Les petits comptes font les grands amis : avec près de 12 millions d'abonnés à un FAI, le marché français de l'accès Internet a atteint en 2004 les 2,07 milliards d'euros. Une résultat qui a de quoi réjouir les fournisseurs d'accès : en l'espace d'un an, les revenus issus du seul marché de l'accès Internet se sont dilatés de 55,7 %. Une progression qui peut paraître somme toute normale sur un marché qualifié de croissance, le nombre d'internautes français étant en hausse constante avec 25,2 millions d'individus selon le dernier pointage Médiamétrie.
L'explication est un peu courte. Pendant que les revenus du marché de l'accès Internet ont bondi de 55,7 %, le nombre d'abonnés à un FAI n'a progressé "que" de 13,4 %. Les chiffres collectés l'an passé par l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ex ART) sont sur ce point sans appel : la croissance du marché de l'accès ne se fait plus en France sur la conquête de nouveaux internautes mais sur la réorientation massive des clients vers des offres à plus forte valeur ajoutée. Autrement dit, à l'instar des opérateurs mobiles, le dynamisme du secteur repose désormais sur le renforcement de l'Arpu (Average revenue per user).
Téléphonie mobile, fixe et Internet : comparaison du budget mensuel moyen par abonné ou par ligne au quatrième trimestre 2004
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Revenus
(en millions d'euros)
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Nombre d'abonnés ou de lignes (en millions)
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Budget moyen mensuel
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Téléphonie mobile |
3.780
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44,544
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28,29 €/mois
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Téléphonie fixe |
3.155
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33,870
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31,05 €/mois
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Internet (bas et haut débit)* |
630
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11,937
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17,59 €/mois
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* : coûts indirects compris (achat pack, location modem...) |
Données : Arcep
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Ce renforcement de l'Arpu est directement perceptible sur l'évolution du budget moyen d'un abonné à un accès Internet. Selon les calculs réalisés par Le Journal du Net, ce budget moyen a atteint 17,59 euros par mois fin 2004, abonnés bas débit et haut débit confondus. En l'espace de quinze mois, ce budget théorique a connu un bond de 70,9 % : à la rentrée 2003, le prix moyen de l'abonnement était de 10,29 euros par mois. En repassant fin 2004 la barre des 15 euros par mois, le prix moyen de l'abonnement est victime d'un syndrome de "retour vers le futur" et se situe dans une gamme de prix comparable aux tarifs d'accès Internet proposés avant l'an 2000. Quand Internet était encore positionné comme une offre élitiste.
Cette explosion du prix moyen de l'abonnement au cours de l'année 2004 prend racine dans deux grands phénomènes commerciaux, largement soutenus par les FAI. Premier phénomène : le transfert du marché en faveur du haut débit. Entre la rentrée 2003 et la fin 2004, la part de marché du haut débit, en nombre d'abonnés, est passée de 27,9 % à 54,7 %. Ce "fois deux" en termes de pénétration sur le haut débit a tiré mécaniquement l'Arpu vers le haut. Le prix moyen de l'abonnement haut débit (22,10 euros par mois), est près de trois fois plus élevé que celui de l'abonnement bas débit (7,89 euros). En clair, à chaque fois qu'un abonné quitte son modem RTC pour un modem ADSL, sa facture progresse en moyenne de 180 %.
Evolution du budget mensuel par abonné depuis 2001 et de la part de marché du haut débit (données Arcep)
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Prix mensuel
moyen en euros
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Part de marché
du haut débit
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Deuxième phénomène en faveur de l'explosion du prix moyen de l'abonnement : la montée en gamme des offres haut débit. La hausse des débits proposés et l'adjonction d'offres commerciales intégrées, avec notamment la TV ADSL et la VoIP, ont un impact évident sur la politique tarifaire des FAI. La chute des prix des abonnements, déclenchée par le dégroupage, s'est aujourd'hui enrayée. Entre 2001 et 2003, le prix moyen d'un abonnement haut débit a reculé de 38,7 % en France, en passant de 33,33 à 20,43 euros par mois.
La phase du one stop shopping |
Depuis 2003, cette contraction tarifaire n'est plus à l'ordre de jour. Ce serait même plutôt le contraire : entre la rentrée 2003 et la fin 2004, le prix moyen d'un abonnement haut débit a progressé de 8,2 % pour atteindre 22,10 euros par mois. Cet infléchissement laisse présager que les FAI sont bel et bien entrés dans une nouvelle ère commerciale. Après la chute des tarifs (favorable à une politique de conquête), puis la stratégie du "toujours plus pour le même prix" (favorable à la fidélisation), s'ouvre désormais la phase du one stop shopping (favorable cette fois à la rentabilité de l'activité).
Evolution depuis 2001 du budget moyen de l'accès Internet
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. |
3ème trim
2001
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1er trim
2002
|
3ème trim
2002
|
1er trim
2003
|
3ème trim
2003
|
1er trim
2004
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4ème trim
2004
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BAS DEBIT ET HAUT DEBIT CONFONDUS
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Total des revenus issus des accès Internet
(en millions d'euros)
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271
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255
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269
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301
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309
|
437
|
630
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Nb abonnés (en millions) |
6,318
|
7,725
|
8,465
|
9,573
|
10,010
|
10,920
|
11,937
|
Coût moyen d'un abonnement Internet (en euros/mois) |
14,30
|
11,00
|
10,59
|
10,48
|
10,29
|
13,33
|
17,59
|
Part de marché du haut débit (en nb d'abonnés) |
6,65 %
|
9,51 %
|
12,29 %
|
21,77 %
|
27,89 %
|
40,29 %
|
54,71 %
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HAUT DEBIT UNIQUEMENT
|
Revenus issus des offres haut débit (en millions d'euros)
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42
|
60
|
90
|
140
|
171
|
291
|
433
|
Nb abonnés (en millions) |
0,420
|
0,735
|
1,040
|
2,084
|
2,790
|
4,401
|
6,530
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Coût moyen d'un abonnement haut débit (en euros/mois) |
33,33
|
27,23
|
28,85
|
22,39
|
20,43
|
22,04
|
22,10
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BAS DEBIT UNIQUEMENT
|
Revenus issus des offres bas débit (en millions d'euros)
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196
|
195
|
179
|
161
|
138
|
126
|
128
|
Nb abonnés (en millions) |
5,898
|
6,991
|
7,425
|
7,490
|
7,215
|
6,660
|
5,407
|
Coût moyen d'un abonnement bas débit (en euros/mois) |
11,08
|
9,30
|
8,04
|
7,17
|
6,38
|
6,31
|
7,89
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Données : Arcep
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Au bout du compte, le nouveau budget télécoms moyen d'un abonné français apparaît loin d'être négligeable : 28,29 euros par mois
pour le mobile, 31,05 euros pour
le téléphone fixe et 17,59 euros pour l'accès Internet. Soit un total de 76,93 euros par mois, auxquels il faut ajouter les frais connexes liés au développement des TIC (achat d'ordinateur, abonnement satellite ou câble, matériel high-tech...). Les internautes français pourront toutefois se consoler en comparant leur situation à celle de leurs homogues européens. Selon une étude réalisée fin 2004 par le ministère finlandais des Télécommunications (lire l'article JDN du 04/01/05), la France est l'un des pays européens les moins chers sur l'accès Internet.
Reste qu'au final, la "fracture numérique" s'est transformée en "facture numérique". L'Insee, dans une de ses notes d'analyse, a parfaitement détecter le phénomène : ces quarante dernières années, la part du budget des ménages consacrée aux "communications" est celle qui a connu la plus forte progression : +9,4 %. A titre de comparaison, la part du budget des ménages dédiée à l'essence n'a progressé depuis les années 60 que de 3,8 % et ce, malgré la hausse constante du baril de pétrole. Désormais, entre les télécoms et les loisirs high-tech, près de 3 % de la consommation des ménages français se font dans le champ numérique, autant que la part du budget des ménages consacrée à la santé.
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