Dans un rapport au Sénat intitulé "Haut Débit et Territoires :
enjeu de couverture, enjeu de concurrence", Claude Belot, sénateur
de Charente-Maritime et vice-président de la Délégation du Sénat
à l'aménagement et au développement durable du territoire, rappelle
que la situation du haut débit en France est honorable mais
pas exceptionnelle, 50 % de la population française
ne bénéficiant toujours pas des effets positifs
de la concurrence en termes de prix et de services.
JDN. Pourquoi la concurrence ne
se développe-t-elle pas partout ?
L'initiative
"Départements Innovants" de France Télécom a permis de raccorder
à l'Internet 90 % de la population française. Mais elle
a ses limites. Elle laisse notamment sur le bord de la route
de nombreuses zones d'habitations peu peuplées, car France Télécom
choisit naturellement de raccorder en priorité les zones où
le trafic est le plus important. Autre limite : elle crée
des zones dites grises, dans lesquelles l'opérateur historique
est le seul à posséder un réseau. En décembre 2004, 41 %
de la population française se trouvait dans une zone grise, voire
dans une zone blanche, dans laquelle aucun accès au haut débit
n'est possible. Si les habitants des zones grises sont dans
une situation plus favorable que ceux des zones blanches, puisqu'ils
peuvent avoir accès, s'ils le souhaitent, au haut débit, ils
restent toutefois privés des effets bénéfiques en termes de
prix, de débits et de services de la concurrence. Ainsi, seuls
les habitants des zones où plusieurs réseaux de télécommunication
sont en concurrence ont accès à des offres innovantes de type
triple play, à des tarifs compétitifs (les prix moyens sont environ
30 % moins élevés que dans les zones où France Télécom est en
monopole). La réduction de cette nouvelle ligne de fracture
constitue le principal enjeu du développement du haut débit
pour l'avenir.
Quelles
solutions préconisez-vous pour réduire la fracture
numérique ?
J'encourage les collectivités territoriales à investir dans
la construction des maillons manquants des réseaux de collecte
à haut débit mutualisés et ouverts au niveau local, afin de
permettre aux opérateurs alternatifs de venir dégrouper et donc
de faire émerger la concurrence. En outre, l'un des premiers
effets de ces projets de construction de réseau est souvent
l'accélération par France Télécom du
raccordement en fibre optique de certaines zones d'activités.
Ce ne sont pas des budgets énormes, notamment
dans le cadre d'une délégation de service publique où les montants
investis se chiffrent en dizaines de millions d'euros, soit le
budget annuel routier de certains départements. Néanmoins, les
collectivités territoriales particulièrement isolées ou enclavées
ne sont généralement pas parmi les plus riches. C'est pourquoi
je plaide en faveur d'une intégration du haut débit dans le
service universel. Cela permettrait, grâce à la solidarité nationale,
de doter ces collectivités territoriales les moins
favorisées des capacités financières dont elles ont besoin pour
raccorder leur population au haut débit. Elle pourrait également
aller de pair, dans l'hypothèse où l'opérateur puissant aurait
la charge du service universel du haut débit, avec une obligation
de partage des réseaux de collecte en fibre optique. Cette dernière
décision relève de l'Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes (Arcep).
Quelles recommandations adressez-vous
à l'Arcep ?
L'un des principaux problèmes rencontrés par les opérateurs
alternatifs dans le déploiement de leurs réseaux est l'impossibilité
de louer de la fibre non activée à France Télécom qui, sur le
segment de la collecte, ne commercialise que de la bande passante,
sauf de manière exceptionnelle et à des conditions jugées prohibitives.
Ce problème en est aussi un pour les collectivités territoriales
construisant des réseaux. Sur certains segments où France Télécom
est présent, elles pourraient avoir intérêt à louer de la fibre
plutôt que financer des duplications coûteuses. Je suis donc
favorable à ce que l'on impose à l'ensemble des opérateurs de
proposer sur le marché du gros une offre de location d'infrastructure
de collecte ou, au moins, s'agissant de France Télécom, de proposer
dans le cadre du dégroupage une offre connexe de raccordement
à ses répartiteurs. Par ailleurs, il est nécessaire que le régulateur
fasse baisser les tarifs des prestations fixes liées au dégroupage,
à savoir la prestation d'hébergement des DSLAM et autres petits
coûts (climatisation, accès au site, etc.), soit un total d'environ
10.000 euros par répartiteur. Enfin, il paraît légitime et souhaitable
de permettre le dégroupage au niveau des sous-répartiteurs.
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