Par
Benoît
Tabaka,
du
cabinet d'avocats Landwell & Partners.
NB : cet article a fait
l'objet d'une
première publication sur Juriscom.net
|
L'article L.50-1 du Code
électoral précise que "pendant les trois mois précédant
le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la
date du tour du scrutin où celle-ci est acquise, aucun
numéro d'appel téléphonique ou télématique gratuit ne
peut être porté à la connaissance du public par un candidat,
une liste de candidats ou à leur profit". Le juge a
eu l'occasion d'affirmer que cette interdiction ne vise
pas le fait de mettre à disposition des électeurs un
numéro d'appel téléphonique gratuit dès lors que ce
dernier existait avant les élections, et qu'aucune modification
notable n'a été opérée dans le cadre du scrutin [11].
Cette
prohibition est-elle susceptible de s'appliquer à l'utilisation
d'Internet par les candidats ? Le ministre de l'Intérieur
a indiqué le 31 mars 1997 [12] que "la mise en
place d'un site Internet est tout à fait comparable
à la mise à la disposition du public d'un numéro d'appel
téléphonique, gratuit ou non, d'ores et déjà considéré
comme un moyen de propagande électorale par l'article
L. 50-1 du Code électoral". Néanmoins, "à la différence
d'un numéro d'appel téléphonique gratuit, qui ne peut
être porté à la connaissance du public pendant les trois
mois précédant le premier jour du mois d'une élection
et jusqu'à la date du tout de scrutin ou celle-ci est
acquise, aucune restriction n'est prévue quant à la
diffusion dans le public des moyens d'accéder à un site
Internet".
Suivant cette interprétation,
le Tribunal administratif de Toulouse a estimé dans
son jugement que "l'accès au site Internet de la liste
(
) entraînant en principe le paiement d'une communication
téléphonique ; que, par suite, ledit site Internet ne
peut être regardé comme un numéro d'appel téléphonique
ou télématique gratuit". Tout d'abord, nous relevons
dans cet élément du dispositif une légère confusion
de la part du juge. Ce dernier tente d'assimiler un
site Internet (c'est-à-dire du contenu) à un numéro
téléphonique ou télématique (c'est-à-dire le chemin
d'accès audit contenu). Cette différence fondamentale
aurait pu servir à elle seule à écarter l'argument soulevé.
Un site Internet constituant un contenu et non un chemin
d'accès, il n'est pas visé en lui-même par l'interdiction.
Pour
surfer, il faut payer
|
Mais, les dispositions
de l'article L.50-1 sont susceptibles de viser l'ensemble
constitué par le numéro de connexion permettant l'accès
au réseau et l'adresse du site Internet (son nom de
domaine) qui constitue le couple essentiel pour accéder
aux pages incriminées. Seulement et comme le relève
le juge, l'internaute doit s'acquitter du montant d'une
communication téléphonique. Le tribunal en a donc déduit
que l'électeur qui se connecte à un site Internet n'est
pas dans la même situation qu'en cas d'appel d'un numéro
vert.
Cette interprétation ne
va-t-elle pas évoluer ? En effet, les méthodes d'accès
à Internet changent et se perfectionnent. A côté des
services disponibles au travers du réseau téléphonique
commuté (c'est-à-dire au travers de la ligne téléphonique
traditionnelle avec un coût proportionnel au temps de
connexion), les opérateurs téléphoniques et les fournisseurs
d'accès à Internet permettent de se connecter via des
techniques dites haut débit, facturées en fonction du
débit (câble) ou indépendamment de toute durée (ADSL).
Les
accès haut débits dans le même
panier
|
Ces services qui tendent
à se développer et à se démocratiser dans les foyers,
ont pour effet de diminuer le coût unitaire de l'accès
à Internet et ainsi le rendre quasi nul. Le coût pour
l'électeur pouvant être apparenté à un accès gratuit,
le simple fait de permettre d'accéder à un site Internet,
c'est-à-dire de détenir un nom de domaine, pourrait
être gouverné par l'article L. 50-1 du Code électoral.
Mais le nombre encore faible
de ces accès, et l'absence de paiement du prix n'étant
pas le fait direct du candidat, ont conduit le tribunal
à considérer, à juste titre, de manière générale l'exclusion
de l'accès à un site Internet de ladite interdiction.
Tel ne serait pas le cas d'un candidat qui distribuerait,
à ses concitoyens, un CD-Rom permettant d'accéder à
Internet gratuitement pendant un nombre déterminé d'heures
et, ayant préalablement configuré la connexion pour
faire du site Internet de campagne, la page d'accueil
par défaut s'ouvrant à chaque utilisation. Cet exemple
n'est, encore aujourd'hui, qu'un cas d'école en raison
du coût de la connexion Internet que devrait s'acquitter
- et répercuter par son compte de campagne - le candidat
[13].
A
suivre
Internet en campagne : 5. Défense
d'utiliser les sites officiels sous peine de
A lire également
:
1. Un média de propagande
(presque) comme les autres
2.
Où s'arrête la communication,
où commence la publicité ?
3. Hors-ligne obligatoire
les jours de scrutin
Notes
:
[11] CE, 9 juillet 1993, M. Artufel, n° 143.447
; CE, 30 novembre 1998, Elections régionales de Languedoc-Roussillon,
n° 195.125.
[12] Rép. Saint-Ellier, n° 48087, JOAN 31 mars 1997,
p. 1676.
[13] Le coût pour l'opérateur d'une heure de connexion
à Internet est d'environ 7 FHT, auquel s'ajoute les
frais de commercialisation, marketing, etc
|