Henri de
Maublanc, président de l'Acsel (Association pour le Commerce
et les Services en Ligne) et du fleuriste en ligne Aquarelle.com,
a dressé lors de ce premier chat de l'année
un bilan du marché de l'e-commerce en 2004. Des résultats
prometteurs.
Qu'est-ce que l'Acsel ?
Quel est exactement votre rôle ?
Henri de Maublanc. Nous sommes l'Association
pour le commerce et les services en ligne : c'est une
association qui regroupe les entreprises qui sont intéressées
directement ou indirectement par ces sujets. On y trouve
plusieurs catégories de membres : opérateurs de réseaux
et FAI, fournisseurs de logiciels et de moyens informatiques
et les fournisseurs de services.
Globalement, comment s'est
passé ce Noël 2004 ?
Pour Aquarelle très bien et pour l'ensemble du commerce
en ligne très bien aussi : il semble que nous ayons
eu plus de croissance qu'en 2003.
L'accélération des commandes
pour les fêtes s'est-elle fait sentir plus tard que
l'année dernière pour les sites d'e-commerce ?
Non, plus tôt.
Quels
secteurs ont le plus bénéficié des fêtes selon vous ?
Les secteurs clés du e-commerce sont les mêmes depuis
quelques années : high-tech, biens culturels et voyages.
Cependant 2004 aura vu de nouvelles marchandises et
de nouveaux services se développer avec des taux de
croissance élevés : l'habillement, les équipements pour
la maison, le jardin, etc. On a également vu
cette année les femmes entrer en force sur le e-commerce.
Vous annoncez une croissance
de l'e-commerce de 65 % à 70 % en 2004. N'êtes vous
pas un peu optimiste ?
Le troisième trimestre a connu 70 % de croissance cette
année, plus que le deuxième et plus que le premier.
Il s'est produit une accélération que nous ne sentons
pas ralentir. 2004 devrait tourner autour de 70 % de
croissance, notamment du fait de nouveaux entrants comme
les TPE et PME.
Quelle est le secteur qui
a le plus progressé en termes de chiffre d'affaires
en 2004 ? et celui qui est le plus à la traîne
?
En valeur absolue c'est certainement le voyage, à l'instar
du premier des acteurs, c'est-à-dire la SNCF, mais les
autres comme Lastminute ont également beaucoup progressé
et ils étaient dejà assez importants. En valeur relative,
les nouveaux secteurs - identifiés par des petites entreprises
- ont progressé de 150 % à 300 %.
Pensez-vous qu'il y a de
la place pour de petits acteurs qui voudraientt se lancer
sur le Web en 2005 ?
Je crois qu'il y a de la place pour beaucoup d'innovations
et en particulier pour les petits : c'est justement
ce que l'on a vu en 2004. Le haut débit change complètement
les possibilités d'usage de l'Internet et élargit considérablement
le nombre d'acteurs potentiels. L'Acsel a mis en place
en 2004 un nouvel indicateur de croissance qui mesure
justement les petites entreprises. Il y a donc bien
évidement des opportunités pour les entrepreneurs.
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Le
haut débit permet au marché en ligne
de devenir compétitif" |
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Pourquoi dites-vous que le
haut débit élargit le nombre d'acteurs potentiels ?
Le haut débit apporte beaucoup de choses : la qualité
de la connexion, la liaison permanente - ce qui est à
mon avis le plus important - le fait que la ligne de téléphone
soit disponible, etc. Tous ces éléments sont rassurants
et dans un foyer équipé en haut débit, c'est toute la
famille qui profite de l'Internet. C'est ce que l'on a
pu observer en 2004 au niveau des profils d'acheteurs
et de la nature des biens achetés. Seul le haut débit
permet réellement au supermarché en ligne de devenir compétitif,
par exemple.
Quels secteurs, selon vous,
ont encore du mal à prendre le virage de l'e-commerce
? Existe-t-il des barrières pour certains produits ou
peut-on tout vendre sur Internet ?
C'est une question très difficile. C'est une question
de compétitivité du service rendu au client. Dans de nombreux
cas, acheter en ligne des biens et des services (surtout
quand il s'agit de biens fortement digitalisés) sera très
pratique et très efficace pour les deux parties : le client
et le commerçant. Dans d'autres cas, l'efficacité est
moins évidente. Mais il faut s'attendre à tout : Mistergoodeal
a déjà vendu plus de soixante voitures sur le Net, or
le service n'existe que depuis deux mois.
Pensez-vous que certains modèles
économiques qui ont échoué en 2000 peuvent être relancés
avec succès aujourd'hui ?
Une question complexe.... Il semble que de nombreuses
valeurs identifiées en 1998 et 1999 puis abandonnées après
la crise sont en train de revenir : par exemple au niveau
des usages et de la publicité en ligne.
Pourquoi à votre avis
il n'y a pas plus d'acteur e-commerce cotés en Bourse ?
Envisagez-vous d'introduire Aquarelle ?
Votre information est un peu inexacte. Il reste en Bourse
plusieurs acteurs de l'e-commerce, en France comme aux
Etats-Unis : LDLC, Nomatica sont en Bourse, Aufeminin
également. De nombreuses introductions sont prévues cette
année en France et ailleurs. Il faut de mon point de vue
rester "intelligent". C'est-à-dire qu'il ne faut pas miser
sur n'importe quoi, mais je pense que certaines sociétés
ont beaucoup de potentiel. Aquarelle est encore un peu
jeune, mais le développement international et le développement
sur de nouveaux produits pourraient nous amener sur les
marchés.
Où en est le développement
d'Aquarelle en Europe ?
Nous sommes aujourd'hui présents et leaders en Belgique,
en Espagne, numéro trois en Allemagne. Nous démarrons
la Grande-Bretagne.
Quel est le chiffre d'affaires
d'Aquarelle en 2004 ?
13 millions d'euros en France pour l'Internet, 4 millions
d'euros en France pour les magasins; 1,8 millions d'euros
à l'étranger, principalement en Belgique, Espagne et Allemagne.
En combien de temps livrez-vous
vos produits ? Moi-même, je n'achète pas trop sur Internet
car j'aime avoir mes achats disponibles rapidement. Pensez-vous
que le temps de livraison pourra être réduit ?
En ce qui concerne Aquarelle, nous livrons le jour (et
dans la tranche horaire) que vous avez choisie. Nous pouvons
livrer Paris et sa région le jour-même si vous commandez
avant 17 heures. La province le lendemain. Le même modèle
est appliqué à l'étranger. Les bouquets sont fabriqués
près de Senlis pour la France. En ce qui concerne d'autres
e-commerçants, les délais de livraison doivent être indiqués
clairement.
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Les
marchands qui ne sont pas capables de régler
rapidement les problèmes des internautes
disparaîtront" |
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Que pensez-vous de la problématique
soulevée par le Forum des droits sur l'Internet concernant
les relations commerciales entre particuliers qui explosent
via les sites tels que eBay ou PriceMinister ?
Je ne crois pas que les problèmes explosent
: ce sont les volumes d'affaires et le nombre des transactions
qui explosent. S'il y a plus de transactions, il est normal
qu'il y ait plus de problèmes. Mais en valeur relative,
il y en a de moins en moins. Les initiatives de médiation
sont de toutes façon très utiles, surtout dans un environnement
où tout doit aller très vite : si on achète vite (en ligne),
on exige qu'un éventuel problème soit réglé rapidement.
Les e-commerçants qui ne seront pas capables de répondre
à ces exigences fondamentales de qualité disparaîtront,
car le consommateur est sans pitié. Dans ce domaine, on
peut dire que l'Internet rapproche les commerçants et
leur clients dans un dialogue "temps réel" et permanent.
Ce n'est pas le cas dans les autres formes de commerce.
Quel est le chiffre 2004 de
la fraude en ligne sur les sites d'e-commerce ?
Je ne sais pas exactement. Il est en tout cas pour les
enseignes membres de l'Acsel très faible. Pour ceux qui
ont des magasins "physiques", la fraude en magasin est
plus élevée.
Pensez-vous que les solutions
de paiement de type e-Carte Bleue, qui consistent à ne
pas laisser traîner son numéro de carte sur le réseau,
vont faciliter l'e-commerce ?
Tout ce qui donne "confiance" à ceux qui sont inquiets
de payer en ligne est bon pour l'e-commerce. On peut constater
cependant que le plus simple c'est d'utiliser sa carte
normale...
Travaillez-vous sur la thématique
du phishing au sein de l'Acsel ?
Oui, comme sur tous les problèmes liés à la fraude.
Que pensez-vous des liens
promotionnels : est-ce une panacée ou bien cela ne
convient-il qu'aux marchands ayant déjà un certain volume
de ventes ?
C'est une question très technique : ces liens sont
efficaces s'ils sont bien réalisés, si la sémantique qui
commande leur apparition est bien faite, etc... Nous ne
sommes qu'au début de l'Internet, beaucoup de choses vont
encore évoluer.
Et le système des enchères
de mots clés dans les moteurs ? N'y a-t-il pas un risque
que seuls les plus riches puissent accéder à la promotion,
et donc reproduire sur le Net ce qui se passe pour la
télévision et les autres supports ?
Les "riches" sont souvent avantagés. En fait, dans ce
cas, ce sont les plus inventifs, qui ont su créer des
entreprises, qui sont aujourd'hui bien placées. Dans le
commerce traditionnel, au-delà de l'inventivité, il faut
de l'argent pour acheter un fonds de commerce bien placé.
L'Internet a plutôt permis à de nouveaux entrants de créer
de véritables entreprises : eBay, Amazon, Nomatica, Chapitre.com,
Mistergoodeal, Lastminute, Pixmania, etc.
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Le
moral du secteur de l'e-commerce est très
bon pour 2005" |
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De plus en plus de commerçants
diversifient leur assortiment pour devenir des généralistes
? Pensez-vous
que c'est une tendance de fond et pourquoi
Ce que vous dites est très vrai pour les commerçants qui
vendent des biens digitalisés ou qui pratiquent de l'intermédiation
sans faire la logistique : Amazon, eBay, PriceMinister,
2xmoinscher en sont des exemples. C'est vrai aussi dans
le voyage dont la vente est très "digitale" et où le logisticien,
c'est l'internaute. Dans les autres cas je ne pense pas
que ce soit une très bonne idée.
Quel serait selon vous la
tendance e-commerce pour cette année 2005 ?
Comme la croissance en 2004 a été supérieure à celle de
2003, et qu'en plus la croissance en décembre et supérieure
à celle de janvier. Le moral est au beau fixe pour 2005
Comment se comportent les
autres pays européens par rapport à l'e-commerce ? Sont-ils
en avance, en retard par rapport à la France ? Pourquoi ?
Le secteur de l'e-commerce au Royaume-Uni est à peu près
trois fois plus important que la France aujourd'hui, mais
son taux de croissance est plus faible. Il faut souligner
que le Royaume-Uni possède une grande expérience en matière
de vente à distance (7 % du commerce avant l'Internet,
contre 2 % à 3 % en France). En Allemagne et au Benelux,
les situations sont comparables à la France. En Espagne,
la croissance est aujourd'hui très forte, ce pays est
parti plus tard mais il avance très vite.
Quelles sont selon vous les
technologies à venir qui vont faire décoller l'e-commerce
? la 3G ? l'UMTS ? le Wi-FI ?
L'e-commerce a déjà décollé et même il vole : 10 milliards
d'euros attendus en 2005, c'est l'équivalent de la vente
par catalogue. En cinq ans, c'est pas mal. Ces nouvelles
technologies renforceront les potentiels de croissance,
mais lentement : les habitudes et les usages ont besoin
de temps pour se modifier.
Que préparent les e-commerçants
en matière de mobilité (SMS, WAP, Géolocalisation...) ?
Ils réfléchissent. Selon leurs métiers, ces nouvelles
technologies présenteront des atouts plus ou moins importants.
Tous ce qui permet de "toucher" le client en mobilité
est potentiellement très intéressant, ne serait-ce que
pour assurer une meilleure logistique.
Votre avis sur les sites i-mode
marchands (Fnac, CDiscount) ?
Ce sont encore des "pilotes", mais la technologie permettra
un jour de faire beaucoup plus.
Qu'avez-vous pensé des clics
d'or 2005 ?
C'est une manifestation qui permet aux différents acteurs
de cette profession de se rassembler et de fêter un certain
nombre d'entre eux. C'est bon pour le développement de
l'Internet.
Combien gagnez-vous en tant
que président de l'Acsel ? Et en tant que patron d'Aquarelle ?
C'est une fonction bénévole, comme la plupart des fonctions
de Président d'Association. Aquarelle c'est différent
: 120.000 euros par an, intéressements inclus.
Quel type de produits achetez-vous
systématiquement en ligne ? Et pour lesquels préférez-vous
encore le offline (et pourquoi) ?
Voyages, livres, eBay, fleurs. Pour le offline : le
reste. Il n'y a pas d'autres raisons à ces choix que
la simplicité.
Henri de Maublanc : Bonsoir et bonne année.
Merci.
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