Les développeurs, les "laissés-pour-compte" de l'ère numérique

Beaucoup de gens s’accordent à dire que la 3ème révolution industrielle démarre. Dans ce contexte, permettez-moi de pousser un peu plus loin la comparaison en assimilant les ingénieurs développeurs d’aujourd’hui à l’équivalent des ouvriers et maçons de la seconde révolution industrielle.

Aujourd’hui, on les appelle les « doers », les « prestas », les « Techos » et bien d’autres petits surnoms pas toujours flatteurs...

Les ingénieurs informaticiens ont bien souvent été bardés de préjugés très stéréotypés. Dans l’imaginaire des gens, l’informaticien est un homme, « rarement une femme », timide et introverti, fana de jeux vidéo. Il a les cheveux longs, un comportement marginal, parle seul, se lave peu et reste, la plupart du temps, cloîtré dans une chambre avec des statuettes de manga sur le bureau tapant à la vitesse de l’éclair des hiéroglyphes incompréhensibles sur son clavier.

Le constat négatif du marché

Les développeurs sont trop souvent beaucoup trop timides, réservés et introvertis. Ils sont rarement de bons négociateurs et ont des difficultés à se valoriser et se mettre en avant sur le marché dès l’entretien d’embauche. Cette faiblesse les rend malheureusement vulnérables et faibles dans cette société capitaliste qu’est la nôtre. 

Nombreux sont les managers peu scrupuleux qui en profitent. Salaires au ras des pâquerettes, heures supplémentaires, considération déguisée. 

Bien que les ingénieurs soient à l’origine des applications que le monde entier utilise avec plaisir tous les jours, ils sont souvent laissés pour compte, restant dans l’ombre, rarement sur le devant de la scène. Les mérites et les éloges survenant à la sortie d’un logiciel reviennent souvent bien plus aux chefs, « product manager » et autres personnes placées au sommet de la structure pyramide de l’entreprise. 

Dans l’écosystème des sociétés dites « Technologiques », malgré parfois des diplômes d’ingénieurs, les développeurs restent en bas de l’échelle sociale. Le modèle pyramidal structurant les start-up et les ESN (anciennement SSII) est ainsi fait. Tel des ouvriers, les « doers » sont en bas, les « thinkers » sont en haut. 

En société de services, j’en ai vu des vertes et des pas mûres. 

Entre les société qui gonflent les CVs de leurs collaborateurs développeurs, rajoutant de fausses années d’expérience afin de justifier des prix toujours plus haut à leurs clients, et les clients qui vont parfois donner des badges à porter autour du coup aux « prestataires/externes » d’une couleur différente de celle des internes, difficile pour un développeur de se sentir humain, considéré ou valorisé. 

Conséquence, le turn-over chez les informaticiens est énorme. Rares sont les ingénieurs restant plusieurs années dans la même structure. Difficile d’avoir un sentiment d’appartenance dans ce contexte là. Certes, toutes ces sociétés ne sont pas toutes vicieuses et malhonnêtes, je veux bien l’admettre mais vous l’aurez compris, cet article se veut volontairement un tantinet provocateur. Certains abus doivent changer, j’en reste convaincu.

L’outsourcing, la délocalisation en masse 

Comme dans toute révolution industrielle, les employeurs ont besoin de main d’oeuvre, en masse. Ainsi, tout comme pour des maçons ou des ouvriers dans le BTP, il est possible de disposer de ressources à bas prix provenant d’Inde, de l’est, d’Afrique du nord, développant n’importe quel projet dans n’importe quelle technologie.

« Rendons à César ce qui appartient à César. »

Avant tout, un développeur produit, il CREE. J’insiste sur le verbe « créer », être développeur c’est pour moi être un tant soit peu artiste. Si j’exagère un peu, je dirai que donner un ordinateur à un ingénieur équivaut à donner de l’argile à un sculpteur. C’est lui donner la liberté de laisser libre cours à son imagination, le loisir d’inventer, d’innover, de solutionner !

Le développeur jongle avec les langages de programmation et les librairies « open source » tel un peintre mélange les couleurs sur une palette de nuance. Le développeur est clairement, par définition, un « magicien » des temps modernes. 

Franchement, qu’aurait-on pensé, sous Louis XIV, d’un homme capable, rien qu’en tapotant du bout des doigts sur une planche, d’animer des machines ou de créer une intelligence capable d’apprendre et presque de penser ? Fort à parier qu’ils l’auraient considéré comme étant l’incarnation du diable et l’auraient brulé sur le champ. 

En 2016, arrêtons les préjugés, les ingénieurs informaticiens ne sont plus marginaux. Les développeurs aujourd’hui savent très bien travailler en équipe, s’adaptent facilement dans tous les types d’entreprise, sont passionnés et prêts à produire des logiciels de qualité. Ils sont d’ailleurs généralement tellement passionnés qu’ils rayonnent d’une sorte d’ « aura de plaisir » lorsqu’ils codent et leur satisfaction, une fois leur code terminé, est souvent palpable et communicative au reste de l’équipe.

J’adore travailler avec des développeurs, je garde de magnifiques souvenirs de certaines expériences passées et présentes.

Amis développeurs, ne vous laissez pas faire 

Pourtant, le marché est loin d’être à l’avantage des employés. Il est temps que les ingénieurs se rendent compte des armes qu’ils ont à leur disposition. La demande pour des profils compétents est extrêmement forte et la tendance n’est pas prête de s’inverser.

Le travail des ingénieurs développeurs est INDISPENSABLE à l’économie numérique. Amis développeurs, soyez en conscients! Prenez confiance en vous. Vous êtes un maillon essentiel de la chaine. N’ayez pas peur de vous imposer davantage lors de vos entretiens d’embauche et faites en sorte d’être considéré comme il se doit, vous le méritez.

Vous n’êtes pas une case dans une grille, démarquez-vous

Qui ne connaît pas le fameux « coup de la grille » lors d’un entretien d’embauche ? L’employeur : « En considérant votre âge, votre nombre d’années d’expérience ainsi que votre nombre d’années d’études post-bac, votre rémunération sera, d’après la grille de XX KEuros. Désolé, n’espérez pas plus, le marché est comme ça. »

Qu’en est-il du mérite ? Qu’en est-il des heures passées le weekend, le soir à contribuer à des projets open source, à rester en veille et à se former sur les dernières technologies sorties ?  Comment la grille peut prendre en compte la valeur, la passion, la motivation ou l’attitude d’un développeur ?

Si tel est votre sentiment, mettez vos atouts en avant. Vos expériences comptent. Servez-vous en !

A l’international, certains développeurs sont de véritables stars 

Outre atlantique, la tendance est clairement différente. A l’instar des stars de la musique et du cinéma, certains développeurs ont même carrément des agents et sont parfois facturés jusqu’à 500 Euros par heure à leurs clients. 

D’autres ont des millions de followers sur les réseaux sociaux. Même Hollywood a commencé à produire des séries où des développeurs sont au centre de l’intrigue, 2 séries me viennent à l’esprit : « Silicon Valley » et « Mr Robot ».

Au Canada et aux États-Unis les salaires des ingénieurs informaticiens sont en moyenne 2 fois plus élevés qu’en France. La culture start-up, innovation y est d’ailleurs extrêmement plus développée.

France, traitez mieux votre savoir-faire

Est-ce une bonne façon de traiter les « maçons » de cette nouvelle révolution industrielle ?

Comment pouvons-nous rester économiquement compétitifs en restant aussi peu séduisants pour les jeunes diplômés développeurs ?