L'introduction de Google, qui se fera avant fin juin, devrait valoriser la société californienne au-dessus de la barre des 25 milliards de dollars, et permettre de lever sur le marché 2,7 milliards de dollars. Franck Hennin, analyste chez Richelieu Finance, revient sur ces perspectives, qu'ils jugent "déraisonnable".
Comment réagissez-vous
à la valorisation qui servira de base à l'introduction
de Google ?
Une valorisation entre 20 et 25 milliards, c'est énorme. En même temps, les marchés
sont revenus à des niveaux plus hauts, et les investisseurs
sont optimistes. Il y a donc un afflux important
de capitaux, beaucoup d'argent à investir et une réelle
demande. Si Google s'introduit maintenant, c'est pour être
le premier à profiter de cette manne, plutôt
que d'attendre la prochaine vague d'IPO et de se retrouver
à plusieurs pour se partager le gâteau.
Finalement, les dirigeants de Google sont des marchands de
rêve : ils vendent un projet, un futur. Nous sommes
quasiment dans le domaine du marketing. Mais avec une
telle valorisation, ils ont intérêt à
assurer un taux de croissance très important pour tenir la promesse qu'ils font à leurs futurs
actionnaires. Or, même l'homme le plus visionnaire ne peut pas
prévoir le futur d'une société. Cela
repose sur tellement d'hypothèses que le risque me
paraît déraisonnable. Mais, aujourd'hui,
les marchés ont envie d'une nouvelle et belle histoire. Ils ont
envie de voir des IPO et Google est en train de répondre
à leur demande.
Selon vous, quelles sont
les raisons qui poussent les dirigeants de Google à s'introduire
en Bourse ?
La question qu'il faudrait plutôt se poser est : pourquoi
ne font-ils pas une augmentation de capital qui leur apporterait
directement du cash ? En fait, ils n'ont pas besoin de lever
des capitaux. Et cette opération ne rapportera rien à
la société elle-même dans l'immédiat.
Je pense que l'initiative de l'introduction vient des actionnaires
historiques qui ont décidé de sortir, et cherchent
à profiter de l'état du marché pour en
retirer un maximum. Dans un deuxième temps, cette introduction
va probablement donner plus de latitude aux dirigeants qui auront
alors plusieurs possibilités : ils pourront lever des
capitaux, ou de la dette sur le marché obligataire. Ils auront également l'occasion de se faire racheter, ou bien de racheter
une autre société par échange de titres.
Comment jugez-vous le système
d'enchères choisi par Google ?
Outre le fait qu'ils cultivent leur image décalée,
le système d'enchères permet de faire accéder
un maximum de monde à l'introduction et d'en profiter
pour avoir un prix le plus élevé possible. Ils
auront ainsi un prix sans doute plus important que s'ils avaient
placé l'opération dans les mains d'institutionnels
qui l'auraient peut-être bradée. Les investisseurs,
de leur côté, au lieu de passer par un broker,
passeront directement par le Net. Mais le risque d'abus est
tout de même très présent. Si l'introduction
par mise aux enchères des titres va probablement limiter
la spéculation, elle reste tout de même difficile
à gérer et très peu transparente. C'est le
genre d'opération que l'on ne voit pas en Europe. |