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Sébastien
Crozier
(Directeur associé d'Internet Telecom)
L'expert
des réseaux
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L'un
des co-fondateurs du groupe spécialisé dans la fourniture
d'accès Internet "clé en main" et dans l'e-CRM est un
personnage atypique du Net français. Portrait d'un technicien
télécom qui a le sens du marketing.
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Dans
la salle d'attente d'Internet
Telecom, rue Poissonière à Paris, un article du Journal
du Dimanche de novembre titré " M6 distance TF1 dans Internet
" a été scotché sur un panneau d'affichage. En bas de ce papier
élogieux sur la stratégie Internet de la chaîne de télévision,
figure un encadré sur le prestataire FAI de M6, Internet Telecom.
L'article plaît beaucoup à Sébastien Crozier, l'un des deux
co-dirigeants fondateurs du groupe qui se positionne maintenant
comme "un intégrateur de solutions e-CRM sur le marché européen".
Internet Telecom a acquis sa "Net notoriété" avec sa régie
publicitaire en ligne Axidium-Espace (75 sites clients) et
son service d'accès Internet vendu sous marque blanche à des
clients comme Fnac, Mageos (PPR), Voonoo de la Société Générale
et M6
qui a pris 5% du capital du groupe en septembre.
Sébastien Crozier est un personnage
haut en couleur dans le monde plutôt terne des télécom-FAI.
Lorsque ce manager qui rêvait de devenir banquier résume son
parcours, c'est toujours par rapport à des événements historiques,
une manie qui lui permet "de se poser dans le temps". "Je
suis né à Paris le 31 janvier 1968, jour du début de l'offensive
du Têt au Vietnam et vingt-cinq ans après les orgues de Staline",
débute-t-il. Au lycée Stanislas (où il obtient le premier
prix en religion en cinquième
), il fait la connaissance en
1977 de Xavier Blanchot, qui deviendra son associé chez Internet
Télécom. Depuis, les deux camarades de classe ne se lâchent
plus, d'autant qu'ils partagent une même passion : les jeux
de rôles. Ils fonderont même en 1987 une association consacrée
à ces jeux : Sébastien Crozier y prend le nom de code Belphegor,
" le démon qui collecte l'argent ".
Le
projet Internet Telecom a été proposé
à une quinzaine d'acteurs majeurs du Net. Personne
n'en voulait. Du coup, il le lance avec ses fonds propres.
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Le futur
Belphegor pousuit ses études à l'ESIEE (Ecole supérieure d'ingénieurs
en électrotechnique et électronique), où il découvre le monde
des télécoms. "Nous avions des unités à l'étranger. Moi, je
me trouvais à Karlsruhe lorsque le mur de Berlin est tombé
en 1989. J'y suis allé quelques jours plus tard." Son premier
job remonte à 1990 ("quinze jours après l'invasion du Koweit
par l'Irak"), lorsqu'il intègre une filiale de la SSII Alten
en qualité d'ingénieur. Très vite, le brillant apprenti télécom
passe à des fonctions de manager et fonde ICI Télématique
(responsable notamment des 3615 Fnac, SVM, etc.). "C'est curieux,
commente-t-il aujourd'hui : je retrouve beaucoup de clients
chez Internet Télécom, mais pas les mêmes interlocuteurs".
Fin 1994
, il est débauché par France Télécom Multimédia, où il travaille
sur un projet baptisé Wanadoo (ex-Pages Jaunes Multimédia).
"A l'époque, nous avons dû choisir entre plusieurs noms :
Pass'Tek, Hublot, etc. Finalement, nous avons retenu Wanadoo
car la dénomination du pager Tatoo (NDLR, déjà avec deux OO)
avait un certain succès", se souvient-il. Avec son penchant
pédagogue, il aime décortiquer les différentes entités de
France Télécom et signaler les changement d'organigrammes
dont l'opérateur historique a fait l'objet. Lui-même a d'ailleurs
travaillé pour plusieurs divisions de France Télécom : VTCom
(Vidéo Télématique Communication), puis SDI (Sons, Données,
Images). En 1996, c'est le grand saut. Sébastien Crozier quitte
l'univers confortable de l'opérateur alors public pour se
mettre à son compte.
Mi-98,
il crée sur ses fonds propres la régie publicitaire Internet
Axidium-Espace, en collaboration avec Christophe Castets.
"Le projet était assez facile à monter, se rappelle-t-il.
Nous étions très en retard sur le marché par rapport à des
acteurs comme Accesite ou Hi-Média." Son idée suivante, Internet
Telecom, une formule d'accès au Web sous marque blanche, est
plus difficile à prendre. "Nous avons proposé le projet à
une quinzaine d'acteurs majeurs du Net. Personne n'en voulait."
Du coup, il lance le projet Internet Telecom avec ses fonds
propres, associé à Xavier Blanchot, le copain de Stan'. Si
l'accueil coté investisseurs est plutôt froid, l'horizon est
plus clair côté clients. Internet Telecom lancé en plein boom
de l'Internet gratuit affiche comme première référence le
Crédit Maritime, Fnac.net et VNUNet, et un chiffre d'affaires
de 20 millions de francs pour son premier exercice (cette
année, il devrait tourner autour de 80 millions). "Sébastien
est hyper-vendeur, mais c'est surtout un expert des réseaux
qui sait transformer une technologie en produit marketing",
commente l'un de ses plus proches collaborateurs. Travailleur
acharné, Sébastien Crozier préfère cependant se doper au Coca-light
qu'au café pour tenir son rythme démentiel.
"J'ai
l'intime conviction d'avoir des ennemis irréductibles
dans le business mais, à titre personnel, je ne porte
aucune animosité..." |
Finalement,
le positionnement singulier d'Internet Télécom, auto-qualifié
de "trafiquant de minutes de télécommunication", séduit la
banque d'affaires néerlandaise ABN-Amro, qui a investi 12
millions de francs dans la société en septembre 1999. Une
fois le "business model" approuvé, celui-ci lance son expansion
européenne (Royaume-Uni, Allemagne, etc.) et multiplie les
supports d'accès, toujours sous le mode "marque blanche" :
wap, ADSL, etc. Une nouvelle levée de fonds, d'un montant
de 30 à 50 millions de francs, serait en cours.
S'il est
un domaine où les réactions de Sébastien Crozier peuvent être
très vives, c'est bien face à la concurrence. Exemple : la
procédure juridique initiée début 2000 à l'encontre de la
société e-Brands, accusée d'avoir copié ses FAQ techniques.
Du coté d'e-Brands, on ne manque pas de souligner que cette
attaque est survenue en période cruciale de levée de fonds.
Belphegor serait-il vraiment démoniaque ? "J'ai l'intime conviction
d'avoir des ennemis irréductibles dans le business mais, à
titre personnel, je ne porte aucune animosité", se défend
Sébastien Crozier. Il préfère jouer de la provocation
voire
la confrontation. Dans le cadre de l'Afim (Association française
de l'internet mobile), il n'hésite pas à monter au créneau
pour dénoncer le "waplockage" (verrouillage des accès des
mobiles wap) que pratiqueraient les grands opérateurs téléphoniques
(SFR, Itinéris). Un rôle qui sert également les intérêts d'Internet
Telecom, opérateur dit "alternatif ". "Avec l'Afim, le coté
défense des consommateurs qui me plaît beaucoup", affirme-t-il.
Son nom apparaît aussi dans divers projets : président du
conseil de surveillance d'Ysangar pour l'e-learning [modification
17/01/01 : un poste que Sébastien Crozier vient de
quitter], une participation financière indirecte
dans le portail masculin MonsieursNews.com.
Une fois
épuisées toutes ses tâches et fonctions, il lui reste quelques
loisirs qu'il consacre notamment au roller dans Paris ou à
des lectures, qu'il juge "éclectiques" (romans, littérature
semi-professionnelle, essai). "Dernièrement, raconte-t-il,
j'ai lu Le Casse du Siècle dans l'Eurostar". Un livre de Frédéric
Teulon qui a pour sous-titre "Faut-il croire en la nouvelle
économie ?" (NLDR, à ne pas confondre avec le "Faut-il avoir
peur de la nouvelle économie ?" de J6M.com). "J'en ai conclu
qu'il n'y a pas de casse du siècle. On voit actuellement que
les grands groupes reviennent prendre leur place sur le Net.
L'analyse économique autour du cycle de Kondratiev semble
pertinente", commente Sébastien Crozier. Des propos derrière
lesquels on sent l'envie bouillonnante de prendre la plume
le temps d'un essai - sulfureux ?- sur un sujet qui occupe
presque toute la vie de ce "trafiquant de minutes".
[Philippe
Guerrier, JDNet]
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