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Eric Daspet
Consultant Web
SQLI |
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Eric Daspet (Paris- Web)
"Les référentiels de bonnes pratiques Web sont en évolution permanente et itérative"
Co-organisateur de la conférence Paris-Web sur l'accessibilité, l'ergonomie et l'interopérabilité, Eric Daspet dresse l'état des lieux de la qualité Web en France, et évoque le chemin qui reste à parcourir.
20/06/2006 |
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JDN
Développeurs. Qu'est-ce que la qualité Web ?
Eric Daspet La qualité d'un service représente son adaptation à tous les besoins et toutes les contraintes auxquels il peut avoir à répondre. Les contraintes du domaine Web sont très diverses : de la consultation des pages sur le dernier téléphone à la mode, à l'accessibilité de l'handicapé moteur sans souris, en passant par celui de l'étudiant qui a du matériel dépassé ou du néophyte en informatique.
La qualité Web, c'est la possibilité pour tous ces gens différents d'accéder au contenu sans difficulté, aujourd'hui et à l'avenir. On peut tenter de regrouper les notions de qualité Web dans quelques grandes catégories qui se recoupent forcément entre elles :
l'accessibilité, qui vise à autoriser l'accès à tous ;
l'ergonomie, qui vise à optimiser l'utilisation du contenu auquel on a accès ;
et l'interopérabilité, pour permettre aux différents systèmes de communiquer entre eux.
C'est sur ces trois axes que nous organisons la première édition de Paris Web 2006, les 21 et 22 septembre.
Tous les handicaps trouvent-ils une réponse dans les bonnes pratiques d'accessibilité ?
Faire un référentiel de bonnes pratiques exhaustif couvrant tous les handicaps est impossible. Voilà, c'est dit. C'est une des raisons pour lesquelles ces documents sont en évolution permanente et itérative. Il n'y a pas de niveau parfait en accessibilité, juste un objectif qui reste toujours devant soi.
Ce que les utilisateurs de ces référentiels doivent intégrer, c'est cette notion d'objectif. Savoir que tout n'est pas parfait, mais procéder par étape. La plupart des référentiels mettent justement en uvre des niveaux pour montrer cette progression.
L'avantage du Web c'est qu'il y a la possibilité de faire évoluer le site et corriger les problèmes après publication. Il s'agit donc d'une évolution permanente.
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Il y a beaucoup à faire et un peu d'effort pourrait parfois donner de grands résultats." |
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Les besoins d'ergonomie actuels donnent-ils raison à Jakob Nielsen, après toutes ces années ?
Ils permettent au moins de confirmer que le sujet a été sous-évalué pendant longtemps. Les grosses entreprises s'intéressaient déjà à la question, mais elle était trop souvent reléguée au second plan derrière les fonctionnalités, l'équipe marketing et la gestion des coûts.
Jakob Nielsen ne fait pas l'unanimité dans ses positions radicales, mais il a raison sur le point principal : Il y a beaucoup à faire et un peu d'effort pourrait parfois donner de grands résultats.
Le Web devient plus mature et on se rend compte qu'il y a autant de contraintes et de qualité à attendre que dans n'importe quelle production. Celui qui ne fait pas les investissements nécessaires finit par disparaître.
Comment vendre l'accessibilité quand par définition les handicaps touchent
une minorité de visiteurs ?
Toutes les catégories de handicap sont minoritaires, mais toutes ces minorités ensemble constituent certainement un groupe non négligeable. Peu de gens correspondent au modèle sans aucun handicap.
Il y a 1,3 million de personnes en situation de handicap visuel. Combien de sociétés peuvent se couper d'un tel marché ? Pensez bien aussi que ces personnes seront peut-être les premières à tenter d'accéder au Web parce que se déplacer physiquement est plus complexe. Pensez aussi que l'accessibilité est un facteur discriminant, donc celui qui sera accessible récupérera d'un coup ces clients potentiels qui sont rejetés ailleurs.
En général ces deux points prêtent suffisamment à réfléchir quand on y rajoute tous les autres handicaps : les handicaps moteurs, les connexions bas débit, les petits écrans, les navigateurs alternatifs, etc. On obtient vite un chiffre trop conséquent pour être ignoré.
Au final, le problème n'est pas tellement de vendre l'accessibilité, mais plus de faire prendre conscience du problème. On pense aux aveugles et aux chaises roulantes, mais l'accessibilité c'est aussi pour vous, pour moi, pour le voisin.
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L'accessibilité est une évolution permanente." |
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Les professionnels se sentent aussi parfois dépassés par l'étendue du problème. Ils veulent pouvoir acheter la prestation, considérer qu'ils sont accessibles et ne plus y penser. Grâce à la segmentation par niveaux des référentiels existants, on donne des objectifs clairs et atteignables, qui permettent de choisir le niveau d'investissement à faire.
Depuis quand qualité et accessibilité font-elles partie des
problématiques des webmasters professionnels ?
Quelques agences Web sont sur la question depuis le début. Les WCAG (ndlr : Web Content Accessibility Guidelines) du W3C datent de 1999. En France, le sujet a toutefois commencé à être grand public assez récemment.
À partir de 2002 - 2003, on a vu l'arrivée des premiers blogs à orientation technique pour diffuser la bonne parole, la percée de Linux et la démocratisation d'Internet dans les foyers avec l'ADSL. Ces mouvements ont augmenté d'un coup l'attente des utilisateurs et le nombre de ceux qui sortent du moule standard.
L'arrivée d'alternatives crédibles à Internet Explorer a permis de profiter des dernières technologies, ce qui a accéléré le mouvement et la reconversion des professionnels.
Actuellement les notions de qualité et d'accessibilité sont dans l'esprit des professionnels, mais tous ne savent pas encore ce qu'il y a derrière. Les retours des premières conversions réussies sont en train d'accélérer la diffusion et les mises en uvre.
L'objectif de ParisWeb2006 est-il de provoquer un engouement pour la
qualité et l'accessibilité Web en France, ou de le confirmer ?
L'engouement arrive, il grandit sans nous. Le succès des inscriptions pour les 21 et 22 septembre nous le confirme. On en reste toutefois à une liste de mots clés et pas à une mise en uvre dans les projets au jour le jour.
Il faut non seulement confirmer cet engouement, mais aussi le transformer en faits concrets. C'est là l'origine de l'édition Paris-Web de septembre : répondre à la présence grandissante des mots clés "accessibilité" et "qualité Web". Une suite d'experts reconnus dans la conception et dans la qualité Web interviendront pour présenter leurs retours d'expérience et répondre aux interrogations.
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Mises ensemble, les minorités constituent un groupe non négligeable." |
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Les sites gouvernementaux doivent être accessibles à moyen terme, et
certains le sont déjà. Pensez-vous qu'une loi équivalente à la "Section 508"
des États-Unis permettrait de lancer plus globalement le mouvement en France
?
La question d'une législation qui s'appliquerait aussi au privé est plus sensible. La démarche de qualité Web est encore fragile. En voulant forcer les gens, nous risquons de les braquer et d'obtenir l'effet inverse : que l'accessibilité soit vue comme une contrainte et pas comme une chance.
Nous avons la chance que les responsables s'intéressent à l'accessibilité. Personnellement, je ne doute pas qu'ils finiront par être convaincus et investir dans l'accessibilité Web. Profitons de cet élan volontaire et misons dessus sans sortir tout de suite le répressif. S'il y a un échec et que la situation reste déplorable, alors il sera temps de penser à une législation contraignante avec tous les défauts qu'elle apporte. Ne grillons pas les étapes, d'autant que je ne crois pas à un échec sur le long terme. Personne n'y aurait intérêt.
WCAG 2.0 est en perte de vitesse actuellement. Comment l'expliquez-vous,
et quelles seraient les solutions pour pallier les manques de cette
spécification ?
Vous faites certainement référence au moins en partie au récent article de Joe Clark. Il soulève des points intéressants et difficilement contestables. Peut-être a-t-on voulu aller trop loin d'un coup au lieu de rester dans le concret.
Cette seconde version des WCAG est toutefois nécessaire. La première version a des lacunes importantes et son ancienneté commence à se faire sentir. Ce qui était conseillé il y a quelques années n'est plus forcément vrai aujourd'hui avec l'amélioration des logiciels.
Je ne suis pas trop préoccupé par l'éventuelle dérive des WCAG 2 vers du très théorique. La communauté et les agences Web ont déjà pris le relais pour créer des référentiels plus concrets. Les deux démarches sont utiles et les critiques récentes contre les WCAG 2 sont une occasion de corriger le tir du W3C pour obtenir un document référence.
Quel chemin reste-t-il à parcourir en France pour faire entrer qualité
et accessibilité dans la trousse à outils quotidienne des webmasters ?
Je trace généralement une courbe en évoquant d'abord la sensibilisation, l'information, la prise de décision, la production, puis la rationalisation. Bien que de nombreuses entités travaillent sur le sujet depuis des années, on doit se situer au début dans le cas de la qualité Web, à la phase d'information.
La maîtrise des étapes suivantes ne dépend plus des webmasters eux-mêmes. Une fois ces derniers sensibilisés, c'est aux décideurs de réagir, et d'être exigents en matière de qualité.
À terme toutefois, le qualiticien du Web sera intervenant indépendant dans chaque projet, comme l'est aujourd'hui le graphiste. S'il est important que le webmaster soit sensibilisé et formé sur la technique, on ne peut pas lui donner la charge de toute la réflexion sur l'ergonomie et la qualité. C'est un métier à part entière.
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Propos recueillis par Xavier Borderie, JDN Développeurs |
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PARCOURS
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Eric Daspet, 27 ans, est consultant Web Open Source.
2006 Consultant et formateur chez SQLI.
2004 Expert PHP et conception Web chez Aston.
Et aussi Il est co-rédacteur du livre "PHP 5 avancé", aux éditions Eyrolles, avec Cyril Pierre de Geyer.
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