Affranchie
des contraintes des débuts du Web - le poids des images notamment -,
grâce à la généralisation du haut débit, l'e-pub vit aujourd'hui à l'heure de
l'image et du son. Dans certains cas simple déclinaison online des spots TV, l'e-pub
vidéo ose aussi l'originalité, l'exclusivité. Car les annonceurs l'ont compris,
Internet n'est plus uniquement complémentaire de la télévision, c'est un média
à part entière qui permet de toucher sa cible de manière très fine et d'adopter
un ton moins institutionnel que dans les médias traditionnels. D'où un phénomène
actuel de multiplication des campagnes publicitaires humoristiques et décalées
qui associent teasing, films inédits, mini-site dédié et marketing viral.
Décryptage de cette tendance au travers de quatre campagnes récemment diffusées
sur le Net : "Hôtel et conséquences" de l'hôtellerie Accor, "King
Coach" du groupe 3M (Post-it), "John Kevin" d'ID TGV et "Arnaud
c'est qui" du Fond national de promotion et de communication de l'Artisanat
(FNPCA).
Avec un
taux de croissance du marché de l'e-pub de 78 % en 2004, Internet est un
média de plus en plus investi par les annonceurs. Face à la profusion des bannières
et autres formats publicitaires en ligne, et à la maturité croissante de l'internaute
qui réfléchit désormais à deux fois avant de cliquer sur une publicité, créativité
et inventivité sont devenues les principales armes de visibilité des marques sur
le Web. Pour réussir à attirer l'attention des internautes, les annonceurs se
lancent donc dans une course à l'originalité. Dans ces conditions, l'humour est
un atout de premier choix. "Nous avons créé des films volontairement décalés, sur le fond et la forme,
pour émerger par rapport à un média de plus en plus utilisé", confirme Dominique
Esnault, DG Internet du groupe Accor, qui a lancé le 26 mai dernier sur le
Net une campagne au parti pris créatif humoristique, mettant en scène les péripéties
malheureuses de couples dans leur chambre d'hôtel. Cette campagne s'appuie sur
deux films inédits, développés et diffusés exclusivement sur le Web. Car les codes
ne sont pas les mêmes sur le off et le online. Moins rigide que les médias dits
traditionnels de par sa culture, Internet offre, exige même, une plus grande liberté
de ton. Une nouvelle forme de communication du message publicitaire
encouragée, en outre, par le faible coût du média. "Sur Internet, le ticket d'entrée
est incomparablement moins élevé que sur les médias traditionnels, notamment la
presse papier, la radio ou la télévision. Nous pouvons donc nous permettre de
prendre des risques, d'oser adopter un ton plus percutant", explique Arnaud
Lecherf, responsable de la communication d'IDTGV, le concept de train low
cost lancé par la SNCF en novembre 2004. Pour
sa première campagne promotionnelle, la marque a ainsi créé le personnage de John
Kevin, un "coach de fabrication française aux méthodes américaines" dont les aventures
font l'objet de neuf films d'environ une minute trente diffusés sur le Web depuis
le 13 avril dernier. "John Kevin est un coach totalement mytho mais gentil. Le
personnage est volontairement exubérant, décalé, car dans le cadre actuel de surenchère
du marché de l'e-pub, il faut être très différent des autres pour sortir du lot",
affirme à son tour le responsable de la communication d'IDTGV.
Un
dispositif marketing complet | Humour,
certes, mais avec le plus grand sérieux. Toutes ces campagnes reposent en effet
sur un dispositif complet de marketing interactif mixant tous les ingrédients
online susceptibles d'accroître la notoriété de la campagne. Point de départ du
mécanisme : les amorces ou extraits des films, d'une durée variable entre
5 et 30 secondes, diffusées sous forme de pavé vidéo sur des bannières interactives.
A l'instar des bandes-annonces, ces extraits doivent intriguer suffisamment l'internaute
pour que celui-ci soit amené à cliquer sur la publicité et se rendre sur le mini-site
dédié à la campagne. Dans cette optique de teasing, la marque s'efface.
"Nous
ne voulions pas que la mention de la marque soit un frein au trafic", explique
Hugo Charousset, directeur de la communication Europe pour la division grand
public et bureau de 3M. Effectivement, difficile de retrouver l'identité du
groupe américain derrière cette saga en trois leçons de King Coach. En revanche,
la marque Post-it, ainsi que sa gamme de produits, sont mises en évidence sur
le site dédié à cette opération, Communiquer-postit.com.
Optimiser
la rentabilité de l'achat média |
C'est également le cas pour le groupe Accor, dont les marques d'hôtels
sont fortement présentes sur le site événementiel Hotel-et-consequences.com,
même si le dispositif choisi laisse place au suspens : anonyme dans sa première
partie, le temps de la visualisation des films humoristiques, le lien vers le
site de réservation Accorhotels.com se dévoile progressivement. Beaucoup plus
directe, la campagne John Kevin renvoie sur le site IDTGV.com. "Le but
pour toute campagne publicitaire est d'optimiser la rentabilité de l'achat média",
souligne Arnaud Lecherf. Pourtant, s'il est un média qui laisse une grande liberté
aux annonceurs de jouer aux devinettes avec le public, c'est bien le Net et sa
capacité à créer du buzz. Un filon exploité avec brio par l'Artisanat dont
la dernière campagne de communication, tissée autour du personnage d'Arnaud, a
gardé l'anonymat de l'annonceur pendant dix jours. "Cette campagne non signée
est une première pour nous, indique Stéphane Muracciole, responsable de la
communication du Fond national de promotion et de communication de l'Artisanat
(FNPCA). Mais nous avons atteint notre objectif : créer du trafic et du buzz sur
le Net."
Le
viral favorise la notoriété de la marque |
Car au-delà de la recherche d'originalité, l'utilisation d'un ton décalé
et humoristique dans des films inédits sur le Web n'a qu'un but : renforcer
la visibilité du site événementiel, donc la notoriété de la marque, via la technique
du marketing viral. Tous les sites événementiels, sans exception, proposent en
effet l'option "envoyer à un ami" au dessous des films de la campagne, l'objectif,
dans le cas des campagnes décalées, étant moins de recruter des adresses e-mails
que de multiplier les points de contacts avec la marque. "Le choix d'une communication
virale favorise la démultiplication d'un message sur le Net, confirme Dominique
Esnault. Celui-ci s'inscrit dans le cadre d'une campagne de notoriété et d'image."
Reste encore à maîtriser l'image ainsi véhiculée sur la toile. Des études
qualitatives menées dans un second temps par les annonceurs dépend généralement
la survie du site dédié à la campagne. Là encore, l'Artisanat se distingue en
exploitant jusqu'à son terme le dispositif déployé : depuis la révélation
de l'identité d'Arnaud, le site arnaudcestqui.com a disparu au profit de
leblogdarnaud.com, un blog sur le thème des métiers de l'artisanat, ouvert
à tous les apprentis et artisans. Depuis son ouverture le 19 mai dernier, le site
a enregistré plus de 150.000 visites. "Nous avons pulvérisé nos records d'audience
et réussi à moderniser l'image de l'Artisanat", se félicite Stéphane Muracciole.
Ces campagnes online humoristiques et décalées sont
d'ailleurs globalement source de satisfaction pour les annonceurs. Sur les cinq
premiers jours qui ont suivi sa mise en ligne, le site Hotel-et-consequences.com
a enregistré près de 180.000 visites. De son côté, John Kevin affiche un taux
de clic moyen sur les bannières vidéo de 1,4 % tandis que IDTGV.com a recueilli
plus de 100.000 visites en un mois de campagne. 3M estime pour sa part être entré
en contact avec près de six millions de personnes via la saga King Coach en ligne.
Communiquer-postit.com comptabilise plus de 100.000 visites depuis le 1er mai
et a enregistré quelque 25.000 demandes d'envoi d'échantillons gratuits. Une deuxième
vague King Coach est d'ailleurs prévue pour septembre. "La tendance de l'e-pub
aujourd'hui est aux films vidéo décalés car ces formats sont ceux qui génèrent
les plus forts taux de clic, qui dopent le trafic des sites, et ce à un coût raisonnable.
Ces formats sont sans conteste rentables pour les marques", conclut Arnaud Lecherf.
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