Dans une lettre ouverte diffusée
dans les Echos du 9 décembre, cinq dirigeants
du monde des télécommunications et de l'Internet
(Marie-Christine
Levet pour Club-Internet, Charles Rozmaryn pour Cegetel,
Jacques Veyrat pour LDCom, Philippe Besnier pour UPC France
et Olivier Anstett pour Télé2 France) s'inquiètent
du contexte d'émergence de la télévision
sur ADSL. Avec le lancement de Free TV et l'arrivée
imminente de l'offre TPSL alliant T¨PS et France Télécom,
ils demandent aux pouvoirs publics de "se saisir
immédiatement des nouvelles offres afin de les
apprécier au regard du droit de l'audiovisuel,
des télécommunications et de la concurrence".
Marie-Christine Levet revient sur les enjeux de la télévision
ADSL qui semblent déterminants à ses yeux.
JDN.
Que craignez-vous avec l'apparition des offres de télévision
sur ADSL ?
Marie-Christine Levet. Lorsqu'un nouveau marché
apparaît, il faut qu'une concurrence puisse s'installer
avec des règles de concurrence saines. Nous ne
voulons pas que le schéma du lancement des offres
d'accès ADSL se répète avec le
développement des offres de télévision
sur ADSL. Or, selon les premiers éléments
dont nous disposons, il apparaît que l'offre TPSL
ne sera pas accessible aux internautes haut débit
clients d'un FAI qui développe des offres d'accès
dégroupées en option
1. C'est notamment le choix de Club-Internet mais
aussi d'autres fournisseurs d'accès. Cette situation
est inacceptable car nos abonnés haut débit
ne pourront pas souscrire à l'offre TPSL. Nous
craignons un effet de churn (ou perte d'abonnés
au profit d'un autre), ce qui constituera un détournement
fort de clientèle. A
l'origine, nous pensions que l'offre TPSL ne comprenait
pas de couplage automatique et que l'utilisateur pourrait
accéder à l'offre de télévision
ADSL quel que soit le choix de son FAI haut débit.
Mais on nous indique maintenant que l'offre TPSL n'est
pas techniquement compatible avec les offres des FAI
qui développent le dégroupage. Secundo,
il n'y a pas d'homologation des tarifs d'accès
Internet haut débit via TPSL de la part de l'Autorité
de Régulation des Télécommunications
(ART). Toutes les pratiques de libre concurrence entre
opérateurs sont bafouées.
Pourtant,
la concurrence a déjà commencé
: Free vient de lancer son offre, LDCom et le groupe
Canal + travaillent ensemble sur le sujet...
L'offre
de télévision ADSL de Free est un coup
marketing qui s'adresse aux abonnés Freebox.
Ce qui nous inquiète, c'est que l'offre TPSL
soit vendue dans des agences France Télécom.
De facto, ce mode de commercialisation évince
tous les autres clients Internet haut débit n'ayant
pas choisi une offre d'accès émanant de
l'opérateur historique. Nous avons l'impression
d'évoluer dans un contexte de Far West, avec
un environnement flou en terme de régulation.
L'année prochaine, nous estimons que 1,1 million
de nouveaux abonnés ADSL vont arriver sur le
marché avec un développement du taux de
churn en parallèle. C'est une logique
de marché mais, avec l'offre TPSL commercialisée
dans les agences France Télécom, nous
craignons que le churn ne tourne trop en faveur
de Wanadoo. Pour l'instant, nous évoquons ce
sujet par le biais d'une lettre ouverte pour alimenter
le débat public sur ces nouveaux sujets technologiques,
mais nous n'excluons pas de déplacer le débat
sur le terrain juridique.
Cette
accélération de la cadence dans le domaine
de la télévision ADSL modifie-t-elle la
stratégie Internet haut débit de Club
Internet ?
C'est
un sujet novateur que l'on regarde avec intérêt.
En France, il existe deux bouquets satellites. Les accords
signés entre opérateur télécom
et opérateur de bouquets satellite ne sont pas
exclusifs mais nous ne voulons pas être évincé
de prime abord de ces marchés émergents.
Cependant, cela ne bouleverse pas en profondeur notre
stratégie Internet haut débit. Ceux qui
sont les plus directement touchés par ce développement
technologique sont les câblo-opérateurs.
En Allemagne, notre maison-mère T-Online a choisi
une voie différente : au premier trimestre 2004,
elle va lancer l'offre T-Online Vision on TV, qui tourne
autour d'offres d'accès Internet haut débit
autour du poste de télévision et un énorme
catalogue audiovisuel pour développer la vidéo
à la demande.
Free interpellé sur les droits de propriété intellectuelle
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La stratégie de "First Mover Advantage" a quelques inconvénients,
notamment celui d'essuyer les plâtres. Avec
le lancement la semaine dernière de son offre
de télé Asdl (lire l'article
du JDN), Free se voit reprocher par les producteurs
audiovisuels d'enfreindre le Code de la Propriété
Intellectuelle. Dans une lettre co-signée
adressée à la direction du groupe
FAI, sept organisations de professionnels de la
production audiovisuelle soulignent que "la plupart
des contrats individuels des producteurs avec les
chaînes de télévision n'ont pas prévu une telle
reprise intégrale et simultanée des chaînes sur
lesquelles sont diffusés leurs films." Du coup,
elles en déduisent que "la question
de la propriété intellectuelle et donc de la libération
des droits des oeuvres n'est pas réglée. A notre
connaissance, cette retransmission simultanée et
intégrale de chaînes de télévision conventionnées
par le CSA ou déclarées auprès de lui n'a donné
lieu qu'à la signature de contrats entre Free TV
et les éditeurs de chaînes", rapportent les organisations.
Celles-ci souhaitent rencontrer la direction de
Free pour rendre l'offre Free TV "conforme
à la loi." |
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