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Les marchands les plus dynamiques
1. Paul-Emile Cadilhac / Le Printemps
2. Patrice Magnard / Alapage (lire)

Paul-Emile Cadilhac a fait du très vénérable Printemps un des marchands les plus remuants et les plus originaux du Web français grâce notamment à ses webcamers. Un coup de "french touch" sur une Toile qui reproduit trop souvent à l'identique les exemples américains.

Quels sont les "facteurs différenciant" d'un grand magasin? Institution marchande née en 1865 à Paris, le Printemps a ne s'est pas précipité sur l'Internet: sa boutique virtuelle n'a ouvert qu'en novembre 1998. Son directeur Internet, Paul-Emile Cadilhac, l'explique: "Nous avons d'abord examiné quels étaient les facteurs différenciant du grand magasin dans le monde physique, et ce qui était transposable sur Internet. Les trois facteurs que nous avons retenus ont été la largeur de l'assortiment, le service et l'événementiel" (expositions exclusives, concerts, dédicaces, etc.). "Impensable" de mettre en ligne tout l'assortiment du Printemps, qui propose 1,5 million d'articles dans son magasin du boulevard Haussmann. "Nous ne croyons pas à la démarche du type Macy's qui fait la course au plus grand nombre de références. Notre légitimité comme grand magasin tient davantage dans la capacité à proposer une sélection. On ne vient pas dans un grand magasin pour tout trouver, mais pour trouver ce qu'il faut, et aussi pour flâner, se laisser séduire par une ambiance, une décoration". Pour compenser le nombre restreint de références (4.000 à 5.000 d'ici fin 1999), les articles doivent être régulièrement "rafraîchis". L'invention des webcamers a été une autre réponse, cette fois pour le service.

Des webcamers en plus pour Noël
Le site ne doit pas être un nouveau canal de distribution, estime son directeur: "Nous ne sommes pas des vépécistes. Les magasins restent le coeur de notre activité. Le Net est un complément et non un remplaçant: le site peut servir à préparer une visite ou à la prolonger". Les fameux webcamers sont ainsi nés des réflexions de l'équipe Internet du magasin, qui envisageait d'intégrer immédiatement à la boutique les articles demandés par les internautes et de son prestataire Business Lab, qui, lui, imaginait l'utilisation de webcams pour faire de l'événementiel. D'où l'idée de doter des jeunes gens en rollers d'une webcam et d'un micro portable. Mis en application au printemps dernier, le concept du webcamer est "apparemment une première sur le Net, ce qui montre que les Français ne devraient pas avoir de complexe et innover, plutôt que chercher sans cesse à copier ce qui marche aux Etats-Unis", estime Paul-Emile Cadilhac. les webcamers sont sélectionnés sur deux critères: leur pratique des rollers (la plupart sont recrutés via l'association Pari Roller, célèbre pour ses randonnées du vendredi soir) et un bon niveau d'anglais pour "chater" avec les internautes étrangers. Le reste, soit la connaissance de la vente et de la géographie du Printemps-Haussmann, s'apprend en interne. Le service, assuré de 10 heures à 19 heures du lundi au vendredi, "a déjà été rentable plusieurs journées depuis mai". Bientôt il sera disponible 24 heures sur 24 une journée par semaine. Pour les fêtes de fin d'année, ils seront une quinzaine à sillonner les allées du grand magasin.

Un million de francs par mois
Le Printemps réalise maintenant sur l'Internet un million de francs de ventes mensuelles, dont "largement plus de la moitié dans la Boutique Blanche" dédiée aux listes de mariages. L'activité est évidemment saisonnière, en ligne comme en dehors, mais les jeunes mariés reviennent régulièrement consulter l'état de leur liste, même plusieurs mois après, tandis que d'autres se renseignent avant la cérémonie. Chez les vendeurs en rollers, le record de vente est détenu par une transaction de septembre qui a porté sur 10.000 francs pour 15 articles, après un "chat" de une heure et demie entre un webcamer et la cliente. Les sites du Printemps avaient, en mai dernier, une audience de 1,4 million de pages vues et 70.000 visites. Paul-Emile Cadilhac espère bien voir passer ce chiffre à 100.000 visites en fin d'année. 80% du trafic actuel porte sur la Boutique Blanche et les webcamers. Les clients sont en majorité français (75%, dont 50% dans les zones de chalandise des magasins et 25% en dehors), mais une campagne de communication à l'étranger devrait faire augmenter la part internationale. Toutefois on observe aussi des achats de proximité: "Il n'est pas rare d'avoir un internaute qui précise au webcamer qu'il veut tel modèle, à tel stand de tel étage, qu'il a repéré et veut acheter sans revenir. La dimension de service et la valeur ajoutée apparaissent parfaitement dans ces cas.Il est arrivé que l'acheteur se trouve à quelques centaines de mètres du magasin".
Si le concept n'a apparemment pas encore inspiré les Américains, l'expérience suscite en revanche l'intérêt de confrères italiens et japonais - les magasins Takashimaya sont des partenaires réguliers du Printemps. Au sein du groupe PPR, les responsables Internet des différentes enseignes qui se réunissent au moins une fois par mois sous la direction de Bruno Crémel pour échanger leurs informations suivent le dossier de près.

Le téléachat à l'essai
Dans la lignée de l'expérience Webcamer, le grand magasin a procédé pendant trois semaines à une expérience de téléachat. Pas de Pierre Bellemarre en rollers, mais une animatrice-webcamer qui propose des sélections de produits, disponibles d'un clic à l'écran. Paul-Emile Cadilhac juge au passage que "la télévision sur Internet a plus de chances de réussite qu'Internet sur les téléviseurs. Une fois la bande passante améliorée, on obtiendra une bien meilleure interactivité dans le premier cas que dans le second. Et sur le Net tout est déjà numérisé, il y a beaucoup moins de problème de normes et de comptabilités que sur des téléviseurs".
Le directeur Internet du Printemps, à ce poste depuis mai 1998 après avoir été directeur informatique de l'entreprise -il y a d'ailleurs fait toute sa carrière- suit de près les sites de chaînes télévisées et consulte régulièrement LiveOntheNet. C'est son penchant, rare chez les DSI, pour le marketing, qui a fait de lui un homme clé du projet internet du distributeur. Une de ses plus grandes satisfactions? S'être associé à plusieurs reprises à des télévisions pour couvrir des événements, toujours avec les webcamers: le Festival de Cannes a été l'occasion d'interviewer de nombreuses stars, de Catherine Zeta-Jones à Almodovar, et lors de la Techno-Parade le magasin s'est associé à TF1. Constat du décidément très éclectique Paul-Emile Cadilhac: "Pour réussir en ligne, les distributeurs doivent aussi se faire éditeurs".


[Thierry Noisette, JDNet]

Marchands/Le challenger:

Pour Patrice Magnard, la consécration financière est peut-être arrivée un peu trop tôt. Le "deal de l'année" -la vente de son site Alapage à France Télécom- a en tous cas superbement validé onze ans de développement dans le commerce en ligne.

 



 
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