le nombre de communautés africaines vivant dans
les pays étrangers. C'est d'ailleurs pour cela
que l'on assiste à un développement important
des cybercafés en Afrique. Ces internautes se servent
également du Web pour s'informer sur des sites
d'information crédibles, car il reste encore beaucoup
de médias africains sous influence étatique.
Par exemple, en Mauritanie, beaucoup d'internautes consultent
le site Mauritanie.net pour disposer d'informations plus
indépendantes.
Comment
expliquez-vous le développement des "universités
virtuelles" en Afrique ?
A l'origine, Internet a débarqué en Afrique
pour des projets éducatifs. Prenons le cas du
Cameroun qui a abrité le projet UVA, Université
Virtuelle Africaine, initié par le Canada et
qui regroupait le Bénin, la Côte d'Ivoire,
le Burkina Faso et le Tchad. L'université de
Laval au Canada, dans la région de Montréal,
dispensait des cours à des étudiants africains
reliés via Internet. L'objectif était
de realiser des formations à bas coût,
en évitant qur les étudiants quittent
le pays et que des bourses scolaires soient délivrées.
Il y a eu quelques succès, notammant au Bénin.
Mais cela a été un échec au Mali.
La vitesse du réseau était trop lente.
Nous n'en sommes encore qu'aux prémices. Mais
Internet est en train de devenir un véritable
média de transmission des savoirs, contrairement
à d'autres projets médias comme la télévision
éducative qui se sont révélés
désastreux. Il faut également considérer
cet outil comme un catalyseur de projets en matière
de développement durable. Par exemple, les planteurs
ivoiriens utilisent Internet pour suivre l'évolution
du cours du cacao. Voila un usage pragmatique du Web
qui constitue un petit progrès réel et
palpable.
*Internet, cyberespace et usages en Afrique par Abdoul
Ba. Mai 2003. Editions L'Harmattan. 23 euros.
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