BT Group a finalement cédé à la pression concurrentielle après
une année de conflit avec l'Office of Communications (Ofcom),
l'autorité de régulation des télécommunications outre-Manche.
Afin d'échapper à la menace d'un démantèlement, l'opérateur
historique britannique a accepté de prendre des mesures exigées
par le régulateur pour faciliter l'accès de ses concurrents
à son réseau et de baisser le prix du dégroupage, autrement
dit le coût de location de la boucle locale permettant aux FAI
alternatifs de toucher directement le consommateur.
En avril 2004, l'Ofcom avait initié une enquête approfondie
auprès des principaux acteurs du secteur de l'Internet, via
une série de cinq questions clé parmi lesquelles celle de l'intérêt
éventuel d'une scission entre les activités de vente au détail
et celles de revente de gros sur le marché de l'ADSL de BT.
Ses rivaux se plaignent, en effet, depuis longtemps du fait que
BT Retail, la division grand public de l'opérateur historique,
reçoive un traitement de faveur de la part de la division propriétaire
du réseau. En février dernier, l'Ofcom avait donc menacé BT
de renvoyer le dossier devant la Commission de la concurrence,
qui aurait été amenée à statuer sur une demande de démantèlement.
Après avoir éludé les demandes d'action concrète
du régulateur pendant plusieurs mois, BT a annoncé officiellement,
jeudi 23 juin, la création d'une nouvelle division dont le mission
est de garantir un accès transparent et égalitaire à la boucle
locale de son réseau, également appelé pair de cuivre, dont
dépendent les FAI alternatifs pour avoir la maîtrise de leurs
offres de services haut débit. Baptisée Access Services, cette
entité disposera de ses propres locaux et siège social, ainsi
d'une marque distincte. Elle sera présidée par Carl Simon, déjà
administrateur indépendant du groupe, et ses résultats seront
placés sous la surveillance d'un "comité de l'égalité d'accès"
composé lui aussi de membres indépendants. Si BT ne respecte
pas ses engagements, ses administrateurs seront responsables
sur le plan pénal et pourront être condamnés par la justice.
Autre concession, mais non des moindres, accordée par BT :
la baisse du prix de revente de l'abonnement de 105 à 80 livres
sterling (120,60 euros) ainsi que celui de la location mensuelle
d'une ligne dégroupée de 8,75 à 6,70 livres (de 13,20
à 10,10 euros). Une mesure qui pourrait bien bouleverser le
marché de l'ADSL britannique grand public.
Le
prix du dégroupage au Royaume-Uni est 20 %
supérieur à la France |
Selon un benchmarking récent réalisé par l'Idate, le centre
d'études et d'analyse des industries des technologies de l'information
et de la communication, le coût technique du dégroupage par
ligne et par mois au Royaume-Uni est de 15 à 20 % supérieur
à celui pratiqué en France. En conséquence, le dégroupage tarde
à décoller outre-Manche. Alors que la France totalise 152.000
lignes dégroupées totalement et plus de 1,8 millions de lignes
dégroupées partiellement au 4 avril 2005 (source : Tableau
de bord du dégroupage, Arcep), le Royaume-Uni ne compte
pour sa part que 10.900 lignes en dégroupage total et à peine
6.000 de plus en dégroupage partiel (source : European
Competitive Telecommunications Association, décembre 2004).
Aujourd'hui, plus de 95 % des accès ADSL fournis par des
opérateurs alternatifs outre-Manche sont établis à partir des
offres de revente de gros en option 3 ou 5 de BT (lire l'article du JDN
ADSL :
options 5, 3, 1, kézaco ?).
"Comme tous les opérateurs historiques, BT a longtemps favorisé
la baisse des prix de ses offres de référence sur le marché
de la revente de gros plutôt que d'encourager le développement
du dégroupage, explique Loïc Le Floch, en charge du marché du
haut débit à l'Idate. De cette façon, les FAI alternatifs sont
contraints de s'aligner sur les prix et les tarifs de BT pour
leurs offres d'accès Internet. C'est un frein évident au dynamisme
du secteur."
Wanadoo
UK bientôt dégroupeur ? |
Or le marché de l'ADSL britannique connaît un très fort développement
depuis maintenant deux ans. Auparavant minoritaire face au câble,
l'accès au haut débit via la ligne téléphonique est aujourd'hui
deux fois plus important. Le Royaume-Uni compte un peu plus de cinq
millions de lignes ADSL à mars 2005, contre 2,7 millions en
juin 2004. Le nombre d'abonnés reliés à un DSLAM atteint donc
une taille suffisamment importante pour que les FAI alternatifs
envisagent d'investir dans le dégroupage total. D'autant que
BT s'est également vu imposer, en début d'année par l'Ofcom, un
prix des offres de gros, lui interdisant par là même de
baisser ses tarifs, et ce jusqu'à ce que le nombre de lignes
dégroupées atteigne 1,5 million.
A l'heure actuelle, seuls deux opérateurs ont commencé à investir
dans la construction de leur propre réseau pour le dégroupage
total : Cable & Wireless via sa division Internet Bulldog
et Easynet. Tous deux commercialisent déjà des offres en dégroupage
total, mais uniquement à destination des professionnels. Les
nouvelles conditions tarifaires du dégroupage pourraient bien
relancer le phénomène, notamment sur le secteur grand public.
Tous les regards se tournent désormais vers Wanadoo, deuxième
FAI outre-Manche avec près de 720.000 abonnés ADSL, et Tiscali,
quatrième après AOL avec environ 500.000 clients haut débit.
D'autant que la semaine dernière, une rumeur courait dans la presse britannique que France Télécom, la maison-mère de Wanadoo,
envisageait de racheter Cable & Wireless. Une hypothèse immédiatement
démentie par l'opérateur historique français. Mais quels que soient
les projets de Wanadoo ou Tiscali, tous deux ont déjà une solide
expérience du dégroupage, en France notamment. |