Programmé depuis près de deux
mois, le Chat JDN avec le PDG de ChateauOnline a eu
lieu le lendemain de l'annonce d'une prise de participation
des Vins Henri Maire dans le capital du caviste en ligne,
un projet sur lequel les responsables des deux entreprises
travaillaient depuis plusieurs mois (Lire l'article
du JDN). L'événement a évidemment
donné lieu à de nombreuses questions,
mais Christophe Poupinel a aussi discuté avec
les lecteurs de son business-model et de sa logistique,
de ses chiffres et de ses projets, de marketing et d'oenologie...
Christophe Poupinel : Bonsoir à tous.
Pourquoi Henri Maire a-t-il
choisi ChateauOnline (ou l'inverse) ?
Christophe Poupinel Nous nous sommes, bien sûr,
choisis tous les deux. Il y a des synergies très
importantes entre nous deux.
N'auriez-vous pas souhaité nouer
un partenariat plutôt avec une sociéte bordelaise ?
L'essentiel du partenariat porte sur la logistique.
Henri Maire est situé au barycentre de l'Europe, donc
idéalement placé pour expédier
les commandes.
Bonjour. Quelle est la situation
actuelle du secteur de la vente du vin en ligne (croissance,
crise) ?
Il n'y a pas de chiffres sur le secteur mais, en prenant
les infos venant des sites majeurs : croissance soutenue,
sauf pour les primeurs 2001 qui sont passés après l'extraordinaire
millésime 2000.
Quel est le montant de pertes
estimé pour 2002 ? Et quand pensez-vous devenir rentable
?
Grâce à l'opération Henri Maire : rentabilité
prévue sur Q4 2003.
Curiosité : quels sont vos
meilleurs souvenirs de dégustation (grands vins ou autres
plus accessibles, bien évidemment... :-)) ?
Un talbot 43 qui sortait de la cave de mon grand père...
Chateauonline est plutôt axé
BtoB ou BtoC ?
90% BtoC, 10% cadeaux d'affaires, incentive...
Les enchères... Moteur de traffic
et de revenus pour Chateauonline ?
Nous sommes devenus, en trois ans, la première
maison de vente aux enchères de vin en France,
on et offline. L'activité est profitable depuis six
mois.
Quid des pertes 2002 ? Soyez
plus précis !
Désolé, nous communiquons beaucoup de chiffres, mais
pas celui-ci. La raison est simple : la perte en 2002
a été divisée par sept entre janvier et décembre
; le total de l'année n'est pas représentatif.
Pouvez-vous en dire plus sur
les synergies avec Henri Maire ?
HM a 10000 m2 de surface d'entrepôt et expédie
100 000 commandes par an. Le coût, pour eux, d'y
ajouter nos 25 000 commandes n'est pas 25% de plus,
donc il y a création d'économies d'échelle.
Quel est votre panier moyen
?
250 .
Question pratique : nous avons
commandé sur votre site du vin en primeur qui devait
être livré début 2003. Depuis la confirmation
de la commande, plus de nouvelle. C'est un peu angoissant
pour un "consommateur". Pouvez-vous nous dire quand
nous serons livrés ? Ne faudrait-il pas informer davantage
vos acheteurs ? Merci d'avance.
Question sur les primeurs, je pense. Nous avons commencé
à livrer il y a six semaines, et nous contactons les
clients au fur et à mesure que les vins arrivent dans
nos chais. Certains chateaux n'ont toujours pas rendu
disponibles les vins. La livraison sera bouclée avant
mai, je pense.
Henri Maire chez ChateauOnline,
c'est la fin de l'Internet ?
Les stratégies de marque, de gamme, d'achat des
deux sociétes restent totalement independantes, donc
je pense que c'est le début !
Pourquoi acheter du vin sur
Internet, et notamment sur votre site, plutôt que chez
un détaillant (du type Nicolas ou Bacchus) ?
Faîtes les deux, mais achetez du vin ! Chateau
offre 2000 références; il y en a 400-600
chez un caviste. Tous les vins sont dégustés par notre
comité de sommeliers, ils sont livrés a domicile et
le prix est inférieur dans 90% des cas.
Qui sont les acheteurs de Chateau
Online ? Quels outils utilisez-vous pour suivre leur
satisfaction ?
Hommes 35-55 ans csp +, 55% France, 45% UK, Allemagne
et cinq autres pays européens. Le meilleur indicateur
de satisfaction est la fidélité. Nous avons également
mis en place des questionnaires de satisfaction et un
club VIP : "le paradis".
Le rapprochement avec HM serait-il
un aveu d'un problème de stratégie et du fait qu'il
soit difficile d'être un acteur rentable du Net sans
une implantation plus traditionnelle ?
HM n'a "pas" d'implantation traditionnelle : ils font
de la vente à distance. Le point est que la logistique
est à 80% un coût fixe (hors transport), et que
ce coût s'amortit difficilement sur une jeune
société.
L'achat de fichiers contenant
adresses postale + Email fait-il partie de votre stratégie
pour augmenter votre audience ?
Nous n'achetons pas de fichiers. Nous en avons loué,
parfois : l'efficacité n'est pas excellente.
Le vin et les listes de mariages...
;-) Y avez-vous pensé ? Si oui, les résultats sont-ils
probants et avec qui ?
Nous avions noué un partenariat, mais avec un site qui
a disparu.. Nous le faisons en direct sur notre site
: JM Deluc vous conseille sur le menu, choix des vins
etc...
Le Parisien - 16 mars 2000 sur
Chateau On Line : « Un des plus grands choix de vins
du monde » Joli coup ! Comment fonctionnez-vous en termes
de stocks?
Nous vendons en effet des vins de quinze pays différents.
Notre meilleure vente 2002 en France est un vin espagnol,
ce qui est exceptionnel compte tenu que le marché
est, à 95%, des vins français. Nous avons une
équipe d'acheteurs et de sommeliers qui dégustent
en permanence.
Quels sont vos concurrents les
plus dangereux, et comment comptez-vous développer
les avantages comparatifs ?
Le marché du vin sur Internet est vraiment petit,
comparé à la taille du marché total (60 milliards
d'euros). Donc la priorité est de faire croître
le marché. Vs concurrence : qualité, choix, service
et.. le paradis !
Par rapport au projet de départ
de ChateauOnline, quelles ont été les bonnes et mauvaises
surprises ?
La mauvaise: le marché a été plus lent à démarrer
et nous étions donc surdimensionnés, d'où
la nécessité de réduire la voilure.
Les bonnes : le positionnement choisi par les fondateurs,
Grégory
Salinger et Alexandre
Basdereff était le bon : qualité, service,
international, un seul entrepôt, très belle
marque.
Qui sont vos concurrents les
plus sérieux ?
Ils sont tous sérieux : winenanco, rouge et blanc,
virgin wines, hawesko.
Thomas Lot a fait un court
passage à ChateauOnline avant de partir chez Amazon.
Quel bilan ?
Question suivante ?
Faîtes-vous vos courses
sur Internet ? Quels produits ?
Le vin, les livres, les fleurs sur Aquarelle, les voyages,
les tickets... et j'ai été très
heureux de retrouver un livre d'enfance, "l'enfant et
les sortilèges", de Colette et Ravel, sur Chapitre.
Quel est votre effectif actuel
?
Une petite trentaine de personnes.
Afin d'atteindre le point d'équilibre
en 2003, quels sont sont vos principaux plans d'action
?
La mise en oeuvre de notre deal avec HM + croissance
du chiffre en France, Grande-Bretagne et Allemagne.
Le modèle économique
semble bloquer sur les coûts logistiques par commande.
De combien sont-ils ? Comment les réduire ?
Justement par ce fameux partenariat.
Pensez-vous ouvrir le champ
de votre site à des liqueurs à la suite de l'entrée
de votre nouvel actionnaire ?
Les deux ne sont pas liés, notre partenaire étant, avant
tout, un producteur de vin. Nous l'avions fait dans
le passé (whisky, cognac...) et nous devrions
le refaire.
A combien estimez-vous le marché
du vin par Internet par rapport au marché total que
vous mentionnez ?
Question très très difficile, 500-1000
millions d'euros... Mais je ne parie pas une bouteille
de champ. !
Le point-relais n'est-il pas
la solution pour baisser les coûts de livraison
sur les commandes de taille moyennes ?
Très bonne remarque, nous y travaillons.
Quelle est la meilleure année
pour un Yquem ?
Ca y est... le piège. Contactez jean-michel.deluc@chateauonline.com.
Question bête... Avez-vous remarqué
une diminution des ventes à destination de nos voisins
anglo saxons ?
Non, pas vraiment.
Quelle part de votre budget
consacrez-vous au marketing et à la pub ?
Un petit 5% de notre CA.
Livrez-vous aux USA ?
Pas encore. Nous y travaillons, même si le focus reste
surtout l'Europe ; mais la législation US est
très compliquée.
Y a-t-il encore, d'après
vous, de la place pour un nouvel arrivant sur le marché
français du vin online ?
Je pense qu'il y aura encore beaucoup de nouveaux intervenants
de taille moyenne (producteurs, négociants...).
En revanche, cela sera diffcile de croître : les
investissements sont colossaux et ils sont derrière
nous.
Quelles sont les prochaines
stratégies marketing on line prévues ?
Nous travaillons sur un projet de dégustation
à très grande échelle, relayé online.
Les clients sont-il fidèles
?
Les amateurs de vin, avec l'âge... boivent de
plus en plus, de mieux en mieux, donc c'est un bon marché.
D'autre part, un client content de son fournisseur ne
souhaite pas trop changer, même s'il achète egalement
ailleurs. Nous ne prétendons pas avoir 100% des
achats de nos clients.
Pouvez-vous détailler un peu
plus ce que vous entendez par "investissements colossaux"
?
Le site sécurisé, front et back, relié pour avoir les
stocks en live, pluggués sur l'entrepôt... Plusieurs
millions d'euros + le marketing + la logistique. Difficile
de monter un système automatisé et "scalable" à moins
de 3 à 5 millions d'euros.
Intel a investi, en 1999 dans
Chateau Online. Est-il toujours dans le capital de la
société ?
Intel s'est désengagé des investissements, hors de leur
core business, dès 2001.
Après le succès de votre site,
de son nom, dans quelle mesure pensez-vous avoir attiré
vers le Net des clients qui n'achetaient que peu, ou
pas, de vin auparavant ?
Nos clients sont, avant tout, des amateurs de vin, pas
forcément des experts. Mais, pour dépenser 200 et plus
dans une seule commande, il faut s'intéresser au vin.
Un client passe combien de commandes
par an, en moyenne ?
Les clients fidèles : quatre en moyenne. Avec de fortes
variations : certains préfèrent une grosse
commande par an (foire aux vins, Noël), d'autres
aiment fouiner et recevoir une livraison tous les deux
mois.
A propos du projet de dégustation
: est-ce le constat qu'il est difficile de vendre du
vin online sans que le client puisse goûter ? Ceci constitue-t-il
un frein majeur ?
Pas du tout : je pense que le "marché des vins
dégustés avant d'être achetés" représente
moins de 5% du marché. Les hypers vendent 70%
des vins en France : avez-vous déjà dégusté
dans un hyper ? Le projet de dégustation est,
avant tout, un moyen de recruter des prospects.
Vous louez vos adresses emails
de clients à travers les services d'un broker...
La location est-elle également possible pour des sites
de gastronomie, voire de cybercavistes, ou avez-vous
des clauses d'exclusivité ?
Nous le faisons très peu, sur une partie de notre
base et seulement avec le consentement de nos clients.
En revanche, nous n'acceptons pas de le faire avec des
concurrents.
Quel était le montant de la
plus grosse commande jamais enregistrée sur ChateauOnline
? (détail des produits commandés SVP) ?
Plus grosse commande en BtoC : 20K en une seule fois
sur des grands vins de Bordeaux, par un Allemand je
crois.
Pensez-vous vous diversifier
à la commercialisation d'autres produits que le vin
?
Tout d'abord, focus sur le vin en Europe : nous avons
encore beaucoup de travail à faire. Ensuite, nous regarderons
de façon opportuniste. Que souhaiteriez-vous trouver
sur notre site ?
Réponse : l'art de la table
et du verre en particulier...
OK. Merci. C'est drôle... je vois, demain matin,
un des leaders des objets du vin...
Dans la cave de la maison que
je viens d'acheter à Montpellier, j'ai trouvé quinze
bouteilles de Vin Fou Henri maire (véridique...)
Puis-je les échanger contre des actions ChateauOnline
?
Cher Tanguy : dégustons ensemble ces bouteilles et je
vous envoie un mail dès que nos actions seront sur le
marché.
Selon vous, le client online
compare-t-il les prix avec la concurrence ? Quelle importance
accordez-vous aux moteurs comparatifs de prix ?
Ces moteurs fonctionnent très bien sur les activités
voyage, multimédia ; moins sur le vin. Il y a
des centaines de milliers de référence
sur le vin : difficile de comparer...
Avez-vous un projet de diffusion
de catalogue papier dans un réseau de points de vente
partenaire qui pourrait enregistrer des commandes ?
Pas exclu, mais rien de conclu. En revanche, nous ne
souhaitons pas aller vers la VPC.
Franchement, si c'était à refaire,
vous créeriez ChâteauOnLine ?
Je ne l'ai pas créé... mais je crois que oui ! 2001
et 2002 ont été très durs... Je pense que les années
qui viennent nous donneront raison.
C'est quoi votre vin préféré
?
Selon les jours, les lieux, les humeurs, les plats,
les amis : je m'apprête à ouvrir, ce soir, une
bouteille de Bolinger pour fêter le partenariat.
Je suis un fan du Dom Laougué, du Madiran.
Et vos sites préférés
sur le Web ???
Aquarelle, Chapitre, Alapage, le site de l'Opéra
de Paris, Planète pêche !!!
Après ces années diffciles pour
le Net et votre succès, que diriez-vous à ceux qui veulent
se lancer (pas nécessairement dans le vin !)
?
Nous parlerons de succès dans quelques mois ou années.
Mais, sinon, go for it : les malheurs et bonheurs de
cette histoire du Net ont, en tous cas, donnée aux jeunes
français le goût d'y aller : vive la France
qui bouge !
Christophe Poupinel : Bonsoir et merci à tous.
Merci également à tous ceux qui ont participé à l'histoire
de Chateau, et à bientôt sur notre foire aux vins.
|