Le phénomène est inscrit dans l'essence même du Web. Le viral
est l'équivalent sur la Toile du bouche-à-oreille dans la vie
courante, la dimension exponentielle en plus. Grâce à l'e-mail,
"le réseau est à portée de clics", affirme Romain Achard, directeur
associé de l'agence de buzz marketing Nouveau Jour. Transformer
le consommateur en vecteur de promotion confère un pouvoir de
diffusion au message sans commune mesure, et ce à moindre coût.
Il n'en fallait pas plus pour que les marques s'entichent du
phénomène.
Le premier exemple réussi d'une campagne de marketing
viral est celui d'Hotmail, en 1998. Pour promouvoir sa messagerie
électronique gratuite, Microsoft a offert une période de test
à un certain nombre d'internautes, avec la possibilité d'inviter
des amis à devenir membre, via l'envoi d'un e-mail comprenant
un lien hypertexte. En à peine 18 mois, Hotmail a ainsi convaincu
12 millions d'utilisateurs. L'autre marque, qui figure déjà
sur le "walk of fame" du marketing viral, est Budweiser. Via
des films diffusés sur le Net, la marque de bière est parvenue
à faire connaître au monde entier ses spots télé américains
de la campagne "Whassup".
Mais ces réussites inoubliables cachent de nombreux échecs.
Le marketing viral n'est pas une science exacte, tant la part
jouée par l'internaute est importante. Tout l'art consiste dès lors à créer et mettre en place les conditions
nécessaires à une contamination volontaire à grande échelle.
Voici les cinq ingrédients incontournables pour
que la "mayonnaise prenne".
1
Faire acte de provocation
La force du viral, c'est le message, qui doit donner envie à
l'internaute de le propager à un cercle d'amis. D'un point de
vue créatif, le message doit donc étonner, se différencier des
autres publicités. Le principe même de toute campagne de communication ! Oui mais, "à la base, le viral est un outil de
communication dissident, rappelle Jodouin Mitrani, directeur
général de l'agence de conseil en marketing viral Buzz Lemon.
Le message viral doit être provocateur, être poussé à la limite,
voire au-delà, de la ligne de discours du paysage publicitaire
traditionnel." Sans être nécessairement "anti-politiquement
correct", l'annonceur doit accepter la dérision. Le message
peut jouer sur divers registres, les plus efficaces étant l'humour,
le cynisme, la provocation ou le spectaculaire. Le format est
indifférent, même si l'adoption du haut débit tend à généraliser
les créations rich-média mixant vidéo et son, voire interactivité.
2
Identifier la cible avec précision
Pour qu'une campagne de marketing viral fonctionne, l'annonceur
doit comprendre sa cible, sa mentalité, son univers.
Si le fond et la forme du message correspondent à la cible,
celle-ci transmettra le message
à une cible identique. "Le
viral est très peu transgénérationnel. Un bon viral est un viral
qui ne fonctionne que sur une cible", estime Jodouin Mitrani.
L'efficacité du viral est en effet multipliée au sein de populations
en affinité. Il est donc nécessaire d'identifier le cur de
cible en amont de la campagne, dès la conception du message,
et en aval, dans le choix des mécaniques de diffusion. A noter
que le marketing viral s'adresse plus facilement à des cibles
"jeunes", situées sous la barre des 50 ans.
3
Amorcer la pompe
L'étape du lancement est sans doute la plus délicate de l'opération.
A ce stade, l'annonceur peut choisir d'adopter une stratégie
de teasing afin d'éveiller la curiosité de l'internaute, soit
de manière temporelle (diffusion des premières secondes du film
publicitaire) soit de manière anonyme (identité cachée de l'annonceur).
La durée de cette phase varie de 10 jours à un mois, en fonction
des moyens de diffusion mis en place. Teasing ou non, la problématique
reste la même : qui contaminer en premier pour optimiser le
coefficient de viralité ?
Une première approche consiste
à maximiser l'ampleur des premiers envois. Il s'agit donc d'envoyer
le message à un nombre le plus important possible d'adresses e-mails.
Cette approche est toutefois en contradiction avec la logique de cible
fine. Celle-ci est défendue par une deuxième stratégie qui consiste,
pour déclencher le phénomène viral, à s'appuyer, au choix, sur un réseau de "leaders d'opinion", à utiliser des espaces d'expression
comme les blogs (via la mise en place de "blogs sous-marins"
qui permettent d'infiltrer le message dans des blogs thématiques
selon la cible visée), ou à diffuser le message sur des sites spécialisés
dans le recencement des meilleures vidéos du Net.
4
Transformer l'essai
Il ne suffit plus aujourd'hui de susciter l'attention d'un internaute,
il faut également être en mesure de capitaliser sur cet intérêt
initial pour accroître la visibilité de la marque. La mise en
ligne d'un sité dédié à l'opération est une condition sine qua
non. Les avantages d'un site de campagne sont multiples : complément
d'informations sur le produit, le service ou la marque, possibilité
de faire évoluer le contenu en temps réel en fonction des retombées
de la campagne (alors que le message, une fois transmis, échappe
au contrôle de l'annonceur), recrutement d'adresses e-mail,
amplification du phénomène viral via la mise en place d'outils
de diffusion. Enfin, l'audience du site Web fournit un élément supplémentaire pour mesurer l'impact de la campagne, en complément
des tags sur les vidéos (techniquement plus compliqués
à mettre en place) ou des tests de notoriété par des Instituts
spécialisés (plus onéreux).
5
Couverture médias : la cerise
sur le gâteau
Malgré cela, le succès d'une opération de marketing viral a
toujours une grande part d'incertitude, liée au choix créatif,
aux vecteurs de diffusion et bien sûr à la bonne volonté de
l'internaute. "Le succès du marketing viral repose également
sur des facteurs indirects et non prévisibles comme la chance,
le bon moment, voire la magie", explique Romain Achard. Une
part d'incertitude dont les annonceurs sont peu friands. La
tendance actuelle est d'intégrer l'opération dans un plan média
plus global, éventuellement plurimédia, avant tout basé sur
la publicité en ligne. S'il maximise le potentiel du viral,
l'achat d'espace sur le Web alourdit en contre-partie les budgets
alloués à l'opération, qui peuvent ainsi varier de 20.000 euros
à 500.000 euros. "La cerise sur le gâteau, confie Jodouin Mitrani,
c'est de plaire aux journalistes. La dimension relations presse
est désormais essentielle." |