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Patrice Magnard, entrepreneur au long cours
Entrepreneur et business angel, il a vendu Alapage à France Télécom et traversé la bulle... Aujourd'hui, le fondateur de la librairie en ligne, fils de l'éditeur Roger Magnard, entend révolutionner l'édition scolaire. Une manière de rendre hommage à son père.   (21/02/2006)
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 Patrice Magnard
our beaucoup, le nom de Magnard laisse de drôles de souvenirs, amers et nostalgiques à la fois. Ce sont des souvenirs de vacances, lorsque les élèves sérieux - ou les cancres punis - devaient passer une heure à réviser avant de pouvoir aller se baigner ou profiter du soleil. Oui, Roger Magnard est bien l'inventeur des cahiers de vacances, qui allaient accompagner des millions d'enfants… et le succès des éditions Magnard.

Plus de 70 ans après l'invention des cahiers de vacances, Patrice, sixième et dernier enfant de Roger Magnard, continue de perpétrer une tradition familiale. "Etablissements Magnard, de père en fils", s'en amuse-t-il. Sauf qu'aujourd'hui, le Web a remplacé le cahier de vacances. Patrice Magnard a lancé il y a cinq ans, après l'aventure Alapage, son site de soutien scolaire Maxicours.com. "Une manière de continuer l'œuvre de mon père, parti quand j'avais 10 ans", dit-il pudiquement. Mais aussi une vraie conviction : celle que l'époque des manuels scolaires serait bientôt derrière nous. "Dans quelques années, ils n'existeront plus, tout le monde utilisera Internet pour améliorer ses connaissances", prédit-il. Osé de la part d'un fils d'éditeur, propulsé à la direction de l'entreprise familiale dans les années 1980, dans un univers pas vraiment réputé pour son goût du risque et de l'innovation.

En fait, rien d'étonnant à retrouver Patrice Magnard la souris dans une main, la plume dans l'autre. Toute sa vie, il aura baigné dans une atmosphère à la croisée des chemins entre littérature, entreprise et science. Un père représentant en papeterie puis éditeur et entrepreneur, plusieurs polytechniciens du côté de sa mère et un grand-oncle galeriste pour le côté artistique : un cocktail détonnant qui va aiguiser sa curiosité. Et la famille, encore et toujours présente… A la mort de son père, c'est cette famille qui l'entoure, et notamment son frère Louis, de 30 ans son aîné. C'est lui, notamment, qui lui fait découvrir l'informatique. En juin 1979, il l'inscrit à un séminaire organisé par le Cercle de la Librairie, le syndicat des éditeurs et des libraires. Le thème : l'arrivée de l'informatique dans le secteur de l'édition. Premier contact avec un domaine qui ne le quittera plus.

Après des études au lycée Montaigne, un bac S en poche, il part un an au Japon. Il y apprend le japonais, effectue des stages en maison d'édition et continue de se familiariser avec la technologie. Il rencontre notamment Yves Parfait, qui allait ensuite devenir le premier patron de Wanadoo. Venu faire la promotion d'un vidéo-disque pour Thompson, celui-ci échange quelques paroles avec Patrice Magnard. Après la présentation, ce dernier pense à un système qui permettrait de mettre en forme du texte. "Je me suis dit alors que ce serait génial si l'on pouvait taper du texte et voir la manière dont ça s'affiche, en rit-il aujourd'hui. De retour à Paris, j'ai su que ça existait déjà et que ça s'appelait Macintosh…"
120 personnes sous ses ordres à 24 ans
Ses idées n'en sont pas pour autant bridées. Encore étudiant, il travaille dans l'une des librairies de la famille. Tard le soir et le week-end. Une vingtaine d'heures par semaine, environ, ce qui lui permet de se faire un peu d'argent de poche. Puis, à 22 ans, on lui propose tout simplement de reprendre la direction de la librairie d'Odéon. Il accepte, laisse peu à peu tomber les études et se consacre au redressement de la librairie médicale, plutôt mal en point. Il multiplie les pistes pour relancer l'activité du commerce et installe notamment l'un des premiers prototypes de Minitel sur le trottoir de la boutique, pour que les clients puissent consulter le catalogue de la librairie. Le poste ne reste que six mois, victime de son succès. Mais c'est le début de la numérisation…

Les dates clefs
de Patrice Magnard

1963 : naissance à Paris

Juin 1979 : premier contact avec l'informatique
1985 : dirige une librairie familiale
1987 : prend la tête de Dilisco, pôle distribution du groupe Magnard
1993-1995 : dirige le groupe Magnard
1996 : lance le premier service Internet Alapage
1999 : vend d'Alapage à France Télécom
2001 : lance Maxicours.com
Patrice Magnard y croit dur comme fer : il lance donc sa société. D'abord dans le domaine de la librairie médicale, avec le service 36 15 Medilivre, qui mutualise les bases de données existantes. Puis en 1987 avec Dilisco, pôle distribution du groupe Magnard, qu'il développe en parallèle à son intégration à la direction du groupe familial. A 24 ans, il a déjà 120 personnes sous ses ordres. L'ancêtre d'Alapage est né.

L'activité informatique grandit doucement dans ce pôle, et en 1993, il se retrouve à la tête du groupe familial, avec les enfants de son demi-frère, Stéphane et Isabelle. Deux ans, puis c'est la déchirure. Les éditions Magnard ne peuvent plus continuer seules. Il faut vendre. "Le groupe s'était développé, mais l'endettement était trop important", précise aujourd'hui Patrice Magnard, qui en tirera une leçon pour sa vie d'entrepreneur : "il faut parfois savoir ralentir, ne jamais brûler les capitaux trop vite, quitte à réduire les effectifs. C'est encore le conseil que je donne aux entrepreneurs dont je m'occupe."

Commence alors une nouvelle vie, en dehors du cocon familial. Alapage débute sur un modèle BtoB : pour 10.000 francs par mois, les libraires bénéficient d'un site Internet à leurs couleurs, d'une base de données et d'un hébergement. "Le problème, c'est que nous étions à cheval entre le XXème et le XXIème siècle et que les libraires, eux, étaient à cheval entre le XIXème et le XXème", explique Patrice Magnard. Alapage s'oriente donc vers la vente grand public. Non sans avoir été sollicité, dès 1997, par la Fnac. "Tout était OK, la valorisation était raisonnable, les protocoles de rachat en bonne voie. Et puis, sept ou huit mois après, ils sont revenus nous voir et, sans raison, ont décidé d'annuler."

Les débuts sont prometteurs, mais les fondateurs d'Alapage doivent faire face à un marché vierge, où les modèles sont encore incertains. Patrice Magnard se souvient ainsi d'un entretien avec un journaliste américain, venu interviewer plusieurs start-uppers français. "On lui a expliqué notre modèle, tout fiers de lui montrer nos courbes de croissance de 3 à 5 %, raconte le PDG de Maxicours. Et le tout sans dépenser un centime en communication !" Regard apparemment affligé du journaliste… "C'est la première fois que j'ai lu dans les yeux de quelqu'un : 't'es un con'".

Trop indépendant pour rester dans un grand groupe"

Alapage se met donc à la publicité, les ventes décollent… et la Fnac revient. François Pinault a de nouveau changé d'avis et sort le carnet de chèques. "Sauf qu'entre temps notre prix avait été multiplié par dix, sourit Patrice Magnard, loin des 10 millions de francs de 1997. Je pense qu'ils s'en sont mordus les doigts, puis le bras !" C'est alors l'effervescence, la direction croule sous les propositions de rachat, les sommes les plus folles sont avancées… Et Alapage se vend au bon moment. Quelques mois avant l'explosion de la bulle, France Télécom propose 300 millions de francs et rafle la mise.

Patrice Magnard assure la transition, forme son successeur Olivier Sichel, puis s'en va. "Il n'y avait pas de problème particulier, mais je ne me suis jamais senti à l'aise dans les grands groupes. Trop indépendant, sans doute", confie-t-il.

Il a alors de quoi rebondir ailleurs, mais pas n'importe comment. Le fils d'éditeur a une vieille idée, mettre la technologie au service de la connaissance. Pas de départ pour les Bahamas, donc, mais il se replonge dans les manuels scolaires, constitue une gigantesque base de données, s'entoure de professeurs, et essaie de rendre l'apprentissage "fun" en développant les schémas, les images, les vidéos. Discret jusque là sur son nouveau bébé, Patrice Magnard souhaite passer la vitesse supérieure. "C'est un projet de long terme, explique son ami Luigi Gropallo, avec qui il a fondé Alapage et qui s'occupe aujourd'hui de Bienmanger.com. Cela lui correspond bien, il a toujours aimé les projets à maturation lente, construits peu à peu, mais qui en sont d'autant plus forts." Des projets d'endurance, en quelque sorte, pour cet amateur de course à pied.

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 Patrice Magnard
"Aujourd'hui, il est sans doute plus serein", lâche Luigi Gropallo. Cette sérénité, il tente également de la partager avec les dirigeants des entreprises qu'il conseille toujours ou dans lesquelles il a encore des participations (Leguide, Meilleurtaux, Aufeminin, etc.). Des business où il mêle volontiers travail, amis et famille. "Cela ne m'a jamais posé de problème, au contraire", affirme-t-il. Ainsi, il continue toujours de côtoyer la première génération d'entrepreneurs du Net, notamment Stéphane Treppoz, Nicolas Dufourcq, Christophe Cremer ou encore Jean-David Blanc. Plusieurs membres de la famille continuent également de graviter autour de lui, chez Maxicours en particulier. Un Magnard peut en cacher un autre...
Nicolas RAULINE, JDN Sommaire E-PME
 
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