Les sénateurs ont poursuivi l'examen du projet de loi
sur pour la confiance dans l'économie numérique, la fameuse LEN, tard dans
la nuit de jeudi à vendredi. L'un des premiers grands
sujets abordés portait sur la responsabilité
accrue des hébergeurs sur les contenus stockés
sur leurs serveurs. Le Sénat, avec l'accord du gouvernement, a annulé la fameuse disposition qui
obligeait les hébergeurs, et donc les FAI, à surveiller le contenu
des sites qu'ils abritent (cf article
JDN du 09/04/04).
Le tumulteux débat
sur le "filtrage de l'Internet" tant décrié
par les fournisseurs d'accès devrait donc, si la suite du cheminement législatif de la LEN le confirme, s'atténuer. L'Association des fournisseurs d'accès s'est d'ailleurs félicité hier du choix des sénateurs. Mais il en reste encore quelques mentions floues qui laissent
une large part à l'interprétation :
"Les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à
des services de communication au public en ligne informent leurs
abonnés de l'existence de moyens techniques permettant de restreindre
l'accès à certains services ou de les sélectionner et leur proposent
au moins un de ces moyens." (Chapitre II, article 2 bis).
D'autres articles relatifs
sur des sujets sensibles liés au commerce électronique, à
la prospection par e-mailing et aux développements de projets télécom
en collectivités territoriales ont également été adoptés.
Après les polémiques qui avaient éclaté à l'occasion
du passage du texte en deuxième lecture à l'Assemblée nationale,
les sénateurs ont opté pour des positions plus consensuelles. Voici
les principales nouveautés de la LEN, version sénatoriale.
Droit
de réponse : après avoir étudié
l'extension de la notion de prescription liée au droit
à la presse (cf article
JDN du 09/04/04) pour des affaires de diffamation, les sénateurs
se sont intéressés au droit de réponse
sur supports électroniques :
"Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication
au public en ligne dispose d'un droit de réponse (...). La demande
d'exercice du droit de réponse est (...) présentée au plus tard
dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle
cesse la mise à disposition du public du message justifiant
cette demande. Le directeur de la publication sera tenu d'insérer
dans les trois jours de leur réception les réponses de toute
personne nommée ou désignée dans le service de communication
au public en ligne sous peine d'une amende de 3.750 euros."
(Chapitre II, article 2 bis - IV)
Prévention
du piratage : A l'instar des mentions présentes
sur les paquets de cigarette au nom de la santé publique,
les services Internet proposant des téléchargements
d'oeuvres culturelles vont devoir incruster des signalétiques
spécifiques :
"Lorsque les personnes visées au 1 du I de l'article 2
bis invoquent, à des fins publicitaires, la possibilité qu'elles
offrent de télécharger des fichiers dont elles ne sont pas les
fournisseurs, elles font figurer dans cette publicité une mention
facilement identifiable et lisible rappelant que le piratage
nuit à la création artistique." (Chapitre II, Article 2
quater)
Commerce
électronique : Au nom de la protection des consommateurs,
les députés avaient accru les responsabilités
des commerçants en ligne. Les sénateurs sont revenus
sur ce point avec une version plus indulgente :
"Toute personne physique ou morale exerçant l'activité
définie au premier alinéa de l'article 6 est responsable de
plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des
obligations résultant du contrat, que ces obligations soient
à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services
(...) Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa
responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la
mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur,
soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger
à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un
cas de force majeure."
(Titre II, Chapitre I, article 6 bis)
Marketing
direct en ligne : Les spécialistes du secteur disposent
d'un délai de six mois après promulgation de la
loi pour mener une grande opération "nettoyages
de bases de données", y compris ceux qui avaient
adopté dès le départ des formules d'opt-in.
"Le consentement des personnes dont les coordonnées ont
été recueillies avant la publication de la présente loi dans
les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés à l'utilisation
de celles-ci à fin de prospection directe peut être sollicité,
par voie de courrier électronique, pendant les six mois suivant
la publication de la présente loi. A l'expiration de ce délai,
ces personnes sont présumées avoir refusé l'utilisation ultérieure
de leurs coordonnées personnelles à fin de prospection directe
si elles n'ont pas manifesté expressément leur consentement
à celle-ci.)" (Titre II, Chapitre II, Article 12, IV)
Collectivités
territoriales et projets haut débit/télécom
: Le Sénat a voté conforme l'article permettant aux collectivités
locales de jouer le rôle d'opérateur télécoms. Ces dernières
pourront fournir directement aux consommateurs un service de
télécommunications, "en cas de carence des opérateurs privés",
avait été introduite en deuxième lecture dans le projet de loi
par l'Assemblée nationale." (Article 37 bis A)
Facturation
à la seconde généralisée :
Que ce soit dans le domaine des offres de télécommunication
fixes ou mobiles, les sénateurs maintiennent la cap esquissé
par les députés :
"Tout opérateur de téléphonie vocale est tenu de proposer
de manière équitable au consommateur, lors de la souscription
d'un service de télécommunication, une offre dans laquelle les
communications métropolitaines commutées sont facturées à la
seconde, dès la première seconde, hors éventuellement un coût
fixe de connexion." (Article L. 113-4.)
Nouvelles définitions officielles : de subtiles
variations sur le même thème sont apportées
sur des notions technologiques fondatementales :
- communication
au public par voie électronique : toute mise à disposition
du public ou de catégories de public, par un procédé de communication
électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de
sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère
d'une correspondance privée.
- communication au public en ligne : toute transmission,
sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas
un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication
électronique permettant un échange réciproque d'informations
entre l'émetteur et le récepteur.
- courrier électronique : tout message, sous forme de
texte, de voix, de son ou d'image, envoyé par un réseau public
de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l'équipement
terminal du destinataire, jusqu'à ce que ce dernier le récupère."
(Chapitre I, Article I-IV)
A l'occasion de l'examen en deuxième lecture du projet
de loi LEN devant le Sénat, une cinquantaine d'amendements
et de sous-amendements, sur les 105 initialement déposés, ont
été adoptés.
C'est la commission
mixte paritaire (CMP), composée de 14 députés et sénateurs,
qui prend le relais pour établir la version définitive
du texte de loi.
|