Clean data rooms : en quoi consiste cette offre cloud des Gafa ?

Clean data rooms : en quoi consiste cette offre cloud des Gafa ? Google, Facebook et Amazon permettent d'accéder à certaines de leurs données les plus sensibles dans des environnements cloud sécurisés appelés clean data rooms. Cantonnée à la mesure, l'offre devrait s'étendre à l'activation média.

A l'heure du RGPD, c'est à l'abri des regards indiscrets et dans un contexte ultra-sécurisé que le traitement des données s'effectue désormais. Google, Facebook et Amazon n'échappent pas à la règle en s'appuyant de plus en plus souvent sur des clean data rooms pour permettre aux annonceurs d'obtenir leurs données.

Clean data room définition

Mais de quoi parle-t-on au juste ? D'environnements clos, dans le cloud, qui permettent à ces walled gardens de transmettre aux annonceurs des données anonymisées, et donc conformes au RGPD, pour qu'ils optimisent la diffusion de leurs campagnes médias. Des données qui ne sont pas accessibles depuis leurs interfaces d'achats classiques, car jugées trop précieuses. De sorte que l'annonceur peut y accéder au sein de la clean data room mais ne peut, en aucun cas, quitter la "pièce" avec. L'offre, gratuite, permet aux walled gardens d'en dire un peu plus à leurs partenaires préférentiels (ou les plus exigeants), tout en se prémunissant contre tout risque de data leakage. "Le dispositif est aujourd'hui essentiellement utilisé dans la mesure de l'efficacité des campagnes médias", explique Guilhem Bodin, associé chez Converteo.

Clean data room Google

C'est Google qui a initié le mouvement, début 2017. "Après avoir décidé d'interdire l'implémentation de pixels de tracking tiers au sein de Youtube, Google s'est résolu à mettre en place une clean data room pour permettre aux annonceurs de continuer à mesurer les performances de la plateforme vidéo", résume Hugo Loriot, associé chez fifty-five. L'arrivée du RGPD, en mai 2018, conjuguée à la décision de Google d'arrêter de communiquer au reste du marché les User ID des internautes trackés par son adserver, Campaign Manager, ont élargi le champ des prérogatives de ce dispositif. Un annonceur peut désormais passer par la clean data room de Google, Ads Data Hub, pour y réconcilier les impressions achetées au sein de Youtube et des environnements trackés par l'adserver de Google, Campaign Manager. "Cela lui permet de comparer les audiences touchées par deux environnements trackés par Campaign Manager et de maîtriser la pression publicitaire entre les deux", illustre Guilhem Bodin. L'annonceur peut même y intégrer une partie des données issues du SEA, dont Google est le champion incontesté. "Il a accès aux données associées à l'inventaire de Shopping mais pas à celles de Text Ads", précise Guilhem Bodin.

Clean data room Amazon Facebook

Même volonté de cajoler les plus gros partenaires chez Facebook qui permet, depuis 2019, à certains d'entre eux de bénéficier de données détaillées pour gérer la couverture et la répétition (reach and frequency) de leurs campagnes médias au sein des quatre environnements : Facebook, Instagram, Audience Network et Messenger. "On est sur une offre beaucoup plus custom que celle de Google", analyse Hugo Loriot. La clean data room n'est mise sur pied qu'une fois la faisabilité de la requête validée par les ingénieurs de Palo Alto, sous réserve que la plateforme soit OK pour communiquer les informations demandées. "Les marques récupèrent une donnée très granulaire qui leur permet de nourrir leurs modèles marketing, ce qu'elles ne peuvent pas faire depuis l'interface de Facebook Ads", précise Guilhem Bodin. Facebook communique très peu sur cette offre. Il n'y a d'ailleurs même pas de beta officielle. "Elle se résume, pour l'instant, à une poignée de très gros annonceurs américains qui communiquent à Facebook, au cas par cas, les données dont ils aimeraient pouvoir disposer", révèle Hugo Loriot.

Amazon est lui beaucoup plus volubile sur le sujet de la clean data room. "Le produit est en beta, officiellement lancé sous le nom d'Amazon Marketing Cloud et disponible au sein des principaux marchés de l'e-commerçant, dont les Etats-Unis et la France", commente Hugo Loriot. La clean data room s'appuie sur l'infrastructure cloud maison, AWS, et les données en provenance du DSP d'Amazon. "Seules les données issues de l'environnement programmatique sont communiquées. L'inventaire Sponsored Product et celui de l'ad-server, Sizmek, ne sont, pour l'instant, pas concernés", note Hugo Loriot. Il s'agit de donner un peu de souplesse aux annonceurs par rapport à ce qu'ils peuvent trouver dans les outils de reporting maison. "La clean room permet à l'annonceur de définir sa propre fenêtre d'attribution, alors que celle-ci est figée à 14 jours post clic ou post view dans l'interface du DSP", détaille Hugo Loriot.

D'autres cas d'utilisation, qui touchent essentiellement à la compréhension des audiences d'Amazon, sont proposés. "Il s'agit de mieux comprendre les typologies d'internautes qui ont interagi avec les publicités et dans quels environnements", précise Guilhem Bodin. Des informations qui sont dispensées au compte-gouttes dans l'interface native. "On peut aller très loin dans le ciblage, en demandant des segments d'audience très précis, mais on ne peut pas voir les performances de ces segments, au cas par cas, dans l'interface de reporting", explique Hugo Loriot. C'est de plus en plus important pour les retailers qui passent par Amazon pour communiquer.

"En France, ils sont à peine une dizaine à recourir, par l'entremise de leur partenaire agence, à l'offre Ads Data Hub de Google"

En France, rares sont encore les annonceurs à se laisser tenter. "Ils sont à peine une dizaine à recourir, par l'entremise de leur partenaire agence, à l'offre Ads Data Hub de Google", estime Guilhem Bodin. Plusieurs raisons à cela. Le recours à un tel dispositif nécessite des compétences en data science (business intelligence et requêtes SQL) que seule une poignée d'annonceurs ont aujourd'hui en interne. Ces heureux élus doivent en plus "demander l'autorisation à leur agence média avant de brancher Campaign Manager à la clean data room", rappelle Hugo Loriot. L'agence média est en effet souvent responsable du contrat passé avec l'adserver de Google… et des données qui y transitent. Elle ne voit donc pas toujours d'un bon œil les velléités de son client. "Un annonceur qui s'intéresse à ce sujet peut être enclin à internaliser par la suite l'activation média", décrypte Hugo Loriot. Certaines agences préfèrent donc ouvrir des clean data rooms chez les Gafa, en catimini, se contentant d'envoyer des rapports de campagnes détaillés à leurs clients.

Leur adoption pourrait s'accélérer si les clean data rooms sortaient du domaine de l'analytics pur et dur, pour aller vers celui de l'activation média. Google est, encore une fois, le premier à s'y essayer. Une beta en place depuis plusieurs mois permet aux utilisateurs de son DSP, DV 360, de créer des segments d'audience à activer sur le Web programmatique, selon Adexchanger. "Aux Etats-Unis, le géant de la publicité a inspiré quelques gros retailers qui, comme Target, se servent de l'infrastructure de Google pour mettre sur pied des clean data rooms avec leurs propres clients annonceurs", pointe Hugo Loriot. En France, des acteurs comme Carrefour et Criteo, qui misent tous deux beaucoup sur le retail media, auraient la volumétrie et les typologies d'audiences nécessaires pour le faire.

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