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L'idée la plus brillante
1. Jean-David Blanc / AlloCiné (lire)
2. Jacques Rosselin / CanalWeb

C'est le Don Quichotte du Web français: Jacques Rosselin, du fond des studios de Canal Web, ne craint pas de prendre rendez-vous dans cinq ans avec Canal Plus ou TF1. En attendant, il exploite tout seul le créneau de la télévision en ligne.

"Dans cinq ans, nos concurrents, ce sont Murdoch, Vivendi, Canal Plus... " La scène ferait sourire si on ne parlait pas d'Internet et si ce n'était pas avec Jacques Rosselin. Du fond de son bureau de la mythique et très tranquille Rue Cognacq-Jay à Paris, l'homme voit encore plus grand sur le Web qu'il ne le faisait du temps de ses aventures en presse papier. Après avoir lancé l'original et réussi "Courrier international", il espérait détrôner le "Journal du dimanche" avec un projet de quotidien du septième jour ou donner un coup de vieux à la presse économique en relançant un "Nouvel Economiste" qui lui a finalement échappé. Cette fois, ce sont les télévisions qui sont en ligne de mire. Internet a donné des ailes à l'imagination du trépidant Rosselin.

Le déclic américain
On n'est pas dépaysé de prime abord en arrivant dans les bureaux -densément peuplés- de CanalWeb, où sont affichées des grilles de programmes. Pourtant CanalWeb n'est pas une chaîne télévisée, mais un site, ou plus précisément un hybride des deux. "On est la télévision que vont regarder les gens dans cinq ans", lance un Jacques Rosselin affairé. "Je ne sais pas si nous aurons 50, 40, 20 ou 70% de part de marché, mais dans les 5 à 10 ans à venir, elle sera importante. Nous aurons un ou deux millions de personnes par jour qui viendront voir 2.000 émissions. La bataille se jouera sur la pertinence des contenus. Or aujourd'hui les télévisions ont peu de contenus, et c'est justement ce que nous faisons, nous: du contenu."
A l'origine, CanalWeb était une lettre d'informations (papier) sur les rapports entre télévision et Internet. Les réminiscences de sa "période américaine" quand Jacques Rosselin expliquait le minitel aux sociétés de télécoms US -il croise à cette occasion un certain Steve Case- et un coup d'oeil sur Pseudo.com, le site d'un des ses compères d'alors, Joshua Harris, ont tout changé.

Echecs et jeux vidéos
En septembre 1998, CanalWeb se transforme en société de production et de diffusion de programmes télévisés sur le Web. L'entreprise est maintenant un bouquet de programmes -environ 50 émissions aujourd'hui-, tous sur le modèle des "talk-shows", dont les vedettes en audience sont les émissions sur les jeux vidéo et sur les échecs. "Ce qui marche le mieux est soit très communautaire, comme les échecs et l'émission Diagonale; soit très spécialisé, comme la cuisine." 90% des programmes sont réalisés en direct, dans les studios de la rue Cognacq-Jay. Les émissions bénéficient de liens hypertextes en rapport avec les thèmes abordés. On y trouve tout un bazar audiovisuel et multimédia, des très concernées émissions débats du Monde Diplomatique au sémillant "salon de coiffure philosophique" en passant par les petites annonces, la littérature et les nouvelles technologies... A fin juin, plus de 1.000 heures de programmes étaient ainsi accessibles en ligne.

Plusieurs métiers
CanalWeb compte 25 personnes et devrait aller jusqu'à 30-35. L'entreprise a trois métiers: la production de programmes originaux, la diffusion de ces programmes (maison ou réalisés pour d'autres), sur différents sites, et la prestation de services, pour des ministères, des collectivités locales, des entreprises, etc. Une activité source de rentabilité immédiate, mais "qui n'est qu'un complément, voire un remplacement". Ce qui intéresse Jacques Rosselin, c'est avant tout d'être associé à la production des programmes et pas de jouer les Broadcast.com, le site américain de rediffusion en ligne de programmes vidéos et radios, aujourd'hui propriété de Yahoo. "C'est aussi un moyen d'évangéliser au rich media, à la video on demand", explique aussi le directeur général adjoint de CanalWeb, Patrick Vallée.
Cette troisième activité, comme prestataire de services, a amené CanalWeb à réaliser entre autres la couverture "télévisée" sur Internet des assemblées générales de Siemens et des lecteurs du Monde, du salon aéronautique du Bourget, du salon Comunica… Lors d'une réunion de médecins, une dizaine d'endoscopies ont été retransmises en direct, tandis que les dossiers médicaux des opérés passaient parallèlement à l'écran. 200 médecins ont suivi les opérations sur Internet, tandis que 200 autres réunis les voyaient sur grand écran à Paris. Autre diversification dans le domaine de la vidéo en ligne, CanalWeb s'est associé à la Cote Bleue pour créer TVBourse.net, une "net-TV" dédiée aux conférences de presse, réunions d'analystes et assemblées générales.

Des partenaires pour la multidiffusion
A plus long terme, CanalWeb "capitalise sur des contenus et leur diffusion au plus grand nombre". A côté de la réalisation et de la première diffusion, sur son site, CanalWeb cherche à se développer en diffusant sur d'autres webs. Parmi les partenaires chez lesquels CanalWeb diffuse des programmes, on trouve Le Monde, LibertySurf, la Fnac, RTL… La totalité des programmes sont archivés après diffusion, et peuvent être consultés à tout moment. Les "chats" sont souvent mis à contribution pour renforcer l'interactivité des émissions. "Notre but est d'être à la fois une télévision de flux et de stocks", souligne encore Patrick Vallée. 70 à 80% des consultations du site portent sur les programmes archivés, le reste sur le direct. Le site enregistre actuellement 2 millions de pages vues par mois, et Jacques Rosselin table sur une montée à 5 millions de pages mensuelles à la fin de l'année.

La rentabilité? Pas prioritaire
"Pour le moment, nous créons de l'audience, nous développons une technologie et une image: ça vaut de l'argent, souligne Jacques Rosselin. On est dans une problématique très proche de la télé. La démarche, c'est celle de Canal Plus qui a perdu de l'argent pendant des années avant de devenir rentable. Nous sommes dans une guerre de positions, avec l'avantage qu'en pratique, nous n'avons pas de concurrent". Le discours satisfait apparemment les financiers de CanalWeb, plusieurs sociétés de capital-risque (Oléron Participation, Galileo), le groupe Sud-Ouest via sa filiale Atlantel, ou Pierre Bergé, l'actionnaire des débuts de "Courrier". Mais les ambitions de Rosselin sont gourmandes: une nouvelle et importante levée de fonds est prévue d'ici la fin de l'année.


[Thierry Noisette, JDNet]

Idée / Le gagnant:

Jean-David Blanc marche résolument sur la voie royale de l'Internet: mélanger commerce, contenu et services sur un site efficace et convivial, Allociné. Une création originale et, ce qui ne gâte rien, rentable.



 


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