On aurait pu croire que le secteur
naissant de la nouvelle économie favoriserait un rééquilibrage
des postes à responsabilités entre hommes et femmes. Pour
l'instant, il n'en est rien! Sur Internet aussi, les femmes
restent très largement sous-représentées au sein des
décideurs. Alors que plus de 500 personnes sont présentes dans
notre carnet des décideurs de la nouvelle économie, on ne
recense que 41 femmes, soit moins de 8% de l'effectif total.
Plus inquiétant
encore, moins d'une vingtaine seulement occupent des fonctions
de direction générale (PDG ou DG) au sein de
leur société. Parmi elles, on retrouve des femmes
d'expérience comme Anne Sinclair, à la tête des activités
Internet de TF1, ou Elisabeth Chamontin, en charge des
éditions électroniques du groupe Investir. Pour elles,
Internet constitue une étape dans une carrière. Mais elles
cotoient de jeunes "entrepreneuses", pour lesquelles il s'agit
là d'une véritable première expérience de management.
Parmi ces dernières,
Catherine Koste, directrice générale
de Tradweb, un site BtoB spécialisé dans les activités de
traduction professionnelle, qui estime que "la création d'une
entreprise est en général difficile pour une femme, qui doit
entre une vie professionnelle dévorante et une vie familiale.
Dans le secteur des start-up de la nouvelle économie,
poursuit-elle, le problème est encore accru, car la naissance
même de ces sociétés dépend souvent des financeurs, business
angels et capitaux-risqueurs. Or, il s'agit de milieux
extrêmement machos."
Les femmes sont effectivement
très peu nombreuses au sein des structures de capital-risque,
comme le reconnaît l'une d'entre elles, Florence Ribes, associée chez
Leonardo Finance, "d'abord parce qu'il s'agit de postes
extrêmement prenants". Mais, estime-t-elle, "les choses
évoluent et je ne suis plus une exception. Je ne crois pas que
le secteur soit aussi peu ouvert aux femmes qu'on le
dit."
Alexandra de Waresquiel, PDG de
Newsfam, concède pour sa part être privilégiée : "Je dirige
une société qui édite un site dédié aux femmes et cinq femmes
siègent à notre conseil d'administration. Par ailleurs, chez
notre partenaire financier, Appax, nous travaillons avec l'une
des rares femmes dans ce métier du capital-risque. Mais
lorsque nous avons commencé à travailler avec Appax, notre
interlocuteur était un homme et cela ne nous a pas vraiment
posé de problème. C'est d'abord une question d'habitude de
dealer avec des hommes!"
Maïlys Cantzler, PDG de la société de
marketing Arithmédia, pense même que le fait que le monde des
"VC" soit d'abord un milieu d'homme est un avantage. "Cela
crée un climat différent lorsqu'ils se retrouvent face à une
femme chef d'entreprise, expique-t-elle. Ils sont habitués à
côtoyer des femmes secrétaires, assistantes ou traductrices,
alors la négociation d'égal à égale est souvent pour eux une
surprise." Elle précise d'ailleurs : "De toute façon, mon
associé est un homme. Si nous étions tombés sur des
interlocuteurs machos, il aurait pu mener la discussion."
Maïlys Cantzler souligne quand même que chez Arithmédia, "les
hommes sont aujourd'hui largement majoritaires, et lorsque, à
compétence et conditions égales, je peux recruter une femme,
je suis contente de pouvoir rétablir un certain
équilibre."
D'autres "décideuses" de l'Internet
français affirment s'être trouvées à l'abri de ces questions.
Parmi elles, Anne-Laure Brémond, à la tête de la régie Alynet
avec son associé. "Je n'ai jamais vraiment souffert de
discrimination ou de difficultés particulières,
précise-t-elle, D'abord parce que nous n'avons pas eu besoin
de capital-risque. Ensuite, parce que je suis associé avec un
homme. Mais il est vrai que le milieu de l'Internet est
d'abord un univers masculin et il faut savoir se faire
entendre, ce qui n'est pas toujours évident."
Petra Friedman, récemment nommée à la
tête de la filiale française de Qxl (en remplacement d'un
homme), propose une autre piste : "Le milieu de l'Internet
était au début peuplé techniciens pointus, une catégorie où
les femmes sont assez rares." Pour elle, qui est devenue la
première femme à diriger une filiale nationale chez Qxl, "Les
choses peuvent changer avec l'arrivée d'un deuxième vague de
managers plus expérimentés, pour lesquels le critère de
sélection sera d'abord la compétence, ce qui n'était pas
toujours le cas. Je pense que là, beaucoup de femmes auront
une carte à jouer."
Une dirigeante d'une entreprise du
secteur, qui souhaite rester anonyme, suggère, non sans
ironie, une autre explication à cette faible représentation
des femmes: " Beaucoup de ces fameux entreprenautes ont lancé
leur société sur une fausse bonne-idée marketing et initié des
projets pharaoniques reposant sur ces coups de génie très
limités. Il y a là beaucoup de bluff et un comportements
proche de l'immaturité. Les femmes sont moins sujettes à de
tels excès."
On laissera la conclusion
à Elisabeth Chamontin, directrice des médias électronique
au sein du groupe Investir. "Cette sous-représentation
des femmes dans les postes à forte responsabilité
n'est pas surprenante. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil,
une femme doit toujours en faire davantage qu'un homme pour
parvenir au même niveau de responsabilités. Internet
n'a rien changé à cela!" C'est parce qu'elle
est convaincue qu'il faut constituer un réseau d'entraide
entre les femmes, très minoritaires dans ce milieu,
qu' Elisabeth Chamontin a créé avec quelques
amis une association baptisée Internenettes. Elle n'est pas la
seule aujourd'hui à chercher à mettre en place ce type de
réseaux informels : Cyber-elles, le "Business Club des
professionnelles de l'Internet", est en cours de création et
organisera à la fin du mois sa première conférence-débat
autour du thème : « La femme, avenir du Web ? »
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