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MVNO, un modèle économique en questions |
De trois opérateurs il y a deux ans, le marché mobile français est passé à plus de 10 aujourd'hui. Pourtant, ces opérateurs virtuels rentrent difficilement dans leurs frais. Explications.
(12/06/2006) |
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Dossier
MVNO |
Chaque mois quasiment, un nouvel opérateur virtuel apparaît
sur le marché mobile français. Un petit point s'impose donc.
On recense, comme MVNO,
par ordre d'apparition : Debitel, Breizh Mobile, Transatel,
Futur Telecom, NRJ, Tele2, Coriolis Telecom, Neuf Cegetel, Virgin
Mobile, Auchan et Ten. Sans compter Auchan, qui devrait lancer
son offre à la rentrée, et les accords de licences de marques
conclus par Universal, M6 et TF1 (et la Fnac prochainement).
Trois grandes familles de nouveaux opérateurs se distinguent
donc : les opérateurs télécoms, intéressés par la convergence
et la possibilité d'inclure un volet mobile à leur offre, les
médias, qui voient dans le multimédia mobile un nouveau débouché
pour leurs contenus, et les distributeurs, qui recherchent les
synergies avec leurs magasins. Le nouveau venu, Ten, apparaît
un peu comme un météorite puisqu'il n'appartient à aucun de
ces groupes, mais est porté par l'ancien directeur général de
Tele2, Jean-Louis Constanza, et par le fond d'investissement
Axa Private Equity (lire l'article
du 09/06/2006).
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N'y a-t-il qu'une sorte de MVNO ?
Non. Les accords passés entre opérateurs virtuels
et opérateurs "réels" se font au cas
par cas. Il y a donc quasiment autant de modèles que
d'accords. Quelques caractéristiques sont toutefois communes
à l'ensemble de ces acteurs. Tout d'abord, les MVNO louent
le réseau d'un opérateur mobile déjà installé, en achetant des
minutes de gros de communication. Ils sont propriétaires de
leurs abonnements et gèrent les cartes SIM qu'ils éditent, ce
qui leur permet, par exemple, d'offrir des services customisés,
sous leur propre marque (portail mobile par exemple). En France,
les accords passés jusqu'à présent ne permettent pas aux MVNO
de gérer les interconnexions et donc de récupérer des revenus
sur les appels entrants.
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Quel est le modèle des MVNO ?
Pour pouvoir se démarquer, les MVNO doivent proposer des
tarifs plus attractifs que les opérateurs classiques. Pas facile,
d'autant que, par définition, un opérateur virtuel ne possède
pas son propre réseau et doit donc acheter des minutes de communication
à ses concurrents (en France, Orange et SFR uniquement, Bouygues
Telecom n'hébergeant que des licences de marques). Une
ligne de dépense contraignante, même s'ils bénéficient, en général,
d'une remise allant de 25 à 35 % sur le prix de détail
moyen. Avec cette marge, il faut également financer les lourds
investissements marketing, inhérents au lancement d'une nouvelle
marque (lire l'article
du 13/06/2005), ainsi que les coûts de distribution.
C'est pour cela qu'Internet, moins coûteux, est souvent
privilégié comme canal de vente de ces nouveaux
opérateurs (Debitel, Tele2, Ten notamment).
"Mais la marge brute en pourcentage ne veut rien dire,
souligne Pierre-Yves Deboudé, président de l'Omsyc,
l'Observatoire mondial des systèmes de communication.
Pour que le modèle soit pérenne, il faut que le
MVNO dégage des marges importantes en valeur absolue."
Tout le problème réside dans le fait que le prix
de détail peut varier du simple au double. En pré-payé,
par exemple, un abonné paiera en moyenne 40 centimes
d'euros, contre parfois moins de 10 centimes pour un client
avec un forfait longue durée. Or, les MVNO séduisent
en général les "petits" consommateurs
de mobile, avec des coûts au détail, et donc des
coûts de gros répercutés, plus élevés.
"Sur ce segment, les marges en pourcentage sont parfois
plus élevées mais les valeurs absolues sont faibles et il faut
couvrir les coûts de vente. Le modèle n'est donc pas
encore stable", estime Pierre-Yves Deboudé.
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MVNO, MVNE, licences de marques... quelles différences ?
Attention, tout d'abord, à ne pas confondre les MVNO,
qui gèrent effectivement leurs propres bases d'abonnés,
avec les marques, telles que M6 ou Universal, qui passent un
accord avec un opérateur pour proposer une nouvelle offre.
Avec ces accords de co-branding, les abonnés restent gérés par
l'opérateur traditionnel. Le modèle économique
qui en résulte est complètement différent.
Il s'agit d'un partage de revenus, accompagné le plus
souvent par une redevance d'utilisation de la marque. La marque
qui s'associe à un opérateur lui apporte sa notoriété
et se fait donc rémunérer en conséquence.
Elle est également associée aux résultats
de l'offre et, en règle générale, les dépenses
de communication sont assurées par les deux partenaires.
Là où cela se complique, c'est qu'un autre terme
barbare est venu se greffer à ces néologismes.
Un MVNE (Mobile Virtual Network Enabler) est un autre intermédiaire
dans la chaîne de valeur, un MVNO qui propose à
d'autres MVNO ou à des marques des services mobiles en
marque blanche. En France, seuls Transatel et Experian se sont pour l'instant
positionnés sur ce créneau, mais le projet pourrait
également faire partie des intentions de Coriolis (lire
l'article
du 22/06/2005). Cependant, les embouteillages qui pourraient
se présenter sur le marché devraient freiner ce
type d'offres.
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Quel est l'intérêt, pour un opérateur classique,
d'accueillir un MVNO sur son réseau ?
Après avoir longtemps traîné des pieds
pour ouvrir leurs réseaux, Orange et SFR ont infléchi
leurs positions depuis près de deux ans. En effet, tout
n'est pas si négatif pour eux. "Deux avantages immédiats,
résume Pierre-Yves Deboudé. Tout d'abord la segmentation
du marché. Les MVNO ou les accords de licences s'adressent
à des cibles particulières et peuvent aller chercher
des clients qui n'étaient pas équipés jusque
là. L'intérêt est fort en France, où
le taux de pénétration du mobile est inférieur
à nos voisins [à peine 80 %, ndlr].
Mais il existe aussi un intérêt réglementaire,
l'Arcep [Autorité de réglementation des communications
électroniques et des postes] poussant les opérateurs
classiques à accueillir de nouveaux entrants."
Néanmoins, les accords de licence de marque apparaissent
plus prometteurs pour les opérateurs traditionnels. La
segmentation peut y être davantage travaillée,
avec la conséquence de fidéliser davantage les
clients et de créer de nouvelles ressources dans le domaine
des services mobiles. "A la manière de M6 Mobile, sous
licence avec Orange, qui vient d'annoncer 420.000 abonnés, on
peut imaginer, par exemple, des offres liées au sport, au luxe",
indique Pierre-Yves Deboudé. Et, déjà,
circule la rumeur que plusieurs nouveaux opérateurs réfléchiraient
à une réorientation. Certains pourraient être
tentés de revoir leur accord de MVNO à la faveur
d'un accord de licence de marque, plus avantageux pour les Orange,
SFR et Bouygues Telecom, et moins lourd en termes d'investissement
pour le nouvel entrant. "Cela peut même être une stratégie
gagnante pour les opérateurs classiques, avance Pierre-Yves
Deboudé. Si l'on se retrouve avec 50 marques sur le marché,
les besoins en diversité des consommateurs seront saturés et
l'entrée de réels concurrents potentiels sera contenue."
Et, comme aime à le répéter Didier Quillot,
PDG d'Orange, "opérateur télécom,
c'est un métier"...
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Quelles perspectives pour les MVNO ?
Plus de dix acteurs lancés en moins de deux ans,
c'est sans doute trop, à terme. Tous ne survivront pas
d'ici quatre à cinq ans, du moins sous leur forme actuelle.
"L'essentiel est de passer le cap des deux ou trois premières
années, là où le pic de financement est
le plus important, affirme Pierre-Yves Deboudé. Le secteur
va donc probablement se consolider et à terme, il ne
restera que trois ou quatre vrais MVNO."
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Dossier
MVNO |
Pour le moment, la part de marché des MVNO est marginale
en France (0,91 % en mars 2006, source Arcep). Mais,
sur le premier trimestre, 10 % des nouveaux abonnés
ont choisi de leur faire confiance. Avec le poids des derniers
arrivés sur le marché, Neuf Telecom et Virgin
Mobile notamment, cette part devrait augmenter. "MVNO et
autres nouveaux acteurs représenteront plus de 30 %
des ventes sur le quatrième trimestre", pronostique
Didier Quillot. Il sera alors peut-être temps pour eux
de penser à une renégociation de leurs accords
de MVNO, pour éventuellement passer en "full-MVNO"
et investir dans un réseau. |
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