Si les utilisateurs européens
de peer-to-peer se croyaient à l'abri des manuvres d'intimidation
de l'industrie du disque, il va falloir qu'ils se rendent
à l'évidence : pour eux aussi, le téléchargement de fichiers
protégés par un copyright est devenu un jeu dangereux.
Les internautes espagnols peuvent en témoigner, puisque
4.000 d'entre eux vont être poursuivis pour violation
de droits d'auteur par un collectif de trente-deux entreprises,
issues notamment des industries de la musique et du logiciel.
Ces sociétés estiment que les échanges de fichiers leur
ont infligé un manque à gagner de 85 millions d'euros
sur les six derniers mois.
Javier
Ribas, avocat en charge du dossier pour les plaignants,
a déclaré que ceux-ci ne souhaitaient pas que leur identité
soit rendue publique, par peur de représailles (boycott
).
Selon lui, l'enquête, menée en collaboration avec la
police technique nationale espagnole, aurait permis
d'identifier 95.000 adresses IP appartenant à des utilisateurs
de réseaux peer-to-peer ; en effet, les anciennes versions
des logiciels permettent d'analyser la nature et le
nombre de fichiers échangés par n'importe quel internaute,
ce qui n'est plus possible sur les dernières versions.
Finalement, le collectif a annoncé son intention de
porter plainte contre les 4.000 utilisateurs les plus
actifs.
Lors du procès, qui devrait
avoir lieu en septembre, Ribas prévoit de requérir contre
les accusés des peines de prison pouvant aller jusqu'à
quatre ans (le maximum autorisé par la loi sur la propriété
intellectuelle en Espagne), ainsi que des dommages et
intérêts équivalant à la valeur marchande de chaque
fichier piraté. Une stratégie qui ne tient pas la route,
selon un avocat espagnol spécialisé dans le droit de
l'Internet, cité par Wired : "Selon le code pénal espagnol,
pour qu'il y ait violation de propriété intellectuelle,
il faut qu'il y ait recherche de profit", indique-t-il.
Ce à quoi Javier Ribas répond que le simple fait de
vouloir économiser le prix d'achat d'un fichier protégé
peut être interprêté comme la recherche de profit.
Depuis quelques semaines,
les regards des industriels et des utilisateurs de peer-to-peer
européens convergent vers l'Espagne. Le pays figure
sur la liste noire des dix pays dans lesquels la protection
du droit d'auteur est la plus négligée et le taux de
piratage le plus élevé, selon un rapport publié ce mois-ci
par la Fédération Internationale de l'Industrie Phonographique.
Par ailleurs, c'est un site de la péninsule, Blubster,
qui a lancé les représailles contre les majors américaines,
en annonçant sa participation à des actions de lobbying
et en faisant la promotion de son nouveau service, censé
garantir l'anonymat à ses utilisateurs.
Aux Etats-Unis, la RIAA
a mis ses menaces à éxécution.
Près de 1.000 assignations ont été adressées à des fournisseurs
d'accès (dont Verizon, Comcast et Time Warner Cable)
et des universités (Boston College, MIT) au cours des
quatre dernières semaines, leur demandant les noms d'utilisateurs
pirates, dont certains sont mineurs. Selon la loi, les
dommages et intérêts, pour chaque fichier pirate échangé,
vont de 750 à 150.000 dollars. De quoi mettre des familles
sur la paille.
|