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Pascal Nègre (Universal Music France) : "Je ne crois pas à l'avenir à moyen terme du peer to peer"
Mercredi 15 janvier 2003
 
          
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Utilisateurs de Kazaa ou fans de Nolwenn (parfois les deux, parfois ni l'un ni l'autre), les lecteurs du JDNet et de l'Internaute ont été extrêmement nombreux à venir dialoguer en direct avec Pascal Nègre, patron de la plus grosse maison de disques française. Connu pour ses prises de position tranchées dans les débats autour de la musique en ligne, Pacal Nègre a répondu pendant plus d'une heure aux questions incessantes (record JDNet Chat battu..) : téléchargement, majors, MP3, Star Academy, droits, politique artistique, filtrage ou show-business étaient au programme.



Invité : Pascal Nègre, président d'Universal Music France et de la Société civile des producteurs phonographiques
Date : Mercredi 15 janvier, 18h10-19h25
Nombre de questions posées : 459
Nombre de questions retenues : 55

Internet, c'est votre pire cauchemar ?
Pascal Nègre Non. C'est 2 heures de ma vie par jour.

Se battre contre les échanges peer to peer n'est-il pas un combat mal orienté : le problème ne vient-il pas plutôt du commerce des copies CD ?
150 millions de titres téléchargés par mois, pour moi, c'est un problème en tant que tel.

Indépendamment du fait que les systèmes du type Kazaa soient gratuits, il s'agit avant tout de systèmes permettant de trouver très vite la musique que l'on recherche. Au lieu de se plaindre, pourquoi les éditeurs ne créent-ils pas un équivalent payant à Kazaa, recensant tous leurs catalogues ?
C'est le but. Par exemple, nous avons lancé eCompil qui, pour l'instant, ne contient que notre catalogue ; mais, je suis certain que d'autres maisons vont venir nous rejoindre très très vite. Affaire à suivre.

Quelle est votre politique actuelle en terme de piratage et, en particulier, sur les bootlegs diffusés illégalement sur Kazaa et autres, et en tirages limités, dans les commerces secondaires de vente de vinyls ?
La grande majorité du temps, les artistes eux-mêmes sont contre les bootlegs.

On vous l'a sûrement déjà demandé mais serait-il vraiment non rentable de baisser le prix des albums CD ? C'est, selon moi, un des grands maux qui poussent les gens à la copie frauduleuse.
C'est pour cela que nous espérons avoir, enfin, cette année, la baisse de TVA qui mettrait le prix d'une nouveauté à moins de 15 euros.

Actuellement, compte tenu de l'existence de sites gratuits, quel est le prix "raisonnable" pour écouter ou télécharger de la musique ?
C'est à vous, consommateurs, de nous le dire. Mais 1 euro par titre me semble un bon début.

Dans mon pays, la Bulgarie, nous sommes très friands du mp3 pour des questions de tarif. Est-ce que le tarif du mp3 sur un album sera le même que celui du CD normal ?
Non. La vente par lots se doit d'être moins chère que la vente par titre.

La musique populaire doit-elle être obligatoirement de mauvaise qualité ?
Êtes-vous sûr d'avoir un goût populaire ?

Vous vous positionnez en "découvreur" de talents... Considérez-vous (en toute bonne foi) que Star Academy est de la découverte de talent ? Ne serait-ce pas au contraire l'exemple le plus abouti de merchandisation de la culture ?
Qui se rappelle aujourd'hui que Thierry Le Luron, Mireille Mathieu, Johnny, par exemple, ont démarré dans des radio-crochets TV ? Tous les moyens sont bons pour découvrir les nouveaux talents. Ceux qui, depuis cinq ans, tournent en permanence, ceux qui écrivent dans leur chambre de bonne, ceux qui se présentent à un casting de comédie musicale, etc. Sur le deuxième point, je revendique à 100% la merchandisation de la culture. Le seul endroit où la culture n'est pas marchande c'est lorsqu'elle est d'Etat... Je n'ai aucune fascination pour l'art mussolinien, stalinien... L'art choisi par les princes.

Vis à vis des distributeurs type Fnac, Virgin Megastore et autres, est-ce que le mp3, et en particulier les plate-formes que vous avez créées avec vos confrères (les autres majors), ne constitue pas un frein dans vos relations à venir ?
Le jour proche, je l'espère, où les internautes ne pourront plus accéder aux sites pirates, nous assisterons à l'explosion des sites de musique payants sur Internet. Je parie, avec vous, qu'il y aura plus de sites de musique que de disquaires dans les années 70.

Quelle est la position de vos artistes concernant la diffusion de leurs titres sur Internet ? Est-ce promotionnels ou dangereux à leurs yeux ?
La position officieuse est : très dangereux.

Napster, Kazaa... et après ? il y en aura un autre et ainsi de suite.. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait plutôt miser sur les produits dérivés des artistes ? Je suis sûre que si vous ajoutez des goodies (uniquement dans les cd) dans vos CD, vous aurez moins de piratage.
De plus en plus, nous sortons des packaging spéciaux, en tirage limité, par exemple.

Les principaux labels independants meurent peu à peu, ou sont rachetés, ce qui revient au même... N'allez-vous pas perdre la vraie source capable de découvrir les jeunes talents ? Chez Universal vous ne pouvez pas prendre de vrais risques...
Je pense que vous avez tort. Major et indépendants font le même métier : découvrir des nouveaux talents, de nouvelles tendances. Plus d'une centaine d'indépendants travaillent au quotidien avec Universal.

Avez-vous une date de sortie des futurs singles de certains acadamyciens ?
A partir de février... L'album de Nolwenn sortira le 18 mars.

Le style de l'album de Nolwenn sera variété française. Qu'est-ce que cela veut dire car c'est très vague ?
L'équipe de Pascal Obispo, Lara Fabian, Laurent Voulzy sont en train de composer pour elle.

Pourquoi est-il si difficile de rentrer en contact avec des chefs de produits chez Universal ???
Pour quoi faire ?

Eh oui !!! Pour quoi faire ? Produire ton disque ? Ne rêve pas, si t'es pas accadémicien de la télétrash, t'as aucunes chances !!!
1. Si elle veut produire son disque, elle doit contacter les directeurs artistiques. Il y en a 27 chez Universal. Les chefs de produits sont, eux, en charge de tout l'aspect image et publicité sur l'artiste.
2. Universal Music France sort 1.500 disques par an. 3 sortent de la real TV.

Finalement, Jean-Marie Messier, vous en pensez quoi ?
J'ai toujours eu des relations plus que cordiales avec Jean-Marie. J'étais un peu "sa récréation" car on se voyait la plupart du temps aux concerts. L'histoire dira si la théorie de la convergence était une réalité, mais il est clair qu'il a au moins commis une erreur de timing.

Quels sont les résultats de e-compil ?
230 000 téléchargements en un an. 2 millions de pages vues en décembre. Le nombre de clients augmente tous les mois. C'est le premier site de musique payant en France.

Vous vous présentez comme le plus virulent adversaire de KaZaA, pourtant le Club Dial, une filiale d'Universal Music, était annonceur sur le site peer to peer en fin d'année 2002 ! Le paradoxe est amusant, non ?
Ne confondez pas rumeurs sur Internet et réalité. Jamais nous n'avons acheté d'espace publicitaire sur Kazaa !

En tant que président de la SCPP, pensez-vous qu'il sera possible, un jour, de diffuser sur Internet de la musique exclue de la programmation FM en France sans payer des droits aberrants (planchers) ? (SACEM, SCPP, SPPF, ADAMI, ...)
Oui et d'ailleurs je pense que c'est déjà le cas. La musique a une valeur minimale, d'où les planchers.

Selon vous, Universal Music a-t-il fait des erreurs dans sa politique internet (site media, mp3 payant) ?
Universal Music France a très tôt été présent sur Internet, dès le milieu des années 90, avec un site consacré au label Barclay. Nous avons investi prudemment, mais je pense qu'aujourd'hui nous avons été la maison de disque la plus dynamique sur ce média.

Pourquoi n'avez-vous jamais payé de droits d'auteur à la SACEM pour les oeuvres que vous diffusiez sur balanceleson.com ? Alors que vous dites que la musique a une valeur minimale (je vous cite)...
Vous parlez d'un site BtoB. Et cela s'est fait en accord avec les artistes qui mettaient leur titre à la disposition des autres artistes.

En tant que président de la SCPP, pensez-vous exprimer l'opinion de toutes les maisons de disques, ou des majors ?
Il y a plus de 500 producteurs à la SCPP, dont 5 sont des majors. La majorité de notre conseil est composé d'indépendants. Lorsque je parle en tant que président de la SCPP, je reflète l'opinion de l'ensemble des producteurs.

Pouvez-vous parler librement de votre salaire ou des salaires de vos artistes les plus en vue ?
Pourquoi n'avez-vous pas acheté le Figaro de lundi ? Cela vous aurait donné une tendance. Me concernant, je gagne l'équivalent d'un artiste qui ferait un disque de platine. Malheureusement, pas un double ! (de platine)

Donc, la musique gratuite vous ne supportez pas, mais quand il s'agit de ne pas payer les auteurs et artistes, cela vous dérange moins... c'est ca ?
Universal verse à la Sacem plus de 350 millions de francs par an.

Quelle est la synergie du groupe Universal s'agissant de la musique et des téléphones mobiles ?
1. Universal music mobile a presque atteint les 500 000 abonnés (merci SFR et Chico ;-)).
2. Nous développons, au niveau européen, des bouquets de services à l'intention des opérateurs de téléphonie mobile.

Vos 3 CD préférés de tous les temps, tous labels confondus... ?
Bob Marley "Babylon by bus", Barbara Pantin, Pink Floyd "The Wall", Genesis, les Clash, Cure, Lavilliers, Yves Simon, Bowie sont quelques uns des disques qui ont bercé mon adolescence.

Personnellement, combien de CD auto-produits et maquettes écoutez-vous chaque jour ?
Directement, 3-4 le week-end. Maintenant, il y a plus de 40 personnes (directeurs artistiques, directeurs de labels etc.) qui écoutent en permanence.

Si vous ne réussissez pas à rétablir la musique payante, avez-vous peur de vous faire virer (comme J6M) ?
Cela ne serait pas très grave. Ce qui serait plus grave, c'est que, demain, il n'y ait plus de musique française parce que, économiquement, elle n'aurait plus de sens.

Vous avez été très médiatisé par l'intermédiaire de la Star Academy, qu'est-ce que cela vous a apporté ?
Je gagne du temps quand je drague en boîte. Plus sérieusement, je pense qu'il est important que les producteurs de disques, à l'image du cinéma, soient connus du grand public. C'est pour cela qu'il y a quatre ans, j'ai commencé à signer toutes les publicités TV par "c'est un disque Polygram" puis, après rachat, "... Universal". C'est pour cela qu'aujourd'hui ce sont les labels qui sont mis en avant, ainsi que leur patron : Santi ou Zeitoun.

Une étude de Jupiter Research montre que ceux qui téléchargent le plus sont aussi ceux qui achètent le plus de disques...
Ce qui prouve bien que Jupiter est bien loin de la terre !!!

Comment mettre en application ce que vous avez proposé sur le filtrage des réseaux peer to peer par les FAI, alors que le téléchargement de MP3 leur sert d'argument pour vendre de l'ADSL ?
Dura lex, sed lex.

Avez-vous l'intention de poursuivre en justice les utilisateurs de Kaaza qui partagent des fois 300 ou 800 mp3 ?
C'est le cas en Scandinavie. Ce n'est pas, pour l'instant, dans notre plan sur la France.

La vente de CD a encore augmenté, en France, en 2002. Votre argumentation autour du diabolique MP3 tient-elle encore ?
Vous imaginez quelle progression il y aurait eu sans cela... N'oubliez jamais que développer un artiste prend du temps et coûte beaucoup d'argent. Plus le marché se développe, plus nous aurons les moyens de donner leur chance à des nouveaux talents.

Napster et ses clones luttent contre le racket des majors. Qu'en pensez-vous ?
Je pense que votre vision est simpliste. Maintenant, oui, je revendique le fait qu'il faut du talent pour être producteur de disques comme de cinéma. Que le producteur prend des risques financiers lourds et que, donc, il doit recevoir une juste rémunération pour cela. Pour votre information, sur les 5 majors du disque, 2 étaient en perte l'an dernier.

Votre calcul des pertes en fonction des échanges de MP3 est totalement aberrant, je trouve. Vous appliquez le même principe que le BSA : tout ce qui est pirate est de la perte sèche !...
Mon calcul est simple : 150 millions de titres pirates téléchargés par mois : prenez 10% de cette quantité et considérez que le consommateur est prêt à payer un euro. Cela représente 15 % du marché.

"Jupiter bien loin de la terre" : cela prouve que vous n'avez rien à redire, suivant, en cela, vos collègues qui affirment qu'Internet fait baisser les ventes alors que ce n'est pas prouvé (on peut trouver bien d'autres facteurs, comme la piètre qualité de l'offre, le boom des DVD, etc.)...
Aux USA, autour des universités, tous les disquaires ont fermé après l'arrivée de Napster.

La guerre est déclarée par vous : c'est vraiment amusant ! Pourrais-je savoir qui modère le chat : quelqu'un de chez Universal ? Ne trouvez-vous pas que pressplay est un pur racket du consommateur ? [NDLR : le chat était modéré par le JDNet]
J'ai l'impression que vous voyez du racket partout. De plus, vous n'êtes pas Américain, donc vous ne pouvez pas y accéder. Où est le racket ?

Avez-vous déjà téléchargé de la musique sur un outil peer to peer ?
Oui. Je ne mourrai pas totalement idiot...

Internet est-il, pour vous, une source de découverte de nouveaux artistes ?
Nous avons signé quelques nouveaux artistes par le biais d'Internet, dont une chanson qui est sur le premier album de Jenifer.

Pourquoi avoir arrêté le Café du live, qui permettait la découverte de ces nouveaux artistes ?
Réduction budgétaire, quand tu nous tiens...

Est-il vrai que la direction générale de VU, sous l'ère Messier, avait imaginé mettre des virus dans les fichiers Mp3 en téléchargement peer to peer ?
Oui et Sheila est un homme.

Vous intéressez-vous déjà aux VJs, Viewsicians, Vusiciens, nouvelle espèce d'artistes portés sur le SON ET L'IMAGE ?... en terme de production, j'entends...
Oui, c'est compliqué, ça coûte cher mais, définitivement, c'est l'avenir et c'est passionnant.

Quoi ?! Sheila est un homme ? On m'aurait menti ?????
;-))))

Dans votre entreprise, faîtes-vous la guerre aux utilisateurs d'outil peer to peer ?
Bah oui...

"Sheila est un homme" et Jean-Pascal se retrouve dans les bacs au côté de Bashung. Pourquoi ?
Il se trouve à une distance de huit bacs. Merci de rappeler qu'Alain a sorti chez Universal sûrement un des plus beaux albums/oeuvre d'art de l'année 2002.

Quel sera le titre du premier single de Nolwenn ? Vous le savez déjà ?
A priori "KC".

Si Kazaa ferme à la suite des procés, à votre avis, le réseau va continuer à tourner ou "Sheila est un homme" ?
Je ne crois pas à l'avenir à moyen terme du peer to peer.

Pourquoi ?
1. Il est essentiellement fondé sur des échanges pirates et je ne pense pas que l'avenir du réseau soit sur les contenus illicites.
2. Cela ne sera pas supportable économiquement à terme pour les FAI et les hébergeurs à cause du coût de la bande passante.

La France est l'un des rares pays industrialisés à voir ses ventes de CD augmenter en 2002 par rapport à 2001. Cette "exception" française n'est-elle pas une preuve de la qualité de nos interprètes nationaux ?
Plus de 60% des ventes de disques en France sont des disques d'artistes français. Un disque français sur 4 se vend à l'international. Par exemple, il y a actuellement une vague française en Italie. Cela va dans votre sens. De plus, il y a une vraie fidélité des français à leurs artistes. Regardez les succès récents de Renaud ou Hallyday. C'est cela l'exception française.

Ne trouvez-vous pas la situation de monopole des 5 majors comme un danger pour la diversité culturelle ?
Plus d'un disque sur trois est produit, aujourd'hui, par des indépendants, même si, la plupart du temps, ils utilisent les majors pour les distribuer, voire même les marketer. La grande différence entre le cinéma et la musique, c'est que les majors produisent ou financent la production de beaucoup d'artistes locaux. Chez Universal, il y a plus d'une dizaine de labels intégrés (de Barclay à Polydor, de Decca à Verve, de AZ à Mercury, etc.). Tous ces labels ont une histoire, de temps en temps centenaire. En période de crise, on assiste toujours à une concentration du marché et vous parlez aujourd'hui de 5 majors. Y en aura-t-il encore 5 dans un an ? Pour finir, la base de notre métier, c'est l'humain et le talent, et, celui-ci, il est chez les majors et chez les indépendants. D'ailleurs, j'en veux pour preuve le président actuel du syndicat des indépendants dirigeait avant une major [NDLR : Patrick Zelnick, ex-PDG de Virgin, aujourd'hui à la tête de Naïve].

Que diriez-vous à Patrick Bruel pour le faire venir chez Universal ?
Ce n'est pas dans la tradition de la maison de débaucher des artistes qui connaissent du succès à la concurrence. En revanche, certains ont changé de maison de disque et ne s'en plaignent pas : je pense à Marc Lavoine et Gérald de Palmas qui nous ont fait le plaisir de nous faire confiance. Universal c'est d'abord une maison d'artistes avant d'être une maison de disques.

Dis donc, modérator, tu le vois, toi, Pascal Nègre ? Il est comment en vrai ?
Grand, gros, chauve et sans cigare..

Pascal Nègre : Sur cette vision apocalyptique, bonsoir et merci à tous et à toutes !

 
Propos recueillis par [Rédaction, JDNet]


 
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