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Des entrepreneurs comme les autres ?

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Larry Page et Sergey Brin
Comme tous leurs prédécesseurs, Brin et Page ont bénéficié d'un milieu et de circonstances particulièrement favorables : une université, Stanford, ou plutôt deux, Stanford et Berkeley, qui se font concurrence et forment des ingénieurs compétents et très versés dans les technologies du Web (c'est à Stanford que sont nés deux autres grands moteurs de recherche, Yahoo! et Excite), des informaticiens à la recherche d'un emploi à la suite de l'explosion de la bulle Internet, un environnement financier qui facilite l'accès à des ressources pour démarrer, un environnement juridique qui favorise la circulation des idées et des technologies arrivées à maturité. Autant de facteurs qui leur ont permis de construire une usine informatique rapidement et à des coûts très faibles.

Mais Brin et Page ont aussi ces qualités qui font les entrepreneurs que Joseph Schumpeter et, bien avant lui, Jean-Baptiste Say ont décrites : le charisme. Brin et Page savent convaincre leur entourage de les suivre là où ils veulent aller. L'arrogance. Ils sont intelligents, le savent et ne s'en cachent pas. Ils ont de l'ambition, faire fortune ne leur suffit pas, ils veulent aussi changer le monde. Ils sont passionnés par ce qu'ils font. Et si l'on voit aujourd'hui en eux surtout des entrepreneurs qui ont réussi, ce n'est pas la promesse de la fortune qui les amenés à se lancer dans l'aventure, mais la volonté d'améliorer les systèmes de recherche sur le web. Ils ont développé Pagerank sans se lancer dans des longues études de marché qu'ils n'auraient, de toutes manières, jamais eu les moyens de financer.

Anticonformistes, ils savent prendre des décisions qui vont à l'encontre de ce qui se fait. Ils ont, on l'a compris à la lecture de leur histoire, un grand souci de leur indépendance, beaucoup de chance et… une éthique à géométrie variable : ils n'hésitent pas, lorsque nécessaire, à emprunter ce qui ne leur appartient pas. Ils ont eu des procès avec Overture et sont en délicatesse avec les éditeurs qui leur reprochent de ne pas respecter toutes les règles du copyright ou des droits d'auteur. Ils ont, enfin, un vrai sens de l'amitié.

Le rôle de l'amitié dans la création d'entreprises n'a pas, à ma connaissance, fait l'objet d'analyse. On la rencontre pourtant très souvent. Bill Gates et Paul Allen, les deux fondateurs de Microsoft se sont rencontrés sur les bancs du lycée, Dan Bricklin et Bob Franckson, ceux de Visicalc, l'ancêtre de tous les tableurs, sur les bancs du MIT, Steve Wozniak et Steve Jobs se sont connus à 18 ans dans des classes d'été que Hewlett-Packard (entreprise fondée elle aussi par deux camarades d'université, Bill Hewlett et Dave Packard) organisait pour les jeunes passionnés d'informatique. On pourrait ainsi longtemps continuer cette liste. On pense aux fondateurs de Sun… Au début, l'amitié permet d'échanger et de tester des idées, de renforcer la motivation de gens qui n'ont pas choisi la voie la plus classique, de créer, éventuellement, une compétition : c'est à celui qui trouvera la meilleure solution au problème rencontré. Plus tard, lorsque l'entreprise est créée et qu'elle commence à se développer, l'amitié et la confiance qui va avec permettent de partager les efforts, d'amorcer un semblant de division du travail, mais aussi, de corriger les "défauts de jeunesse" : lorsqu'on réfléchit à deux à un problème, on voit mieux les risques et l'on approfondit plus les solutions. Dans des univers difficiles et violents, comme ceux de la Silicon Valley, les amitiés de jeunesse, la confiance qu'elles créent aident à résister à la pression de tous ceux qui menacent l'indépendance de l'entreprise.

Mais, au-delà de ces qualités qui ne sont pas minces, Brin et Page ont su construire et développer une entreprise aux méthodes de management originales, adaptées à un modèle économique qui ne l'est pas moins.

© Une Révolution du Management : le modèle Google, MM2 Editions, 2006.
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