A la demande du Centre national
cinématographique (CNC), Marc Welinski, ancien
président de la division Wanadoo Audiovisuel, a remis
fin juin un rapport, intitulé "Nouveaux écrans, nouveaux
médias, éléments pour une stratégie Internet de la production
audiovisuelle française". Ce document de synthèse
fait le point sur les développements liés
à l'audiovisuel Internet : télévision
ADSL, services de VOD mais aussi le DVD, "un support
que l'on détache trop souvent du Net", estime
Marc Welinski.
JDN.
Dans votre rapport vous estimez que le Net représente
avant tout une dynamique de distribution pour le contenu
existant. Pourquoi ce constat ?
Marc
Welinski. Il n'y a aucun modèle économique
lié au contenu audiovisuel propre à Internet.
L'essentiel du financement des programmes audiovisuels
vient du cinéma et de la télévision
et maintenant du DVD. Dans ce domaine, le Net n'a généré
aucun business spécifique : les webproducteurs
et les web TV ont quasiment tous disparu. En revanche,
si Internet n'est pas un lieu de production audiovisuelle,
c'est en revanche un canal sur lequel circulent beaucoup
de programmes avec des oeuvres gratuites, payantes et
pirates. Et il existe encore beaucoup de catalogues
dormants de production audiovisuelle qui pourraient
faire l'objet d'une exploitation Internet. Mais avant
d'en arriver là, les producteurs et distributeurs
attendent deux choses : un modèle économique
pour distribuer de manière viable leur contenu
et des garanties technologiques que leurs oeuvres ne
seront pas piratées. Les solutions techniques
existent dans les laboratoires mais il faut établir
des relations entre l'univers informatique, avec des
acteurs comme Microsoft, les télécoms
et de la production audiovisuelle. Dans cet écheveau,
il faut souligner l'importance du couplage Internet
et DVD. Nous avons tort de croire que les films seront
épargnés du phénomène de
dissémination numérique non contrôlée,
comme celui que nous avons connu avec le gravage de
CD vierges lié à la diffusion de la musique
sur Internet.
Quel
est votre jugement sur l'avenir de la télévision
ADSL ?
Si l'ADSL est un troisième entrant dans le monde
de la diffusion de chaînes thématiques,
comme le câble et le satellite, je ne vois pas
comment les nouveaux bouquets pourront vivre. Des groupes
comme TF1 ont une certaine légitimité
à développer ce type d'expérimentation
car ils possèdent déjà un bouquet
de chaînes numériques. Mais, quid des autres
entrants sur ce marché ? Monter des nouveaux
réseaux pour vendre des bouquets numériques,
cela me rappelle les débats que l'on a connu
autour du câble il y a vingt ans. La valeur ajoutée
peut venir des services interactifs, comme la vidéo
à la demande. Dans ce cas, cela peut devenir
attractif. La distribution électronique de vidéos
constitue un vrai nouveau produit, à l'instar
des DVD. Mais, pour que
le service soit attractif, il faudra donner l'accès
à un catalogue très vaste et à
de multiples options de chaînes thématiques
streamées. Et le décollage des services
de VOD sera stimulé par la place qu'on leur accorde
dans la chronologie des médias. Si ce type de
produits arrive en bout de chaîne de la diffusion
d'un programme, après les sorties cinéma,
le pay per view, le DVD et la télévision,
alors les conditions ne seront pas réunies. Il
faut que la VOD soit placée en aval dans la chronologie
des médias pour qu'elle soit attractive.
Au
final, qui de l'ordinateur ou de la télévision
sera le terminal multimédia de demain ?
On assiste à un rapprochement certain entre le
PC et le téléviseur. Les efforts de Sony
dans ce sens sont remarquables, avec son produit hybride
Vaio. Le fait de pouvoir graver des films sur des DVD
vierges et consultables sur un lecteur DVD branché
à un poste de télévision constitue
une première jonction. Mais il reste encore beaucoup
de questions en suspens. Par exemple, quels programmes
va-t-on placer derrière des développements
d'un outil technologique comme la set-up box développée
par Free ? Je pense que les opérateurs prennent
le problème à l'envers en se concentrant
sur l'aspect technologique et en se souciant de manière
secondaire du choix des contenus à diffuser.
Les ayant-droits devraient d'abord se réunir
pour déterminer les programmes puis les modes
de diffusion.
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