Après plus d'un an d'âpres négociations, les fournisseurs
d'accès Internet et les professionnels du cinéma* sont finalement
parvenus à un accord sur la constitution d'une offre légale
de vidéo à la demande (VOD) sur Internet. Le "protocole d'accord
interprofessionnel" a été signé mardi 20 décembre, quelques
heures avant l'ouverture du débat parlementaire sur le projet
de loi "Droit d'auteur et droits voisins dans la société
de l'information" (DADVSI). La pression émanant du Ministère de la
Culture et de la Communication, en charge du dossier, n'est
sans doute pas étrangère à l'élaboration d'un compromis. Les
détails de ce protocole avec la présidente de l'Association
des fournisseurs d'accès (AFA), Marie-Christine Levet.
JDN. Jusqu'à récemment, les
points de discorde avec l'industrie du cinéma étaient encore
nombreux. Quelles sont les victoires et les défaites des fournisseurs
d'accès dans les termes de ce protocole ?
Marie-Christine
Levet. Moins qu'une victoire ou une défaite, ce protocole
est un bon compromis, notamment sur la chronologie des médias.
L'industrie du cinéma réclamait que la VOD soit placée neuf
mois après la sortie en salle, fenêtre des chaînes de cinéma
en pay-per-view. Nous réclamions de notre côté un alignement sur les sorties
en location vidéo et DVD, à savoir six mois. Au final, le
protocole crée une fenêtre nouvelle pour la VOD à 33
semaines, soit 8 mois et demi. Par ailleurs, l'accord institutionnalise
tous les modèles de commercialisation de la VOD : à
l'acte, sous forme de pack, ou à l'abonnement. Les chaînes
de télévision payantes ont toutefois obtenu que
la VOD à l'abonnement ne concerne que les uvres de catalogues
(sorties depuis plus de 36 mois). Enfin, l'accord valide toutes
les formes de diffusion, location (fenêtre de téléchargement
en streaming ouverte pour une durée de 24 heures) et vente
dématérialisée. Cet accord est valable pour une période de
12 mois.
Quels
sont les termes financiers de l'accord ? Quel va être
le prix de vente d'un film ?
L'accord garantit une rémunération minimale
des ayants droit par les fournisseurs d'accès sur une base
de 50 % pour les nouveautés et 30 % pour les uvres
de catalogue. Le prix unitaire est laissé à la discrétion
des FAI en fonction de leurs accords avec les ayants droits
mais devrait s'établir à trois ou quatre euros. En outre,
les FAI se sont engagés à contribuer au financement du cinéma
français. Le pourcentage de reversement sera calculé en fonction
des revenus réalisés par l'opérateur de la plate-forme de
VOD : entre 1,5 et 3 millions de chiffre d'affaires,
le taux de reversement sera de 5 % pour à la création d'uvres
européennes, dont 3,5 % pour les uvres en langue française.
Au-delà de 3 millions de revenus, la contribution s'élèvera
à 8 %.
En quoi la signature de
cet accord était-elle un préalable au vote de la loi DADVSI
et quelle est sa portée pour l'industrie de la VOD sur Internet
?
La constitution d'une offre attractive de vidéo
sur Internet était une condition sine qua non pour les fournisseurs
d'accès à leur soutien de l'amendement de riposte gradué de
la loi DADVSI [lire l'article
du 20/12/05, ndlr], selon lequel les FAI s'engagent à lutter
contre le piratage de films. Oui à la répression du téléchargement
illégal, mais pas sans une alternative légale. Par ailleurs,
cet accord interprofessionnel légitime les FAI dans leur métier
de distributeurs de contenu cinématographique et audiovisuel,
au même titre que les câblo-opérateurs ou que les bouquets de
chaînes par satellite. A ce sujet, contrairement à ce qui a
été écrit sur la fusion entre CanalSat et TPS, les opérateurs
ADSL ne sont pas une menace pour l'économie des bouquets de télévisions
payantes, mais des partenaires de diffusion, comme le prouvent
les nombreux partenariats relatifs aux offres de TV ADSL entre
ces acteurs et les FAI.
*Les signataires du protocole : Canal PLus, France Télévisions,
Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA),
Bureau de liaison des Industries cinématographiques (BLIC),
Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques (SACD), société
civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP), France Télécom,
Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) et Association
des fournisseurs d'accès à Internet (AFA).
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