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Le Net 20 : François-Henri Pinault (PPR)
(Directeur-général adjoint de PPR, en charge du développement du commerce électronique) : le nouvel empire
Patiemment, il a placé le groupe de distribution Pinault-Printemps-Redoute dans une position idéale pour tirer profit de la montée du commerce sur Internet. Une stratégie : le click & mortar. Une technique : maîtriser le tempo. Pour François-Henri Pinault, il sera d'autant plus facile de succéder à son batisseur d'empire de père qu'il a, lui aussi, construit son territoire.   (07/12/2000)

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Ne le cherchez pas au siège du groupe PPR. François-Henri Pinault a préféré s'installer dans les locaux de PPR Interactive, la filiale dédiée aux développements sur le Web. A 38 ans, le responsable du e-commerce au sein du groupe de distribution (124 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1999) supervise 67 sites et en prévoit 100 dans les douze mois à venir. A ce titre, il participe aussi chaque semaine au Comité d'investissement d'Artémis-net, structure d'investissement Internet d'Artémis, la holding financière qui contrôle PPR.
"Le choix d'intégrer le groupe s'est fait naturellement", reconnaît-il, même s'il avoue que s'il démarrait aujourd'hui, il se laisserait tenter par une start-up.

A l'image des locaux, son bureau est sobre, décoré d'une affiche de Mondrian et d'un maillot de l'équipe de France de rugby ("C'est Christophe Dominici, un copain, qui me l'a donné"). Celui qui se présente comme "le plus ancien collaborateur du groupe, en tout cas celui qui a dirigé le plus de branches", en porte aussi le nom le plus célèbre, puisque le propriétaire est son père, François Pinault, troisième fortune de France selon le magazine "Capital". L'inévitable évocation de sa filiation ne lui arrache qu'un soupir : "Je n'y fais plus vraiment attention. On est toujours le fils de quelqu'un".


A HEC (où il entre dernier mais finit sur la "liste du Président", regroupant les cinq premiers de la promotion), "rien dans son attitude ne montrait d'où il venait, à part sa R5 Turbo", se rappelle un ancien condisciple. "Il était assez fétard mais il avait bien la tête sur les épaules et se demandait s'il n'allait pas choisir un boulot classique", souligne un autre. L'attrait du groupe familial est pourtant le plus fort : il y entre en 1987, après une coopération au Poste d'expansion économique à Los Angeles où il s'occupait de la haute technologie… et de la mode. "Le choix d'intégrer le groupe s'est fait naturellement", reconnaît-il, même s'il avoue que s'il démarrait aujourd'hui, il se laisserait tenter par une start-up. Sa progression est linéaire : salarié chez Pinault Distribution, directeur de France Bois Industrie en 1989, de Pinault Distribution en 1990, de la CFAO en 1993 et président de la Fnac en 1997. Ce parcours furieusement initiatique lui apprend "l'industrie, la distribution professionnelle et grand public, le négoce international, mais aussi le management et le commandement."

Sa passion pour l'informatique (à HEC, il travaillait sur les logiciels de base de données) le conduit dès 1993 à s'intéresser à l'Internet. "Mon premier abonnement était sur Compuserve. J'allais chercher des drivers pour mes micros". Il va vite avancer. "Tous les ans, j'allais aux Etats-Unis. En 95, on a repéré le lancement d'Amazon. On les a rencontrés en 97 pour qu'ils nous expliquent ce qu'ils étaient en train de faire. Lors d'un séminaire à San Francisco, nous avons vu les gens de Yahoo et d'eBay. Cela a été le déclencheur. En rentrant, on s'est dit que l'on allait passer de la phase artisanale à la phase industrielle." Son père se rend aussi régulièrement aux Etats-Unis. Sur les conseils du fils, il rencontre Jean-Louis Gassée, le PDG français de Be (dans laquelle Artémis investit à l'époque 3 millions de dollars), bon indicateur de pistes d'investissements. "Je les vois régulièrement, raconte Jean-Louis Gassée. En novembre dernier, j'ai retrouvé François-Henri au Comdex à Las Vegas. Il est assez pointu en matière de technologie, mais de façon agréable, ni dans la stratosphère, ni trop conservateur."

Convaincre PPR des enjeux du commerce électronique n'a pas été difficile, affirme-t-il, car "le groupe a une culture de vente à distance développée. En revanche, nous avions la conviction dès le départ que c'était un sujet très complexe et très cher. A l'époque, tout le monde disait que c'était du commerce à moindre frais, la fin des magasins. Nous avons nagé à contre-courant en expliquant que ce n'était pas vrai." Métiers obligent, la Fnac et La Redoute sont vite en pointe. Le premier site de "l'agitateur culturel" a été ouvert en octobre 1996. Aujourd'hui Fnac.com devrait réaliser un chiffre d'affaires compris entre 110 et 120 millions de francs cette année, soit 1% du chiffre d'affaires total de la société. Le chiffre d'affaires e-commerce du groupe PPR devrait atteindre la barre symbolique du milliard de francs cette année, tous métiers et tous pays confondus.

"En mai 2000, Serge Weinberg m'a demandé de remonter à coté de lui à la direction générale pour m'occuper de toute l'activité Internet du groupe."

PPR a donc opté pour le modèle click & mortar. Aux yeux de ses dirigeants, Internet ne pouvait être qu'un complément aux activités dans la partie purement transactionnelle, ou bien en amont (la préparation de l'achat) ou encore en aval dans le service après-vente. "On va aller très loin dans cette intégration des formats", martèle François-Henri Pinault. Pour chacun de ses métiers, le groupe s'est aussi interrogé sur ce que la vente à distance pourrait représenter sur Internet. Sur les produits culturels, il estime par exemple qu'elle pourrait atteindre 25 à 30%. Du coup, les politiques varient d'un métier à l'autre, même si le commerce électronique ne reste qu'un format de vente. Pas question donc d'isoler l'activité pour la coter en Bourse. Il y a quelques mois, cette prudence avait valu à PPR les foudres des marchés, mais le groupe a tenu bon. Aujourd'hui...

La stratégie e-commerce est en constante accélération (les nouveaux sites de Conforama, de Surcouf et du Printemps sont annoncés pour début 2001) et François-Henri Pinault a quitté son poste à la Fnac pour la superviser. "En mai 2000, Serge Weinberg m'a demandé de remonter à coté de lui à la direction générale pour m'occuper de toute l'activité Internet du groupe". Une fonction qui vient complêter le dispositif Internet mis en place par PPR. "Comme les sites du groupe avaient des problématiques assez communes, explique François-Henri Pinault, il nous est apparu évident qu'il y avait de la place pour une structure qui recoupe des compétences essentielles, une société de services interne et une cellule de veille technologique. C'est comme ça qu'est née PPR Interactive". Cette dernière, créée en octobre 1999 et aujourd'hui dirigée par Jean-François Nebel, suit également les participations qu'a prises PPR (Letsbuyit, FemmesOnline, Petitsetgrands…).

L'expérience de la vente ne suffit pas toujours et le cas Mageos montre que sortir de son métier d'origine peut être risqué. En 1999, la Fnac lance un service d'accès gratuit dont le succès, mais aussi le coût, incitent PPR à monter une offre mutualisée à l'échelle du groupe. "La décision de lancer Magéos a été prise avec Serge Weinberg. Sur l'accès gratuit, en 2000, nous avons atteint 22% du marché en France, mais les clients réclamaient des forfaits et du haut-débit et ce n'était plus du tout dans nos compétences." En novembre, PPR annonce la cession des activités de Magéos à 9 Telecom pour environ 190 millions d'euros. Même si les deux acteurs affichent leur volonté de progresser (une offre ADSL est prévue début 2001) et si François-Henri Pinault pense que PPR "a la capacité de recruter entre 300 et 400.000 internautes par an au travers de ses réseaux de distribution", la cession de Mageos ressemble à un pas en arrière.

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Le commerce électronique n'est qu'une étape dans l'ascension de François-Henri Pinault. Mais il la vit avec passion. Il surfe tous les jours ("le pire, c'est que je n'arrête pas le week-end") et visite quasi-quotidiennement ses sites. S'il achète beaucoup en ligne, c'est souvent… sur Amazon. "Il m'est arrivé d'envoyer aux gens de la Fnac l'emballage carton, étudié pour être adapté au produit, ou leur facture, imprimée à l'italienne pour gagner de la place." Un suivi méthodique qui n'étonne pas ceux qui travaillent avec lui. "Je ne conçois pas de m'occuper d'une affaire sans en connaître les tenants et aboutissants, affirme-t-il. Pour moi, c'est une qualité, pour mes collaborateurs, ça doit être un défaut !" Une confidence rare de la part de ce manager discret, père d'un enfant, fan de Led Zeppelin et "fana de foot". "Par curiosité intellectuelle", il étudie le langage C adapté aux Pocket PC, et a testé Napster et Gnutella. "Ce sont de superbes outils d'échange, malheureusement dévoyés pour pirater, dit-il. Ils pourraient être utilisés de façon très intelligente." Un nouveau chantier pour les équipes Internet de PPR et leur patron?

 
 
Rédaction JDN & JDN Solutions Sommaire Le Net
 
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