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Dégroupage
total : les FAI se crispent |
Tarifs trop élevés, problèmes techniques, délais d'activation : les FAI exigent une meilleure mise en oeuvre du dégroupage total, qui ne représente aujourd'hui que 0,5 % des lignes téléphoniques.
(14/03/2005) |
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Depuis le 3 mars dernier, l'abonnement à France Télécom
est passé de 13 euros par mois à 13,99 euros. Une première
étape valable jusqu'au 1er juillet 2006, date à laquelle
l'abonné paiera 15 euros. Puis 16 euros en juillet 2007. Une
mesure qui touche la quasi-totalité des internautes français,
même ceux qui ne sont pas clients de Wanadoo, le FAI de
l'opérateur historique. Seuls ceux qui ont opté
pour le dégroupage total de leur ligne téléphonique
sont désormais exonérés du paiement de
l'abonnement France Télécom. Si elle présente
de nombreux avantages, à la fois pour les clients et
pour les opérateurs alternatifs, cette offre est encore
peu développée. Tarifs trop élevés,
délais de mise en oeuvre, problèmes techniques...
Retour sur les principaux freins à l'essor du dégroupage
total.
Selon les derniers chiffres publiés par l'Autorité
de Régulation des télécommunications (ART),
la France comptait près de 95.200 lignes en dégroupage
total au 1er janvier 2005. "Le nombre de lignes en dégroupage
total continue d'augmenter, souligne le régulateur dans
son rapport. Le bilan sur l'ensemble de l'année 2004 paraît
néanmoins décevant." Le dégroupage total ne concerne effectivement
que 0,5 % des lignes téléphoniques et moins de 2 %
des accès Internet haut débit. Initiée depuis un an,
la prise en charge totale du réseau télécoms par des opérateurs
alternatifs, du répartiteur au domicile de l'abonné,
n'a de fait toujours pas pris son envol, contrairement au dégroupage
partiel (1,5 million de lignes au 1er janvier 2005).
Seuls trois
opérateurs alternatifs sont aujourd'hui acteurs du dégroupage
total pour les particuliers : Telecom Italia, depuis la
fin 2003, Free et Neuf Telecom depuis juin 2004. Cegetel le
promet pour le second semestre 2005, tandis que Tiscali commence
à peine à déployer son propre réseau
de DSLAM. Sur cette niche, Telecom Italia revendique aujourd'hui
30.000 lignes totalement dégroupées, Neuf Telecom
50.000. Free compte pour sa part quelque 566.000 clients dégroupés,
la part des abonnés dégroupés totalement
étant encore relativement "faible", indique
Mickael Boukobza, PDG de Free. "C'est un retard
à l'allumage. Aujourd'hui la balle est dans le camp de
l'ART."
S'ils soulignent unanimement les efforts du régulateur,
entre 2000 et 2002, pour faire baisser les coûts techniques
et administratifs du dégroupage de 14,5 à 10,5 euros,
les trois FAI dégroupeurs jugent ce tarif encore trop
élevé. Sept euros, c'est le prix demandé
par Free, Neuf Telecom et Telecom Italia. "L'espace économique
entre le prix de l'abonnement France Télécom et
le coût du dégroupage n'est pas satisfaisant pour
commercialiser à grande échelle cette solution", estime
Christophe Roy, directeur des affaires réglementaires
de Telecom Italia. "Le cadre tarifaire actuel n'est
pas suffisamment incitateur pour que nous investissions de manière
massive dans le dégroupage total", renchérit
Michel Paulin, directeur général de Neuf Telecom.
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Kézaco
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DSLAM (Digital
Subscriber Line Access Multiplexer) :
contient les modems DSL opérateurs situés en vis-à-vis
de l'ensemble des modems DSL des utilisateurs qui lui
sont reliés. Il est situé à la frontière entre la boucle
locale et le réseau de l'opérateur proprement dit. |
Boucle locale :
circuit qui relie le point de terminaison du réseau du
domicile de l'abonné au répartiteur principal. |
Dégroupage partiel :
accès partiellement dégroupé à la boucle locale qui consiste
en la prise en charge par l'opérateur alternatif
de la bande de fréquence "haute" de la paire de cuivre,
sur laquelle il peut alors construire, par exemple, un
service ADSL. La bande de fréquence basse (celle utilisée
traditionnellement pour le téléphone) reste gérée par
France Telecom, qui continue de fournir le service téléphonique
à son abonné, sans aucun changement induit par le dégroupage
sur ce service. |
Dégroupage total :
accès totalement dégroupé à la boucle locale qui consiste
en la mise à disposition de l'intégralité des bandes de
fréquence de la paire de cuivre. L'utilisateur final n'est
alors plus relié au réseau de France Télécom
mais à celui de l'opérateur nouvel entrant. |
Un avis que ne partage pas le régulateur. "Le tarif
de sept euros est proche, voire inférieur, aux coûts comptables
historiques de France Télécom. Il est donc trop bas", indiquait
dans une interview aux Echos Paul Champseur, président
de l'ART, lors de la polémique autour de la hausse
de l'abonnement de France Télécom en février
dernier. Paul Champseur rappelle par ailleurs qu'une baisse
de un euro sur le prix des lignes achetées par les concurrents
à l'opérateur historique doit entrer en vigueur en juin.
"Et d'ici mi-2007, cet écart atteindra quatre euros, ce
qui permettra de réunir les conditions économiques d'une concurrence
pérenne", poursuit Paul Champseur.
Des
conditions tarifaires et opérationnelles insatisfaisantes |
"Ce n'est pas dans trois ans que les choses doivent évoluer,
réplique Michel Paulin. Nous demandons à ce que
l'augmentation de l'abonnement de France Télécom
soit assujettie à des engagements de l'opérateur
historique pour l'amélioration des conditions tarifaires
et opérationnelles." Soutenus par Cegetel et Tiscali, Telecom
Italia et Neuf Telecom se battent auprès de l'ART pour
que les conventions de dégroupage de France Télécom
contiennent des garanties sur le processus opérationnel :
pénalités incitatives en cas de dépassement de délais,
indicateurs de qualité de service et possibilité de recours
en cas de non respect de ces indicateurs. "Ces deux conditions
sont à la base de l'industrialisation du dégroupage
total en France", martèle Christophe Roy.
Côté consommateurs, ces incertitudes techniques
restent un frein à la décision de couper définitivement
le cordon avec l'opérateur historique. Car quitter France
Télécom pose de nombreux problèmes pratiques,
notamment sur la synchronisation entre le dégroupage
effectif de la ligne et la portabilité du numéro.
Ce qui entraîne, dans la plupart des cas, des interruptions
plus ou moins longues de la ligne téléphonique
(de une à quatre, voire cinq semaines) . Le consommateur
peut ainsi se trouver privé de téléphone fixe et d'accès Internet
pendant toute la période de mise en place du dégroupage
total. Une réalité qui a contraint les FAI à
mettre sur leur site Internet des FAQ
très détaillées sur le dégroupage total. Free a même créé
une hotline spéciale pour ses abonnés en dégroupage.
Et pourtant, l'engouement des internautes pour le dégroupage
total est bien réel. Selon un sondage réalisé
par le Journal du Net en juin dernier, ils sont presque
62 % à se déclarer prêts à abandonner l'opérateur
historique (lire le sondage
du 01/06/04). "Nous constatons de plus en plus une
forte volonté de nos abonnés de s'affranchir de France
Télécom", confirme Mickael Boukobza. Même son de
cloche chez Neuf Télécom.
Car au-delà de l'économie des frais d'abonnement
à France Télécom, les avantages liés
au dégroupage total sont substantiels. La gestion de
A à Z de la ligne téléphonique permet aux
opérateurs non seulement de maîtriser totalement
le coût de leurs offres, mais également de proposer
toute une gamme de services innovants tels que la téléphonie
sur Internet (VoIP),
la TV sur ADSL ou des options de messagerie unifiée.
Autant de services à valeur ajoutée pour l'utilisateur,
certes, mais aussi pour l'opérateur. D'où la volonté
réaffirmée de Free, Neuf Telecom et Telecom Italia
de placer le dégroupage total au coeur de leur stratégie
de développement. |
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