Spectaculaires, absurdes,
grotesques
Autant de qualificatifs qui viennent à l'esprit
pour décrire les "flash mobs", ces "foules éclair" regroupant
plusieurs centaines de personnes qui ne se connaissent
pas, se réunissent pendant quelques minutes pour accomplir
au même moment une action dénuée de sens, puis se dispersent.
Les participants sont prévenus le jour même de l'heure
et du lieu par e-mail ou par SMS.
La
première "flash mob" a eu lieu à New York
en juin. Le phénomène s'est rapidement étendu dans les
grandes villes américaines. Partout, c'est le même étonnement
de la part des badauds, la même incrédulité amusée.
Il faut avouer que les scénarios rivalisent d'imagination.
A Manhattan en juillet, les "flash mobbers"
ont ainsi applaudi en pleine nuit pendant quinze secondes
dans le hall du Grand Hotel Hyatt ; à Central Park,
ils ont imité des cris d'animaux près du musée d'histoire
naturelle. Et des réunions instantanées
du même genre ont eu lieu à San Francisco, Nashville,
Minneapolis, Tokyo
L'Europe est elle aussi
gagnée par la folie des flash mobs. Le 26 juillet à
Vienne, les participants ont mangé des fruits et des
légumes frais. Début août à Dortmund, il s'agissait
de bananes. A Rome le 24 juillet, ils ont été plusieurs
centaines à réclamer dans un magasin un livre inexistant.
Et le 7 août, plus de 200 londoniens se sont extasiés
au téléphone devant la marchandise d'un magasin de canapés.
Attention, la première flash mob parisienne est
attendue aujourd'hui.
Les organisateurs des flash
mobs ne revendiquent aucun but politique. C'est plutôt
l'aspect festif et désintéressé qui est mis en avant.
A la différence des "happenings", cette forme d'art
événementiel apparu dans les années 60, les flash mobs
sont davantage des actes ludiques que poétiques ou subversifs.
L'humour y a plus de place que la provocation.
Cependant, on retrouve
l'idée d'une ligne directrice prévue à l'avance, qui
fait en même temps la part belle à l'indéterminé,
les réactions des spectateurs pouvant interagir avec
le cours de l'action. Certains pourront y voir une nouvelle
forme d'art, une oeuvre collective et éphémère, mélange
de virtuel et de réel, permise par les nouvelles technologies
de l'information.
Howard Rheingold, auteur
du livre "Smart Mobs : the next social revolution",
une théorie sur les nouvelles technologies appliquées
à la coopération et à l'organisation d'actions collectives,
estime que les flash mobs font partie d'une tendance
plus large. Selon lui, le "smartmobbing" (mobilisation
de foules "intelligentes" s'aidant des NTIC) pourrait
très bien devenir une forme majeure d'activisme politique.
A Seattle, les altermondialistes ont effectivement utilisé
leurs téléphones portables pour organiser les manifestations.
Les flash mobs font également
partie d'une tendance actuelle qui consiste, pour des
communautés, à se servir d'Internet pour se retrouver
dans le monde réel. Même si ce n'est que ponctuel. Les
adeptes des Wikis, par exemple, organisent souvent des
réunions, et le but des utilisateurs de logiciels sociaux
comme Friendster est de faire des rencontres.
Le hic, c'est que les médias
et les forces de police s'intéressent eux aussi de plus
en plus aux flash mobs. Encadrées par un cordon de CRS,
les actions auraient certes moins de panache. Passé
l'attrait de la nouveauté et l'impression d'appartenir
à une étroite communauté d'initiés, les flash mobs passeront-elles
l'été ou le phénomène des foules éclair sera-t-il aussi
fugace que les gentils délires collectifs qu'il
génère ?
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