Les
employés d'Iliad ont commencé à
se douter de quelque chose quand ils ont vu des bataillons
de banquiers à cravates débarquer dans
leurs locaux. Et ils ont su que c'était sérieux
lorsque leur PDG, Xavier Niel, est apparu en costume,
une première historique selon des anciens de
la maison... La nouvelle a été annoncée
en interne mardi, avant d'être révélée
mercredi par Les Echos au bénéfice d'une
fuite bien organisée. Le groupe Iliad, maison-mère
de Free, souhaite se faire coter sur le premier marché
de la Bourse de Paris durant le premier trimestre 2004.
Le
quotidien parle du mois de janvier. Olivier Rosenfeld,
le directeur financier d'Iliad, se contente d'un prudent
"pas avant quelques semaines". Quelque soit
la date finale, cette IPO sera la première d'une
valeur Internet depuis longtemps, et probablement la
première d'une série, plusieurs autres
sociétés ayant manifesté leur intérêt
pour une telle opération, à commencer
par Kelkoo (Lire l'enquête
du JDN du 17/12/03).
Fidèle
à ses habitudes de discrétion, Iliad refuse
de donner des indications précises sur plusieurs
des modalités de l'opération. A commencer
par son ampleur. Les Echos affirmaient qu'Iliad
envisagerait de placer de 10 à 30% de son capital.
"C'est une fourchette à laquelle nous réfléchissons",
se contente-t-on de lâcher au sein du groupe.
Quant à la valorisation, estimée récemment
à 1 milliard d'euros par Reuters,
"elle
n'est
pas fixée à ce jour", répondent les responsables
d'Iliad.
L'Autorité
des marchés financiers (AMF), l'organisme de
régulation de la Bourse de Paris (créé
en novembre dernier et résultant de la fusion de la
Commission des opérations de Bourse, du Conseil des
marchés financiers et du conseil de discipline
de la gestion financière), a validé lundi le
prospectus d'introduction. La société,
qui est conseillée par SG Corporate & Investment
Banking, a
entamé mardi une série de réunions de présentation aux
analystes.
Le
capital actuel d'Iliad est contrôlé à
hauteur de 77,95% par Xavier Niel, son fondateur. les
autres actionnaires sont la banque américaine
Goldman
Sachs (6,9%), Axa
Private Equity (0,65%) et les salariés pour
le solde. Iliad
entend procéder essentiellement via une augmentation
de capital pour lever "un montant total nominal
maximum"' de 100 millions d'euros, peut-on lire
dans la notice d'introduction. Ces 100 millions seraient
essentiellement consacrés à l'accélération des investissements
dans le haut débit via l'ADSL.
Pour le groupe Iliad, la très
forte visibilité donnée par une présence
en Bourse (et les obligations qui s'imposent à
toutes les sociétés cotées), représente
un défi en soit. Elle rendra plus sensibles les
difficultés que le groupe connaît ponctuellement
en matière de qualité de service ou de
qualité du service-client (sa hotline est aujourd'hui
célèbre en négatif). Elle rendra
aussi plus difficile certaines prises de position volontairement
dérangeantes ou bien celles qui caressent les
internauites dans le sens du poil.
Quel sera par exemple le discours
du FAI en ce qui concerne par exemple les échanges
de fichiers en peer-to-peer, lui qui se targuait jusqu'à
présent de ne jamais les surveiller? "Free
est une autoroute qui se veut la plus large possible,
affirmait récemment Michaël Boukobza, le
directeur général adjoint d'Iliad, lors
d'un chat
sur le JDN. Chaque utilisateur de l'autoroute fait ce
qu'il veut sur la voie, Free ne s'en mêle pas et n'est
même pas au courant." On verra bientôt comment
l'industrie de la musique ou du cinéma interprête
une telle position de la part d'un groupe côté
à la Bourse de Paris.
Pour le "FAI qui dérange",
la cotation sera synonyme d'institutionnalisation, un
phénomène considéré comme
"un avantage et un inconvénient" par
les responsables d'Iliad. Premier symptôme avant-coureur
: la société s'est installée récemment
dans de nouveaux locaux à la Madeleine, dans
le 8ème arrondisssement, et a renouvelé
en grande partie son parc informatique. Histoire de
faire meilleure impression lors des visites de banquiers,
sans doute.
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