INTERVIEW 
 
Karl Dubost
Conformance Manager
W3C
Karl Dubost (W3C)
"La nature ouverte du W3C le rend plus exposé aux critiques"
Conformance Manager au W3C, Karl Dubost travaille à établir des liaisons entre la communauté Web et le consortium. Il aborde les récentes critiques reçues par ce dernier.
26/09/2006
 
JDN Développeurs : Vous êtes entré au W3C en l'an 2000, au poste que vous tenez toujours actuellement. A quoi correspond votre rôle de "co-chair" au sein du groupe de travail Assurance Qualité ?
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Karl Dubost Co-chair se traduirait par "co-animateur du groupe". Le rôle du chair au sein du W3C est d'animer les discussions, de veiller à ce que celles-ci se passent en harmonie et dans le respect des règles établissant le fonctionnement du W3C.
Je suis également responsable de l'activité Assurance Qualité qui recouvre plus largement des activités d'éducation et de promotion des technologies développées au W3C. Ce travail de promotion s'accompagne d'efforts de coordination avec les développeurs et les concepteurs Web grâce à Olivier Théreaux.

En tant que co-animateur du groupe d'intérêt sur l'Assurance Qualité du W3C, vous êtes en première ligne des critiques faites récemment à l'encontre du W3C. Comment les résumeriez-vous ?
La nature particulièrement ouverte et accessible du travail du W3C met l'organisme dans une position plus propice à recevoir des critiques. Chaque technologie amène son lot de débats publics. Dans le passé, il y a eu des débats sur les brevets (ndlr : lire), ou sur les services Web (ndlr : lire).
Aujourd'hui, il s'agit des technologies autour du XHTML. Je trouve cela sain et cela démontre un aspect fondamental et unique du fonctionnement du consortium W3C, qui est son ouverture au public.

Actuellement, les technologies autour de XHTML, XForms et WCAG (ndlr : Web Content Accessibility Guidelines) sont autant de sujets de discussion en interne qu'en externe au W3C. Les différentes parties expriment leurs besoins en fonction de leur cœur de marché, en fonction de leur développement passé et de leur désir de capitaliser sur leurs expériences. Parfois, ces besoins sont de nature différente. La discussion est toujours ouverte.

Justement, la spécification WCAG semble avoir été le point de départ de ces critiques, allant jusqu'à parler d'incompétence de la part de ses rédacteurs. Quels sont les critiques reconnues comme avérées par le W3C ?

L'accessibilité sur le Web tout comme dans la vie de tous les jours est une question très délicate à résoudre par sa diversité d'applications et par sa nécessité. Les critiques émises à propos de WCAG sont à l'origine d'un seul article qui a engendré de nombreux débats et finalement d'autres articles dans les médias et autres blogs, ont étayé les contradictions qui s'imposaient. Une fois encore, il y a eu débat. Le groupe de travail WCAG a ouvert de nouveau la discussion afin de clarifier, et ce dans le consensus, certains points litigieux. La discussion et l'échange d'idées sont la source du travail du W3C.

La discussion et l'échange d'idées sont la source du travail du W3C."
De la même manière, XHTML 2.0, et dans un certain sens CSS 3, passent pour des Arlésiennes. Est-il raisonnable dès aujourd'hui de se préparer à leur utilisation ?
Dans le développement d'une technologie, il y a toujours des tensions entre ceux qui aimeraient que la technologie soit disponible de suite et ceux qui aimeraient qu'elle soit parfaitement implémentée. Le W3C est un organisme ouvert et donc chaque personne peut suivre les développements d'une technologie de ces balbutiements jusqu'à sa publication finale. Cela prend du temps, car il faut établir le consensus au sein du groupe de travail, répondre aux commentaires du public, et s'assurer qu'il existe une interopérabilité dans les pré-implémentations.
Si votre coeur de métier est en rapport avec XHTML 2.0 et CSS 3, alors oui, il est plus que raisonnable de suivre les développements de la technologie et surtout de participer aux discussions de son élaboration. Il est toujours plus facile d'utiliser une technologie lorsqu'elle est devenue mature alors que l'on a été directement impliqué dans son développement.

Vous participez à la conférence ParisWeb2006. Peut-on voir cela comme un rameau d'olivier de la part du W3C face au sentiment de la communauté des développeurs, ou simplement une extension de votre rôle de promotion de la vision du consortium ?

Le rôle de l'organisation du W3C est de développer les technologies en laissant la discussion ouverte. Les développeurs ne sont pas tous à l'extérieur du W3C. Les groupes de travail fonctionnent avec des développeurs, c'est la nature même du travail. Le W3C est un forum pour permettre justement à tous les développeurs de participer à l'élaboration des technologies. Ma présentation à ParisWeb2006 permet de faire découvrir le rôle des technologies du Web sémantique à des personnes qui n'ont pas forcément le temps de suivre par elles-mêmes.

Il est plus que raisonnable de suivre les développements de XHTML 2.0 et CSS 3."
Qu'attendez-vous de cette première conférence française sur la qualité Web et l'accessibilité ? (ndlr : cet entretien a été réalisé avant la conférence ParisWeb)
Je suis très enthousiaste. L'idée a émergé il y a quelques années au sein des carnets Web et puis s'est finalement concrétisée grâce à l'énergie de ses organisateurs. J'espère que nous participons à la première conférence d'une longue série. C'est une occasion unique de découvrir des intervenants de qualité s'exprimant sur les technologies Web en français.

Parmi les sujets soulevés par votre présentation figurent les microformats. Ceux-ci ne semblent pas avoir votre faveur pour améliorer la sémantique des contenus. Pourquoi, et quelle solution préconisez-vous ?
Je présente les microformats car ils font partie des technologies qui permettent de rendre la sémantique explicite. La technologie des microformats n'est pas neuve. Elle est utilisée par exemple sur la page d'accueil du W3C depuis très longtemps.
La communauté des microformats est l'établissement d'un processus de fonctionnement afin de formaliser des microformats relatifs à un domaine d'application, par exemple les calendriers ou les adresses. Cette communauté a choisi d'éviter certaines questions comme les conflits de noms et la formalisation des modèles sémantiques. Le W3C travaille sur une solution similaire répondant à ces questions : RDFa.

En général, le monde des navigateurs Web semble bouillir à nouveau avec le "Web 2.0". Comment le W3C prend-il en compte les nouveaux besoins des développeurs Web, et des implémenteurs de navigateurs ?
Les implémenteurs des navigateurs font partie du W3C. Ils sont particulièrement actifs dans les groupes de travail tels que WebAPI et les formats d'applications Web (Web Application Formats).
XMLHttpRequest est par exemple en cours de normalisation. Le W3C est un consortium, un forum pour que les professionnels du W3C puissent se réunir, discuter et décider des évolutions des technologies Web.

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Pourtant ouvert, le W3C passe aujourd'hui pour une tour d'ivoire. D'où vient selon vous ce désaccord entre le consortium et la communauté qu'il sert, et quelles sont les solutions possibles ?
Il n'y a pas que le W3C et la communauté Web, mais bien des communautés Web représentées au sein du W3C avec parfois des objectifs différents, des idées différentes sur la nature du Web et son évolution. Le W3C est le forum ouvert permettant justement à ces communautés de débattre. Par exemple, les opinions critiques, les débats sur la technologie récemment publiés sur les carnets Web ont été écrits en grande majorité par des personnes participant au W3C.
 
Propos recueillis par Xavier Borderie, JDN Développeurs

PARCOURS
 
 
Karl Dubost, 37 ans, est Conformance Manager au sein du W3C.

2000 Conformance Manager au W3C
2000 Directeur des systèmes d'information chez Angie Interactive
1997 Webmaster/administrateur système à l'IUFM de Paris
1995 Web-designer chez Calvacom, puis en freelance