Tel
un symbole de gloire, le sigle du Nasdaq est accroché depuis
quatre jours au logo de Baidu.com. Le
premier moteur de recherche chinois a fait une entrée spectaculaire sur le marché américain des valeurs technologiques,
vendredi 5 août 2005,
quadruplant la valeur de son action dans la journée. Introduit
à 27 dollars, le titre "BIDU" a atteint un maximum de 151,21
dollars dans le cours de la journée pour terminer à 122,54 dollars,
soit un gain de 354 %. Du jamais vu à New York depuis l'âge
d'or des dotcoms en 2000. Des chiffres qui, une fois l'euphorie
du premier jour de cotation passée, laissent toutefois un arrière
goût de spéculation. Car en dépit des nombreux atouts qui valorisent
son jeu, Baidu.com est encore petit face à ses concurrents.
Fondée en 2000 par Robert Li et Eric Du, deux chinois diplômés
d'universités américaines, Baidu.com n'est devenu rentable qu'en
2004, avec un bénéfice net de 1,45 million de dollars pour
un chiffre d'affaires de 13,4 millions. Son IPO lui a permis
de lever 109 millions de dollars, ce qui valorise l'entreprise à 4 milliards
de dollars. En comparaison, la capitalisation boursière de Google
dépasse aujourd'hui les 80 milliards de dollars, tandis que
Yahoo est valorisé plus de 50 milliards de dollars.
Toutefois, Baidu.com peut afficher un taux de croissance
annuel de ses revenus de l'ordre de 200 % depuis 2002,
un chiffre que ni Google, ni Yahoo n'atteignent plus aujourd'hui.
Car, plus que le regain d'intérêt des marchés pour les valeurs
Internet, le succès de Baidu sur le Nasdaq traduit l'enthousiasme
des investisseurs pour le marché de l'Internet chinois. La Chine
dispose du deuxième réseau Internet au monde, derrière les Etats-Unis,
avec plus de 110 millions d'internautes en 2005. Et le potentiel
de croissance du marché est sans commune mesure, sachant que
plus de la moitié des 360 millions de Chinois en possession
d'un téléphone mobile s'en servent pour accéder au Net. Selon
le cabinet d'études chinois iResearch, les revenus publicitaires
issus de la recherche sur Internet devraient quadrupler d'ici
2007, totalisant près de 690 millions de dollars.
Or, Baidu.com concentre près de 50 % des recherches sur
Internet en Chine, soit deux fois plus que Google, classé deuxième.
Ironiquement, le premier moteur de recherche mondial n'est
pas étranger à la flambée du cours de Baidu lors de son entrée
en Bourse. En juin 2004, Google a en effet pris une participation
de 2,6 % dans la société chinoise. Nombre d'analystes
ont ainsi parié sur le fait que le moteur de recherche américain
augmente sa participation dans son homologue chinois. Mais Google
semble avoir un autre plan. Car la Chine, présentée comme le
futur eldorado de la publicité en ligne, attise les convoitises.
Google a récemment ouvert un centre de recherche et développement
en Chine, pour lequel il a même tenté de débaucher un ancien
vice-président de Microsoft. Capitalisant sur la force de sa
marque et sur son inégalable technologie de recherche, Google
ne devrait pas se contenter longtemps de ses 25 % de parts
de marché actuelles. Yahoo lui aussi avance de nombreux pions
en Chine. En novembre 2003, le groupe Internet américain rachetait
3721 Network Software, une société basée à Hong-Kong spécialisée
dans les logiciels de recherche en langue chinoise. Huis mois
plus tard, Yahoo lançait "Yisou", son propre moteur de recherche
en langue chinoise (lire l'article
du 22/06/04). Enfin, pour Microsoft, l'offensive est proche.
Début 2005, sa filiale Internet MSN a créé une joint-venture
avec un fonds d'investissement de Shanghai.
La position de leader de Baidu.com pourrait donc bien souffrir
d'une concurrence de plus en plus abondante, d'autant que le marché
de la recherche chinois intéresse également un certain nombre
de champions du Web locaux, tels que le portail Sina.com,
l'éditeur de jeux en ligne Shanda, ou encore l'opérateur télécom
Tencent. Baidu peut savourer quelque temps encore l'immense
succès rencontré auprès des investisseurs lors de son IPO. Mais
le plus dur reste sans doute à venir alors que la concurrence s'apprête
à sortir ses griffes. Pour garder les faveurs de Wall Street,
Baidu.com va lui aussi devoir montrer les dents en matière de
technologies, d'innovations et de services. |