Pour son baptême du feu en
matière de Chat, Christophe Cousin, président
de la commission "eDirect" du SNCD (Syndicat national
de la communication directe) est revenu sur la position et sur
les actions du syndicat concernant les principaux débats
qui animent le monde de l'e-mail marketing. Et les débats
sont nombreux, au sujet de la Loi pour la Confiance dans L'Economie
Numérique (LEN), mais aussi du spam. Plus de trente questions
posées par les lecteurs du JDN pour comprendre et faire
le point.
Le
SNCD c'est quoi exactement ?
Christophe
Cousin. Le
Syndicat National de la Communication Directe, un syndicat
professionnel donc, qui a été créé en... 1933.
Quelle
est l'action du SNCD concernant l'e-mailing ?
Nous travaillons sur plusieurs axes pour structurer
et développer ce marché en définissant des best pratices.
Quelle
est la taille du marché du mail marketing (nombre de prestataires,
CA, effectifs...) ?
En 2004, c'est plusieurs dizaines de millions
d'e-mails envoyés pour environ 10-15 millions d'euros de CA.
Ces
chiffres c'est en France ?
Oui. J'ajoute que c'est aussi un grand nombre
d'acteurs (propriétaires, courtiers, agences, routeurs) dont
les effectifs globaux sont plus difficiles à estimer.
Quelle
est votre position concernant la LEN ? Etes-vous favorable
à une réglementation ?
Ça commence fort ! Nous ne sommes pas contre
une loi sauf si elle cause un préjudice trop important aux
acteurs de ce marché. Cela pourrait être le cas avec la LEN
dans sa version actuelle. Il faut aussi tenir compte de l'auto-régulation
des acteurs, qui est très forte en France. Une loi doit permettre
de structurer et de développer le marché plutôt que de le
brider.
Que
reprochez-vous au projet de loi LEN ?
Tout d'abord, je parle ici d'une partie de la
LEN (l'article 12). Beaucoup d'articles ne concernent pas
l'e-mail et la prospection directe. Il y a plusieurs reproches :
le premier concerne l'objectif de la loi. Il nous semble illusoire
de réduire le spam avec une loi franco-française alors que
la majorité du spam provient des Etats-Unis et d'Asie. Par
ailleurs, l'ambiguïté de certaines phrases ne va rien résoudre,
bien au contraire. Enfin la création d'un régime transitoire
obligeant à resolliciter des personnes ayant déjà exprimé
un consentement peut amener certains acteurs à de grandes
difficultés économiques alors qu'ils ont toujours bien géré
leur "relation client".
Parmi
les acteurs du marché, qui est impacté par la LEN ? Pourquoi ?
Dans la version actuelle de la loi, toutes les
sociétés qui collectent et exploitent des données personnelles
sur les médias électroniques nous semblent être impactées.
Elles vont être impactées sur leur façon d'exploiter les bases
déjà constituées (c'est le fameux régime transitoire) et sur
la façon de collecter des consentements à moyen terme.
La
LEN en France va-t-elle être plus souple ou plus dur que dans
le reste de l'Europe ? Le SNCD a-t-il une action sur
l'application de cette loi ?
Elle
est dans la lignée des autres textes (ce qui est logique puisque
c'est une déclinaison d'une directive européenne). Le SNCD,
avec d'autres syndicats, mène de nombreuses actions de lobbying
pour faire avancer cette loi. Et pour l'instant, cela fonctionnent
bien puisque les textes ont déjà évolué, et plutôt dans le
bon sens. Mais rien n'est fini.
Pardon
pour les non-inités mais pourquoi l'article 12 de la LEN pose
un souci ?
Pour le SNCD, il reste trois sujets importants
: le périmètre de la loi et son application dans le monde
B2C et B2B (qui doivent être différents de la nature même
des communications échangées), la façon dont doivent être
collectés les consentements (il existe de nombreuses façons
de le faire respectueusement sans être contraint par une modalité
unique) et le régime transitoire de six mois après la promulgation
de la loi. Ce régime pourrait obliger les propriétaires de
base à resolliciter les internautes pour leur redemander un
consentement.
Comment
faites-vous du lobbying auprès des politiciens pour faire
changer cela ?
La démocratie française est bien faite pour cela :
le SNCD est allé voir les députés, les sénateurs, le gouvernement
pour expliquer et faire avancer le texte en proposant des
amendements.
Le
régime transitoire dont vous parliez a-t-il déjà été appliqué
dans d'autres pays ?
Pas à ma connaissance.
Le
SNCD a-t-il noué des alliances avec d'autres lobbies ou association
pour avoir plus de poids face aux politiciens ? Si oui,
lesquels ?
Oui bien sûr. Nous travaillons en particulier
avec l'AACC
et la Fevad
pour avoir plus de poids et éviter de s'éparpiller.
Vous
réfléchissez à des moyens de lutte contre le spam au sein
du SNCD ?
Il faut définir de quoi on parle : le spam
c'est environ 15 à 20 milliards d'e-mails par jour. La communication
directe par e-mail de prospection c'est quelques dizaines
de millions par AN. Ce n'est donc pas la prospection commerciale
qui créé du spam. Qui plus est, les membres du SNCD n'envoient
des messages qu'à des individus ayant accepté de recevoir
des newsletters, des promotions, etc. Nous sommes donc dans
un régime de consentement qui n'a rien à voir avec le spam.
Comment
définiriez-vous le spam ?
Ce
n'est pas facile ! Mais généralement c'est un envoi très massif
d'e-mails envoyés à des personnes qui n'ont pas donné leur
accord pour être sollicitées et sans possibilité de désabonnement.
Et généralement c'est pour des produits et services très identifiés
(réduction de dettes, viagra etc.).
Collaborez-vous
avec des homologues américains pour lutter contre le
spam qui vient des Etats-Unis ?
Pas encore. Cela pourrait venir car une nouvelle
loi contre le spam est en train d'être appliquée là bas. Il
faut dire que l'ampleur du spam est beaucoup plus important
outre-Atlantique. Et nous souhaitons travailler avec les webmails
et les FAI (dont certains américains) pour que les
e-mails provenant des membres du SNCD ne soient pas blacklistés.
Vous
parliez des différences d'application du texte actuel entre
BtoC et BtoB. Quelles sont-elles ?
Dans le B2B, il est normal d'envoyer un e-mail
non sollicité. C'est ce qui arrive dans le cadre d'une démarche
commerciale et de relations normales entre les sociétés. Interdire
ce type de communication, c'est tuer le commerce ! Avant
d'envoyer un e-mail à un de mes contacts commerciaux, je ne
peux pas lui demander son autorisation préalable à chaque
fois. Le serpent se mord la queue. Par contre, nous pensons
qu'il faut aussi dans le B2B pouvoir se désabonner d'une liste
de diffusion pour éviter des envois répétés et non souhaités.
A
part être président de la commission eDirect, comment occupez-vous
votre temps ?
Je co-dirige une société qui accompagne des clients
dans leur projets CRM B2C et B2B avec une approche très "terrain".
L'e-mailing
est-il plus performant ou non que le mailing postal ?
Vaste question. Qui nécessite de définir la notion
de performance. Cela dépend pour qui (la cible) et pour quoi
faire (par exemple les produits & services proposés). C'est
donc des médias plus complémentaires qu'autre chose. Et qui
fonctionnent très bien lorsqu'ils sont couplés (envoi simultané
d'un courrier postal et d'un e-mail).
Pas
performance, parlons de coûts, de retours...
Pour les coûts, l'e-mail est bien sûr moins cher
à créer, router etc... Pour les retours c'est déjà plus difficile
à analyser : il est compliqué de savoir qui a lu un courrier
postal et qui ne l'as pas lu. A mon sens, il ne faut pas mettre
en concurrence ces deux médias : pour vendre une Maserati
il vaut mieux faire un mailing très luxueux (comme un livre
qu'un de mes amis a reçu et qui est magnifique). Pour créer
du trafic sur un site de voyage (au hasard), l'e-mail reste
bien entendu plus adapté et performant.
En
juin dernier, vous avez lancé le baromètre de l'e-mailing.
Pensez-vous bientôt publier une deuxième édition ?
Oui. Et nous travaillons sur un autre
baromètre concernant le blacklistage "abusif" des e-mails
envoyés aux FAI et webmails.
On
estime que le spam sera complètement résolu d'ici trois ans,
y croyez-vous ?
Je ne sais pas. Mais il y a plusieurs pistes de
réflexions aux Etats-Unis comme le timbre e-mail par exemple...
Quel
est le coût moyen d'un e-mail ?
Entre 0.20 et 0.30 pour une adresse.
Quels
conseils pouvez-vous donner aux sociétés d'e-mailing qui souhaitent
appliquer les nouvelles dispositions législatives de la LEN ?
D'adhérer au SNCD. Nous travaillons en effet sur
des documents très opérationnels pour expliciter ce que la
loi va changer.
Lorsque
que vous recevez des mails publicitaires, les lisez-vous ?
Généralement oui, mais je ne suis pas forcément
représentatif de l'internaute moyen...
Quelle
est votre position sur les bases contacts qui se constituent,
se louent et se vendent sur le Net ?
Pouvez vous préciser votre question ?
Quelle
différence y a-t-il en terme de taux d'ouverture entre un
mail marketing et un courrier papier ?
Si le
taux d'un e-mail marketing est facile à calculer (les bons
routeurs le font), il est plus difficile de calculer le taux
d'ouverture dans le papier (on ne peut pas savoir ce que font
les gens dans ce domaine...). C'est donc difficilement comparable.
Comment
s'assurer de la qualité d'une base de contacts ?
Voilà une bonne question ! Il y a plusieurs critères
: comment et par qui elle a été collectée ? Est-ce que
les personnes qui sont dans cette base ont donné leur consentement
pour y figurer ? Il y a des critères techniques : l'âge
des adresses, sont-elles nettoyées, dédupliquées etc. Ensuite,
il y a la façon dont ces contacts sont exploités (souvent/pas
souvent), possibilité de se désabonner... La meilleure façon
d'avoir une idée, c'est donc de tester la base et d'analyser
les résultats.
Je
précise : ne trouvez-vous pas opaque le marché du trading
sur les bases ?
Non. Il y a bien quelques acteurs qui ne sont
pas recommandables mais la très grande majorité des courtiers
font bien leur travail. En tout cas, tous ceux qui font partie
du SNCD sont des références dans ce domaine.
Quelles
sont les solutions pour éviter d'être blacklisté abusivement ?
C'est un sujet assez technique. Globalement, l'idée
c'est d'avoir une base de bonne qualité c'est-à-dire une base
qui pour le FAI qui blackliste a un très faible taux de NPAI
(bounces).
Qui
sont les plus gros clients du marketing en ligne en France ?
Aujourd'hui tous les secteurs font du marketing
en ligne : les Telcos, FAI, services en ligne, VPCistes...
Un
annonceur ou une agence a-t-il le droit d'adhérer au SNCD ?
Il a le droit et le devoir.
La
pub par SMS a-t-elle de l'avenir ?
Sûrement, si elle est gérée de façon respectueuse.
Les
virus, c'est un autre risque pour votre activité ?
Non parce que les campagnes d'e-mails envoyées par les membres
du SNCD sont toujours signées. L'expéditeur est donc clairement
mis en avant.
Quel
est l'avenir de l'e-mailing dans les quelques années qui viennent ?
Incontournable ! L'e-mailing c'est comme l'Internet :
cela fait désormais partie de notre vie. Il faut simplement
trouver la meilleure façon de l'utiliser dans chaque cas de
figure. Et pour cela les professionnels français me semblent
avoir une démarche à la fois créative et pérenne. Je suis
donc confiant.
Christophe Cousin : Merci beaucoup. A bientôt
au SNCD...
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