Par
Benoît
Tabaka,
du
cabinet d'avocats Landwell & Partners.
NB : cet article a fait
l'objet d'une
première publication sur Juriscom.net
|
A l'approche des élections
législatives et présidentielles du printemps 2002, les
candidats ont besoin d'appréhender l'ensemble des limites
posées par le droit électoral en matière, par exemple,
de plafonnement du montant de leurs dépenses électorales
ou du déroulement du scrutin. L'intervention de ces
dispositions a lieu, systématiquement, sous le strict
contrôle du juge des élections, qu'il soit juge administratif
ou juge constitutionnel [1].
Depuis la fin des années
1990 et le début de l'année 2000, un nouveau mode de
communication est entré dans les murs, permettant de
toucher le citoyen français - et en conséquence, l'électeur
- directement à son domicile voire sur son lieu de travail.
Ce système, connu de tous, porte un nom angélique :
Internet. La nouvelle dimension offerte par le réseau
mondial a vite séduit les candidats. Organiser une communication
électorale au niveau international et au moindre coût
a fait tourner bien des têtes.
Seulement,
les élections municipales et cantonales de mars 2001
n'ont pas connu le grand rush technologique tant attendu.
En effet, le flou juridique et l'absence de véritable
connaissance du réseau par les politiques ont conduit
ces derniers à un usage parcimonieux voire méfiant du
PIF [2] . Tel ne sera pas le cas des prochaines
élections présidentielles et législatives, où les moyens
financiers permettront de déployer des moyens de communication
électorale sans commune mesure avec ceux utilisés lors
du renouvellement des conseils municipaux et généraux.
Dans tous les cas, un principe
pré-existe à cette arrivée massive de la classe politique
aux nouvelles technologies : Internet est saisi par
le droit électoral. Dans un jugement du Tribunal administratif
de Toulouse en date du 25 septembre 2001 (Mme Monique
Herment c/ Préfet de l'Aveyron ; n° 01/1141) [3],
le juge a analysé en détail l'application des principes
posés par le Code électoral à l'utilisation, par un
candidat - en l'espèce aux élections municipales -,
d'un site Internet, outil de propagande électorale.
Le juge tente d'aborder sous plusieurs aspects cet usage
et notamment vérifie l'adéquation de la pratique avec
les règles impératives relative aux moyens de communication
audiovisuelle ou à la télématique.
Internet
n'est pas un nouveau mode de communication
|
Nous l'avons dit, Internet
est saisi par le droit électoral. Le Premier ministre,
dans une réponse adressée à un parlementaire le 28 mai
2001 [4], l'a réaffirmé : "du fait du développement
rapide de l'utilisation des sites ouverts sur le réseau
Internet en matière d'élections politiques, le ministère
de l'Intérieur a fait savoir à plusieurs reprises qu'était
applicable la législation générale, laquelle ne distingue
pas nécessairement les types de supports de communication
utilisés". Internet n'est pas, aux yeux du gouvernement,
un nouveau mode de communication totalement différent
des outils de propagande électorale. En effet, Internet
n'est juste qu'un support différent de diffusion d'une
information.
L'universalité de ce média
est susceptible de créer une confusion, celle d'en faire
un monde à part. Or, en matière électorale, les pages
créées par un candidat ne sont ni plus, ni moins qu'une
reproduction sous un format multimédia et interactif
des éléments contenus dans les diverses professions
de foi. La principale différence réside dans l'accessibilité
de ces documents : au lieu d'être disponible sur les
marchés moyennant une poignée de mains, le discours
électoral l'est au travers des réseaux de télécommunication,
24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Les
sites sont assimilés à des moyens de communication
audiovisuelle
|
En raison de la présence
au sein du Code électoral de règles spécifiques à l'utilisation
des moyens audiovisuels, la première question qui s'est
posée est l'assimilation de pages Web à un tel mode
de communication. La réponse est apportée implicitement
par la loi du 1er août 2000, relative à la liberté de
communication. Cette stipulation législative assimile
les sites à des moyens de communication et, plus particulièrement,
à des moyens de communication audiovisuelle en raison
de l'intégration des dispositions relatives à la responsabilité
des hébergeurs de pages Web au sein de la loi de 1986
relative à la communication et, en appliquant aux sites
Internet l'article 93-2 de la loi de 1982 sur la communication
audiovisuelle, prescrivant la désignation d'un responsable
de la rédaction.
Cette interprétation a
été confirmée timidement par le ministre de l'Intérieur
[5] : "Ni les textes ni la jurisprudence électorale
ne permettent d'affirmer avec certitude que ce support
devrait être considéré comme un moyen de communication
audiovisuelle. Comme il s'agit néanmoins de l'hypothèse
la plus probable", le ministre a recommandé aux candidats
de prendre, en conséquence, toutes les diligences appropriées.
C'est donc naturellement que le juge administratif a
fait application aux sites Internet des obligations
posées par le Code électoral notamment en matière d'utilisation
de moyens de communication audiovisuelle.
Demain
Internet en campagne : 2. Où s'arrête
la communication, où commence la publicité ?
Notes
:
[1] Deux ordres juridictionnels sont compétents
en matière de contentieux électoral. Il s'agit d'une
part de la juridiction administrative (Conseil d'Etat,
tribunaux administratifs) qui est le juge de droit commun
pour les élections municipales, cantonales, régionales
et européennes. La Constitution, quant à elle, a donné
compétence au Conseil constitutionnel - agissant alors
en tant que juge ordinaire - pour connaître des litiges
relatifs aux élections parlementaires (Assemblée nationale
et Sénat) et présidentielles.
[2]
Par similitude avec le PAF (paysage audiovisuel français),
le PIF (Paysage Internet français) se répand.
[3]
Disponible en ligne au format PDF sur le site du Forum
des droits sur l'Internet et au format HTML sur
la Revue d'Actualités Juridique Française.
[4]
Rép. Galut, n° 58163, JOAN 28 mai 2001, p. 3132.
[5]
Rép. Luca, n° 54980, JOAN 13 août 2001, p. 4711.
|