Si le monde de la location de voitures s'est lancé plus tardivement
dans la réservation et le pré-paiement en ligne que d'autres
secteurs, le canal Internet représente d'ores et déjà un axe
stratégique : les réservations Internet représentent entre
15 et 30 % du total des réservations BotB et BtoC confondues,
ce qui est non négligeable dans un marché relativement encombré
en France. Le Web représente à la fois un outil offrant
des gains d'efficacité et un canal de vente en direct.
C'est pourquoi les grandes enseignes de location ont entamé
début 2006 de grands chantiers online.
Chiffres-clés
des différents loueurs de voiture |
Loueurs |
Part
des réservations réalisées en ligne |
Part
de marché des locations de véhicules en
France en 2005 |
Avis |
28 % |
21,5 % |
Europcar |
20 % |
18,0 % |
Hertz |
plus
de 25 % |
23,2 % |
National
Citer |
15 % |
-- % |
Sixt |
26 % |
-- % |
Source
: CNPA, loueurs, 2006 |
Dopées
par la généralisation des achats en ligne qui touchent l'ensemble
des secteurs de consommation, les réservations de location de
voitures sur le Net enregistrent des taux de croissance très
forts sur ces quelques dernières années, pour l'ensemble des
loueurs. "La progression du Web est spectaculaire, nous enregistrons
chaque année entre + 30 et + 50 % de croissance. Depuis avril
dernier, Internet est devenu le premier canal de réservation
devant les GDS, le call center, et les 500 agences Avis en France",
affirme Eric de Saint Louvent, directeur marketing et relation
client de Avis. Pour le loueur, Internet représente 28 %
des réservations, contre 20,6 % en 2005, et 14,3 % en 2004.
Le canal pourrait peser entre 40 et 50 % des réservations d'ici
3 ans. Même son de cloche chez Hertz où la croissance
des réservations Web est de 50 % sur un an, s'élevant à plus
de 25 % des ventes totales. Si Sixt.fr enregistrait 19
% des ventes il y a 2 ans, aujourd'hui le site pèse pour 26 %,
comblant ainsi son retard sur l'Allemagne où le pourcentage
des réservations en ligne est de 35 %. De son côté, National
Citer enregistre 15 % de ses ventes en ligne et table
sur 20 % d'ici la fin de l'année.
Dans un marché français qui s'avère relativement saturé et très
concurrentiel, les grands loueurs internationaux fourbissent
leurs armes pour recruter et fidéliser en ligne une clientèle
plutôt restreinte en France. En effet, même si le segment des
particuliers continue de progresser, pesant 56,4 % des
réservations, contre 47,8 % pour la location professionnelle,
seuls 5,2 % des Français, soit 2,38 millions de personnes,
ont loué au moins un véhicule à fin 2005, contre 6,3 % en 2004,
selon une enquête menée par TNS et la CNPA. Malgré cette baisse,
les volumes de location sont toutefois restés stables sur l'ensemble
de l'année, le nombre moyen de location par locataire étant
passé de 2,5 en 2004 à 3 en 2005. Au total, sur l'année 2005,
7,11 millions de locations ont été réalisées par des Français,
dont 5,97 en France.
Le
Web, un outil de productivité et d'efficacité
pour les loueurs |
Le marché de la location de voiture est en effet lié à la conjoncture
du marché du tourisme, et face au succès de l'e-tourisme, les
grandes marques ont de fait très vite perçu l'intérêt du canal
Internet. Le Web s'est rapidement imposé comme un outil indispensable
d'efficacité et de productivité en interne, offrant aux loueurs
des transactions à moindre coût par rapport aux autres canaux.
"Le Web a notamment offert la possibilité d'optimiser son yield
management en temps réel. La gestion des prix peut s'effectuer
en live en fonction des stocks", explique Bruno Brocourt,
directeur du développement de Sixt. Et ce également en fonction
de ses concurrents, la bataille du prix se jouant désormais
à l'euro près. Mais si Internet offrait aux internautes un outil
de comparaison entre les offres, pour Avis Internet permettait
de se repositionner son image. "Le client associe toujours les
grandes marques à une image de prix élevés. Facilitant
les comparaisons, Internet nous permet de gommer cette image",
estime Eric de Saint Louvent, directeur marketing et relation
client de Avis.
D'autre part, le Web a rapidement permis aux loueurs de se développer
sur de la vente en direct, et notamment sur le marché
du BtoB. Avis, pionnier sur le Web français avait lancé dès
2001, un site à la fois à destination du BtoC et du BtoB. Pour
le BtoB, le loueur avait développé une technologie de mini-site
personnalisable. Les autres loueurs comme Sixt, Hertz et Avis
ont dès 2004 ouvert leurs propres extranets à destination des
entreprises, un espace Web accessible pour tout type d'entreprise
allant de la TPE au grand compte. National Citer a également
ouvert il y a deux ans, un outil professionnel à destination
des réseaux d'agences de voyage et des agences indépendantes
une plate-forme Web qui offre aux agents de voyage la possibilité
de réserver directement en ligne aux tarifs négociés.
Le
pré-paiement réduit les taux de 'no show" |
Autre avantage de la réservation en ligne pour les professionnels
de la location de voiture : le pré-paiement. Cette fonctionnalité
qui n'a été lancée qu'en 2004 par la plus grande majorité des
grandes enseignes a pour effet de réduire les taux de non présentation
des clients. "Nous constatons que le nombre de 'no-show' est
nettement inférieur sur les réservations réalisées par Internet",
confie Carol Gué, directeur marketing France de Hertz.
Si les acteurs avaient pensé devoir encourager le pré-paiement
par des remises, comme le proposent notamment Europcar ou Avis,
ils se sont rendus compte qu'au contraire, le pré-paiement est
désormais plébiscité par une grande partie des clients internautes.
"Le pré-paiement constitue le meilleur produit en termes de
transparence, il assure au client que le prix affiché en ligne
est bien le prix facturé", ajoute Carol Gué. De son côté, Avis
a remarqué que cette fonction rassure le client qui estime que
sa réservation pré-payée devient définitive, et lui permet d'étaler
les dépenses.
Le canal du Web est également devenu stratégique pour des raisons
d'accessibilité et de simplification du processus de réservation
proposé aux clients internautes. "Grâce à Internet l'offre de
la location de voiture s'est considérablement simplifiée, et
le Web a également imposé une clarification du discours à destination
des clients et prospects", assure Bruno Brocourt, directeur
de développement de Sixt. Il constate également un véritable
changement des comportements de réservation, Internet ayant
singulièrement réduit le cycle de réservation : si la réservation
intervenait auparavant au plus tard 48 heures avant la réservation,
Sixt remarque que dorénavant il n'est plus rare de voir des
réservations réalisées à minuit pour une location le lendemain
à 8 heures.
Des
refontes, de nouveaux services lancés en 2006 |
Face à cet ensemble d'avantages stratégiques que présente le
canal du Net, depuis plusieurs années les grands loueurs de
voiture ont déporté leur bataille sur le Net. Au début de l'année
2006, les acteurs ont notamment lancé des refontes de leurs
sites afin d'améliorer l'ergonomie de navigation, mais également
pour offrir plus d'outils et de services en ligne. National
Citer a pour sa part, complètement refondu son site en mars
et réalisé une traduction de son moteur de réservation en 3
langues, à savoir l'anglais, l'allemand et l'espagnol. De même,
Hertz a opté pour une harmonisation des systèmes d'information
des différents sites Web de la marque dans le monde, et Hertz
France a donc migré au printemps sur la même plate-forme de
réservation que celle des Etats-Unis. Prochaine étape pour Hertz :
la refonte du front office d'ici la fin de l'année.
Entre 2001 et 2006, la politique d'Avis a consisté en l'amélioration
progressive des fonctionnalités offertes. "Nous avons tout d'abord
retravaillé l'ergonomie du moteur de réservation, qui joue un
rôle capital. Puis nous avons greffé des services à valeur ajoutée,
via par exemple de la géolocalisation, du calcul d'itinéraires,
des alertes par SMS et par mail qui sont envoyées aux clients
24 h avant location", détaille le directeur marketing de Avis.
Sixt a pour sa part mis l'accent sur la gestion du client en
multicanal. Le Web a donc été pleinement intégré aux processus
de l'entreprise : les internautes qui choisissent de payer
par carte de crédit reçoivent la carte de Sixt. Celle-ci qui
fonctionne dans l'ensemble des agences Sixt du monde, offre
des services associés, et rémunère le client par des points
fidélité. Cette carte enregistre les coordonnées bancaires,
ainsi que tous les éléments de son identification. En s'identifiant
sur le site, le client retrouve grâce à cette carte tout son
historique, pour l'ensemble des canaux.
L'adaptation
des programmes de fidélité en ligne |
La stratégie visant à fidéliser les clients en ligne et à décliner
les services et les programmes de fidélisation sur le Net a
été également un chantier mené par les différents acteurs. Hertz,
qui chaque année réalise un travail d'optimisation de ses produits
de fidélisation intégrant des services associés (Carte Gold,
Carte Horizon) et ses programmes de fidélisation (Carte Hertz
number 1 Club, le programme Haute fidélité), travaille actuellement
pour les adapter au Web. De son côté, National Citer ouvrira
dans deux semaines la possibilité de consulter ses points en
ligne, ses informations personnelles, ayant consacré également
le début de l'année 2006 à cette transposition de son programme
de fidélité.
Cependant, les loueurs ne délaissent pas le recrutement de clients
en ligne. Les outils de marketing online offrent des coûts réduits,
un ciblage important dans un marché qui n'est pas celui de la
grande consommation, et offrent la possibilité de bénéficier
en temps réel des retours de campagnes. Hertz a lancé un programme
d'affiliation, et consacre un budget important au référencement
naturel, aux liens sponsorisés, et à l'e-pub. Avis consacre
à son budget publicitaire online 500.000 euros par an.
De son côté, si National Citer a choisi d'arrêter fin juin dernier
ses campagnes de liens sponsorisés, au profit de l'affiliation
et du référencement naturel, le loueur a été le premier loueur
a mener une grande campagne de buzz avant l'été : National
Citer avait lancé un mini-site de teasing sangfrais.eu à l'occasion
du lancement de sa nouvelle offre de paiement en quatre fois
sans frais, avec Cetelem. "Nous avions fait le pari du viral
pour travailler la proximité avec la marque, et la notoriété.
Notre film de teasing a été bien repris par les blogs, et nous
avons enregistré des taux de retour très satisfaisants", affirme
Nicolas Bouvier, directeur marketing de National Citer.
En revanche, en ce qui concerne les partenariats, les stratégies
menées par les différents acteurs ont peu évoluées. Le partenariat
reste avant tout global, avec des échanges de privilèges croisés,
même si les acteurs portent progressivement ces services sur
Internet. De même, si au début des années 2000, la location
de voiture low cost avait été présentée comme révolutionnaire,
force est de constater qu'elle ne connaît pas la même embellie
que les compagnies low cost. En effet, cela semble tenir à la
nature même du produit : dans la location de voiture, tout dépend
de l'utilisation que le client fait de sa voiture.
Pour sa part, Sixt a lancé en 2003 sixti.fr, un low cost pour
concurrencer à l'époque Easy Rent a Car lancée en Allemagne
par le groupe EasyGroup, propriétaire de EasyJet. Le processus
de réservation est uniquement accessible sur Internet, et les
voitures sont proposées par les agences Sixt. "Sixti est un
produit additionnel à la location classique, il s'adresse à
une niche bien particulière, qui correspond notamment à une
clientèle citadine, par exemple", affirme, Bruno Brocourt, direct
du développement de Sixt. La marque low cost qui ne propose
que des petites voitures, dont les prix varient selon les disponibilités
et dont les services ne sont pas inclus n'a pas donc pas de
raison de disparaître. Pour faire face à ce type d'offre, l'ensemble
des acteurs plus traditionnels communique sur des prix bas,
tout compris incluant des services et du contenu additionnel.
Le Web est donc devenu pleinement stratégique pour l'ensemble
des grandes marques de location de voiture en France, mais ce
développement du canal Internet a pour conséquence de bouleverser
le marché de la location qui, au-delà de ces grandes enseignes,
compte un certain nombre de loueurs indépendants dont l'activité
est plus locale et de proximité. Ces petits loueurs qui ne peuvent
pas s'offrir de visibilité sur le Net, pour des raisons de coûts,
risquent de perdre de plus en plus de parts de marché. C'est
pourquoi beaucoup se tournent vers les grandes enseignes internationales
qui de leur côté, souhaitent étoffer leur réseau d'agences.
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