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Une loi américaine sonne le glas de la neutralité du réseau
Après plusieurs mois de débat, les députés américains ont tranché : ils donnent raison aux opérateurs et votent la fin de la prévalence du principe de neutralité du Net.   (13/06/2006)

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La mobilisation de nombreuses personnalités comme le chanteur Moby et l'alliance rêvée des poids lourds de l'Internet - Google, Sun, Adobe Systems, Microsoft, eBay, Amazon - en faveur de la neutralité du réseau Internet, aura-t-elle été vaine ? En tous cas, elle n'aura pas réussi à convaincre les députés américains qui, le 8 juin, ont voté en faveur de l'abandon, réclamé par les grands opérateurs américains, du principe fondamental de la neutralité du réseau Internet.

Ce vote sonne le glas du long débat qui a divisé les Etats-Unis autour de ce concept ces derniers mois. Les modalités de la mise en application de la neutralité, bien qu'absentes des documents fondateurs de l'Internet ont, depuis la création du réseau, fait l'objet d'un compromis entre ses acteurs. Le respect de cette notion par les fournisseurs d'accès au réseau vise à garantir aux utilisateurs finaux et créateurs de contenus un traitement égal par les FAI de toutes les données transitant par le Web, et ce sans distinction de nature (par exemple : texte ou vidéo), de provenance ou de poids.

Cela signifie que les opérateurs ne peuvent pas favoriser le transit d'un contenu par rapport à un autre, qu'un diffuseur ne peut pas "acheter" son passage ou sa bande passante, mais aussi qu'il ne saurait répercuter les coûts de telles mesures sur les créateurs de contenus. Techniquement, on dit du réseau Web qu'il est "sourd-muet" car il ne donne, ni de reçoit d'ordre de priorité pour le traitement des données.

"Les sociétés ou les pays les plus riches seraient automatiquement favorisés par une telle loi puisque seuls ceux qui auront les moyens pourront diffuser leurs contenus convenablement", explique Craig Aaron, fondateur du site de petites annonces Craiglist et porte-parole du mouvement pro-neutralité, dans une interview au quotidien Libération.

Plus grave, les initiatives innovantes sur le réseau seraient également défavorisées par un tel système : si une start-up devait payer des droits de diffusion pour ses contenus dès l'origine, elle ne pourrait pas démarrer une activité à partir de rien comme ce fut le cas de ses illustres prédécesseurs. Les innovations importantes de l'Internet viennent en effet le plus souvent de petites entreprises pionnières. Si le réseau ne peut plus en bénéficier, il prend le risque de devenir beaucoup plus statique, de se scléroser, que se soit économiquement ou techniquement.

De leur côté, les promoteurs de la régulation du trafic de données, constitués essentiellement des opérateurs propriétaires des grands réseaux américains (AT&T, Alactel, Bellsouth Comcast) disent faire face à des quantités et débits de données de plus en plus conséquents. Cela est dû à la multiplication de services gourmands en ressources (VOD, VoIP) qu'ils se doivent d'assumer (financièrement) et techniquement sans toutefois en avoir, selon eux, réellement les moyens.

Leur argumentation est basée sur une théorie formulée en 2005 par un professeur de l'université de droit de Columbia, Tim Wu, selon laquelle les cas de non-respect de la neutralité du réseau seraient légions. Elle leur permettrait ainsi d'affirmer que cette notion n'est qu'une utopie dépassée et non une réalité technique. Les applications en œuvre sur le réseau seraient d'après le professeur sensibles à la latence entre autres paramètres, et les systèmes donneraient d'hors et déjà la priorité aux données à faible latence comme la voix et la vidéo par exemple.

Toujours selon les opposants à la neutralité, intervenir dans la gestion du transit des contenus, permettrait d'assurer une meilleure prestation aux utilisateurs finaux. Mais celle-ci aurait également un coût, probablement répercuté sur les utilisateurs des réseaux. Les opérateurs américains, principaux investisseurs des réseaux de télécommunications, aimeraient, semble-t-il, tirer parti de la disparition du principe de neutralité pour créer de véritables péages sur des autoroutes de données assorties à destination des services les plus gourmands en bande passante. Ils pourraient ainsi reprendre le contrôle de leurs réseaux et de son contenu, comme c'est déjà le cas avec les réseaux câblés et hertziens.

Pour faire pencher la balance de leur côté, les opérateurs n'auraient pas hésité à utiliser des arguments sonnant comme des menaces indirectes envers les producteurs de contenus et l'Etat américain, arguant qu'ils ne sauraient continuer à assurer un service et un investissement optimum pour tous sans moyens pour y parvenir.

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La décision des députés américains leur donne raison puisqu'elle a entériné la disparition de la prévalence du principe de neutralité du réseau Internet. Les députés, majoritairement républicains, n'auront pas été sensibles aux arguments des fondateurs du Web moderne, ni aux 760.000 signatures déposées sur le site de cette coalition de sauvegarde la neutralité du Net : Save the Internet. Selon les démocrates, "ce vote changerait la face de l'Internet pour toujours". La décision des députés doit cependant encore être soumise au Sénat avant sa mise en application.

 
 
Lucile REYNARD, JDN Sommaire Le Net
 
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