Dans l'affaire qui opposait
Métrobus, la régie publicitaire de la RATP, à Ouvaton,
l'hébergeur d'un site de militants antipub à l'origine
de la dégradation d'affiches publicitaires dans le métro,
le juge des référés du tribunal de grande instance de
Paris a ordonné lundi à Ouvaton de communiquer à Metrobus
l'identité des animateurs du site. En réaction à ce jugement,
qui écarte toute notion de culpabilité pour Ouvaton, mais
oblige néanmoins la coopérative à régler ses frais d'avocat,
son président Alexis Braud en appelle à la prise de conscience
des élus.
Suite
à deux raids de militants antipub perpétrés les 17 octobre
et 7 novembre dans le métro parisien, ayant abouti à
un barbouillage systématique d'affiches publicitaires,
Métrobus et la RATP avaient porté plainte contre X et
demandé par voie d'huissier à Ouvaton, qui héberge le
site Stopub, point de ralliement virtuel de ces militants,
de livrer l'identité de ses responsables et de fermer
le site. Ouvaton avait alors refusé au nom de la loi,
qui dispose que seule une décision de justice peut obliger
un hébergeur à révéler ce type d'information. A la suite
de quoi Métrobus avait assigné Ouvaton en référé.
L'ordonnance de référé
rendue lundi oblige finalement Ouvaton à communiquer
les données permettant d'identifier les éditeurs du
site Stopub, mais sans assortir cette obligation de
l'astreinte de 10.000 euros par jour requise par Métrobus.
En revanche, le juge a refusé la demande de prise en
charge par Métrobus des frais de justice engagés par
l'hébergeur, ce qui reste en travers de la gorge de
son président. "Pour prouver son innocence, déplore
Alexis Braud, Ouvaton doit dépenser 10% de son chiffre
d'affaires ! Quelle entreprise normale pourrait supporter
une telle charge ? Sachant qu'en plus, c'est la porte
ouverte à des procédures identiques."
Dans la ligne de mire d'Alexis
Braud, la loi sur l'économie numérique (LEN), qui doit
être soumise en deuxième lecture à l'Assemblée en janvier
prochain (Lire l'article
du JDN). Le texte, dans sa version actuelle, prévoit
que les hébergeurs sont responsables en cas d'hébergement
de contenus illicites s'ils n'agissent pas avec "promptitude"
pour mettre fin à l'accès "dès le moment où [ils] ont
eu la connaissance effective de leur caractère illicite
ou de faits et circonstances mettant en évidence ce
caractère illicite". Ouvaton fait partie des premiers
collectifs signataires d'une pétition dénonçant ces
dispositions.
L'alternative proposée
par cette pétition est le statu quo. "Le régime de responsabilité
des hébergeurs tel qu'il existe actuellement est satisfaisant,
clame Alexis Braud, car il protège la liberté d'expression
et il ne prévoit pas du tout un régime de non responsabilité.
Les gens sont responsables devant la loi, et pas devant
n'importe quel plaignant. C'est une vision plus équilibrée,
et le fait qu'il y ait actuellement très peu d'affaires
devant les tribunaux le prouve. La LEN, qui dit qu'elle
veut soulager les tribunaux, va en fait créer de nouveaux
contentieux."
"Sous le régime de la LEN,
il aurait fallu que nous fermions immédiatement le site,
poursuit-il, sans disposer de l'expertise nécessaire
pour juger si Stopub était légal ou non. Or, on a bien
vu, à travers les jugements rendus dans l'affaire jeboycottedanone,
combien il était compliqué de se prononcer sur ce genre
d'affaires. Je demande donc au gouvernement, dont certains
représentants avaient rejeté l'amendement Bloche en
2000, qui comportait des dispositions identiques à la
LEN, d'être cohérent et de revenir sur ce projet de
loi."
Le jugement en référé ne
prévoit pas de date limite pour la fourniture des éléments
d'information demandés par Métrobus. Concrètement, Ouvaton
va devoir divulguer le nom et l'adresse donnés lors
de l'ouverture du site, qui a depuis déménagé chez un
hébergeur étranger. "Ces données seraient utiles à la
Justice, mais que va en faire Métrobus ?" demande Alexis
Braud. Selon lui, cette action en justice n'avait d'autre
but que de s'attaquer aux hébergeurs.
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