Les chantiers d'harmonisation internationale des sites Web suivent
des mécanismes de mise en uvre qui varient selon la nature des projets.
Très centralisés ou plus participatifs, ils impliquent à divers
niveaux les agences et les équipes qui les conduisent. Les sites
de Seb, Manutan et Nokia constituent des illustrations représentatives
des différentes stratégies adoptées par les marques pour homogénéiser
leur communication en ligne.
Le projet de Seb est un exemple de projet centralisé mené au
niveau mondial. Le groupe, qui travaille avec Business Interactif,
a déjà harmonisé plusieurs sites de marques, et adopte chaque
fois la même démarche, comme l'explique Audrey Joris, webmaster
marketing à la cellule Internet du groupe Seb : "Nous développons
avec l'agence les fonctionnalités, le graphisme et le contenu
d'un site modèle que nous appelons "Utopia", puis nous le proposons
aux pays. Seules les fonctionnalités spécifiques, tels que les
processus de paiement en ligne, ne sont pas développées. Le rubriquage du site est également à la carte."
La première marque à laquelle s'est appliquée cette
démarche a été la plus internationale du groupe, à savoir Téfal.
29 sites pays ont ainsi été lancés et "très bien accueillis"
selon Audrey Joris. Sur chaque site est présente une partie
magazine, mise à jour par les équipes marketing locales. Depuis
2000, les filiales ont pour interdiction formelle de développer
un site sans en informer au préalable la cellule Internet groupe.
"Ce qui compte, estime Patrick Amiel, directeur associé de Business
Interactif, c'est de proposer un éventail de choix assez large
pour satisfaire tout le monde."
Le mode collaboratif s'applique mieux à des entreprises de taille
intermédiaire. Manutan, par exemple, entreprise spécialisée dans la vente
à distance d'équipements industriels et de bureaux, a créé
il y a quatre ans une équipe composée des responsables e-business
locaux, qu'elle réunit toutes les six à huit semaines pour décider
de la feuille de route. "Cela permet à la fois de préserver les responsabilités
locales, de créer une dynamique de groupe grâce à un projet
fédérateur, tout en optimisant les coûts et les délais de lancement",
confie Pierre-Olivier Brial, e-business Manager chez Manutan.
Si la plupart des projets centralisés passent bien auprès des
filiales, selon Patrick Amiel, il arrive que des convictions
locales se heurtent au rouleau compresseur des maisons-mères.
"Nous avons eu un cas où le porteur d'un projet local s'est
isolé au sein de sa société en montrant qu'il n'adhérait pas
à la stratégie e-commerce du groupe, pensant qu'elle n'était
pas adaptée au marché français." Parfois aussi, trop de centralisation
tue la centralisation. Si l'avancement des projets est bloqué
par les lenteurs de la cellule centrale, le risque que des sites
"dissidents" voient le jour pour remédier aux retards de lancement
augmente.
L'exemple de NokiaSphere montre a contrario comment une initiative
locale, prise en contre-pied d'une stratégie globale, conduit
à une remise en cause positive du modèle international. "Le
projet NokiaSphère a été porté complètement par l'agence, raconte
Jérôme Husson, directeur général de Grey Interactive. Nokia
avait besoin de reprendre le leadership sur les jeunes, et Nokia.fr
était trop conventionnel. Nous avons alors développé un vrai
concept en local, capable d'accueillir une dizaine de spécificités
pays, et de proposer plus d'infos sur l'expérience utilisateur
des téléphones, ce qui compense le côté catalogue de Nokia.fr.
Mais nous étions le vilain petit canard."
Nokia France a suivi, tiraillée entre les directives de la Finlande
et le besoin de résultats en local. Le concept de NokiaSphère,
adapté à la cible jeune convoitée par la marque, a finalement
séduit le groupe. "La France va redevenir lead en adaptant ce
concept au niveau européen", poursuit Jérôme Husson. L'initiative
locale devient ainsi la source d'une nouvelle stratégie d'harmonisation,
plus dynamique car alimentée en boucle par les différents pays.
"Dubaï, qui a acheté le concept, a eu l'idée d'un concours par
MMS pour animer le site. Nous allons à notre tour proposer ce
concept à l'Italie et à l'Espagne."
Selon Jérôme Husson, ce type de processus - harmonisation des concepts
mais pas des sites - va se développer. "La notion de parcours
numérique de consommation, composé d'une multitude de points
de contact, se substitue à la notion de site. Dans
trois ans, on va revenir à du local, mais avec un parcours numérique
type." Bref, le même schéma de montage pour tout le monde, mais avec une caisse à outils dans laquelle chacun pioche.
>>> A lire également : 1. Les marques internationales pensent "global"
|