JDN. La
philanthropie affichée par les fondateurs de Google est-elle compatible
avec les exigences de la Bourse ? Daniel
Ichbiah. Il est vrai que pour Sergey Brin et Larry Page l'argent a toujours
été une motivation secondaire, ce qui n'a pas empêché Google de développer les
véritables vaches à lait que sont Adwords et Adsense. Il faut bien voir que Brin
et Page sont un peu baba cool comme l'étaient Steve Jobs ou Bill Gates dans leurs
jeunes années, ils ont une véritable éthique. Brin et Page restent des gens bien,
à la manière de Steve Wozniak, un des fondateurs de Apple, ou encore de Masaru
Ibuka, le fondateur de Sony. Mais ils ont tous les deux été écartés et remplacés
par des nettoyeurs moins philanthropiques qui ont avant tout cherché à générer
plus de bénéfices en réalisant des coupes sombres. Dans 60 ans, si tout
va bien d'ici là, les fondateurs de Google auront 90 ans et seront eux aussi remplacés.
Or Google n'est pas une fondation caritative et leurs remplaçants ne chercheront
pas à poursuivre cette uvre. Il y aura donc un jour un changement dans la philosophie
Google. Tant que tout va bien, il est facile de rester exemplaire, mais on a pu
apercevoir un début d'inflexion en Chine où ils ont dû faire des compromis pour
ne pas être battus par Yahoo notamment. Pour le moment, les actionnaires encaissent
les bénéfices à bonne vitesse donc il n'y a aucune raison que ça change tant qu'il
en sera ainsi. Ce philanthropisme peut même être considéré comme une stratégie
commerciale par certains financiers.
Comment Google pourrait-il s'y prendre pour "manger le monde"
? Google a vite compris qu'il avait tout à gagner à être l'ami
des internautes. Un peu comme un enfant a qui l'on donne des bonbons pour gagner
son affection sans se soucier des répercussions chez le dentiste. Il se trouve
qu'aujourd'hui, quand on n'est pas sur Internet on n'existe pas. Or Google est
le point d'accès quasi unique aux informations du Web. C'est une dépendance qui
constitue un facteur de risque important pour les sociétés. Il se trouve que Google
a aussi une quantité de cash énorme et qu'il est donc capable de racheter toutes
les sources d'informations complémentaires qui émergeraient, comme ce fut le cas
avec YouTube, probablement au nez de Microsoft qui était aussi sur le coup. Google
détient aujourd'hui une force de frappe incroyable mais qui reste entre les mains
d'individus pacifiques. Qu'en sera-t-il demain ? Mes ennemis je m'en charge, protégez
moi juste de Google. Quelles sont les failles
du système Google ? Ne risquent-ils pas de subir un jour une désaffection identique
à celle de Microsoft sous le coup d'un effet de mode ? Google
propose des services gratuits. Il est donc facile d'en changer du jour au lendemain
puisqu'il n'y a aucune barrière comme ça peut être le cas avec un opérateur de
téléphonie mobile par exemple. La menace pour Google, ce sont les adolescents
qui sont sensibles aux effets de mode. Google pourrait se retrouver ringardisé
très rapidement sans que le levier marketing puisse y faire quelque chose. A ses
débuts, Microsoft pouvait faire toutes sortes de bourdes médiatiques sans que
les journalistes ne lui en tiennent rigueur. Ce n'est aujourd'hui plus le cas.
Mais il faut signaler, et c'est assez surprenant, que les intellectuels ont bonne
estime de Google malgré sa position dominante, alors que Microsoft est souvent
opposé à Apple, plus petit, dans une configuration similaire. |