Les fournisseurs d'accès à Internet vont-ils participer à alimenter le Compte
de soutien à l'industrie audiovisuelle (Cosip) ? L'idée n'est pas neuve, mais
jusque là, les FAI y avaient échappé. Cette fois, c'est moins sûr. Un amendement
au projet de loi sur la Télévision du futur présenté par le député Dominique Richard
(UMP) a de bonnes chances de passer. Voté à l'unanimité par la Commission des
affaires culturelles de l'Assemblée nationale rassemblant des députés de gauche
comme de droite, il sera présenté et discuté à l'Assemblé nationale entre le 30
janvier et le 1er février. Et "avec le soutien du gouvernement", affirme Dominique
Richard. En pratique, les distributeurs de services audiovisuels devront
s'acquitter d'une taxe progressive de 0,5 % pour la fraction de leurs revenus
comprise entre 10 millions et 75 millions d'euros, jusqu'à 4,5 % pour la
fraction supérieure à 530 millions d'euros. Une taxe qui ne s'appliquera
que sur le chiffre d'affaires réalisé sur les offres audiovisuelles, ce qui ne
concerne donc pas l'ensemble du chiffre d'affaires des FAI.
Pour Dominique Richard cette participation des FAI au Cosip
est tout à fait légitime. "En contrepartie de financer le Cosip, les éditeurs
de chaînes se sont vu accorder une TVA de 5,5 %. Un taux préférentiel dont profitent
également les FAI sur les revenus qu'ils tirent des services audiovisuels. Il
est donc normal qu'ils participent eux aussi au financement de la création audiovisuelle
française". Faux, rétorque Free qui estime que les FAI ne sont ni éditeurs ni
producteurs, et qu'ils n'ont pas à participer au financement du Cosip, et qu'en
outre la TVA à 5,5 % est le taux légal auquel est assujetti un diffuseur audiovisuel.
Ce débat porte sur l'esprit même de cet amendement. Celui ci dit en
effet réaffirmer le principe d'équité fiscale en logeant à la même enseigne les
diffuseurs de services audiovisuels, qu'ils utilisent la bande hertzienne, l'ADSL,
le satellite, ou bien le câble. Cependant, la lecture de cet amendement donne
lieu à une autre interprétation. Notamment un passage, qui semble avoir été rédigé
sur mesure pour les câblo-opérateurs. "Lorsque le redevable exploite plusieurs
réseaux [
] et a conclu à cette fin avec des collectivités territoriales des conventions
d'exploitation distinctes, la taxe est assise [
] dans le cadre de chacune des
conventions". Traduction : un câblo-opérateur paiera de manière distincte cette
TVA sur chacune de ses concessions. En pratique, ce passage pourrait permettre
à Noos-Numéricable d'éviter la "taxe Cosip" dans la plupart de ses concessions
puisqu'elle n'est applicable qu'à partir de 10 millions d'euros de revenus sur
l'audiovisuel. Donc bien moins au final que s'il avait à payer la TVA sur les
revenus audiovisuels qu'il perçoit au niveau national.
Un
nouvel impôt Internet fortement impopulaire |
Si dans un communiqué de presse très virulent, Free semble découvrir ce
texte, des discussions se sont pourtant tenues depuis deux mois. Ainsi, le ministre
de la culture Renaud Donnedieu de Vabres avait demandé fin novembre au CNC, l'organisme
gestionnaire du Cosip et à la Direction des médias, rattachée au premier ministre,
de travailler sur un texte définissant les modalités de taxation des opérateurs.
Cependant, le passage sur les câblo-opérateurs n'apparaît pas dans la version
transmise le 7 décembre dernier, que le JDN s'est procurée. Ce qui a grandement
surpri les FAI. Chez Orange et Neuf Cegetel, la réaction à la découverte
de ce texte a été moins emportée que celle de Free. Cependant, si les deux opérateurs
ne sont pas opposés à participer au fonds de soutien, ils voient d'un mauvais
il les rajouts effectués à leur insu favorisant les câblo-opérateurs. En outre,
ils continuent de demander une "égalité de traitement" concernant la diffusion
des chaînes des bouquets audiovisuels sur leurs réseaux et dans la diffusion de
contenus VoD. Des dossiers qui peinent à avancer, malgré les engagements pris
dans le cadre de la fusion de Canal Satellite avec TPS, et les négociations sur
la VoD (lire l'article
du 18/12/2006), qui viennent une nouvelle fois d'être repoussées pour cause de
désaccord majeur, notamment entre Canal Plus et les FAI. A ce jour, le
ministre de la culture ne s'est pas exprimé sur cet amendement. De sources industrielles,
une réunion interministérielle se serait tenue mercredi en début d'après midi.
Matignon aurait alors décidé de se donner jusqu'à mardi avant d'arrêter la position
officielle du gouvernement. Les FAI espèrent encore un revirement de situation
qui conduirait le gouvernement à appeler à voter contre cet amendement. Au risque
de voir l'ensemble des FAI monter au créneau comme Free l'a fait par voie de communiqué
de presse. La naissance d'une polémique sur le thème de la création d'un "nouvel
impôt Internet" n'étant effectivement pas du meilleur effet à l'approche des élections
présidentielles, que se soit pour la majorité ou pour l'opposition. |